Le moins qu’on puisse dire, c’est que William Shakespeare a inspiré bon nombre d’auteurs et cinéastes. Rien qu’au cinéma, on compte les adaptations de ses pièces les plus célèbres par centaines… Et cette frénésie pour le dramaturge du 16e siècle n’est pas prête de s’arrêter de sitôt, puisqu’encore aujourd’hui, la sortie au cinéma d’une nouvelle adaptation de Macbeth est imminente. Le 18 novembre prochain, pour être précise.
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Vous avez peut-être vu passer quelques affiches du film, d’ailleurs. Elles vous ont forcément marqué•e•s. On y voit Michael Fassbender, sombre et presque terrifiant dans le rôle de Macbeth, ou Marion Cotillard, avec ce petit je-ne-sais-quoi de glaçant dans l’air fatigué de Lady Macbeth. À ces images, on peut déjà se dire que Justin Kurzel, le réalisateur, a pris au sérieux sa revisite de la tragédie qui a traversé les siècles. Et pour avoir vu le film en avant-première, je peux vous affirmer que ça ne plaisante pas.
Adapter une pièce de théâtre en film est un exercice difficile, voire périlleux, sur lequel bien des réalisateurs se sont cassés les dents. Pire : une adaptation d’une pièce de théâtre, même réussie, aura du mal à séduire un large public. Pourtant, il y a quelque chose dans cette revisite qui remet au goût du jour l’aspect fascinant de cette vieille histoire…
Une immersion violente dans la tragédie de Shakespeare
Bon, mon avis est peut-être un peu biaisé. Macbeth est la première pièce de Shakespeare que j’ai lue et étudiée, et qui m’a ajoutée à la longue liste des admirateurs•trices du dramaturge. Dure et captivante, elle est d’une intensité et d’une pertinence à propos de la nature humaine que je ne pensais pas trouver, alors, dans le théâtre. Bref, c’est Macbeth qui m’a fait découvrir le potentiel du genre.
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Alors oui, quand j’ai vu la première bande-annonce de ce nouveau film, au premier « All Hail Macbeth! », j’ai frissonné. C’est mon petit côté nerd, que voulez-vous. C’est que c’est pas rien, cette histoire ! Macbeth, c’est ce chef des armées écossais du 11e siècle, reconnu honnête, et pourtant ambitieux ; il s’illustre lors d’une dernière bataille contre le Danemark dont il revient victorieux, et gagne la faveur du roi. Et puis il fait la rencontre de trois femmes mystérieuses, qui lui prédisent qu’il deviendra roi. Une information dont il peut faire ce qu’il veut : laisser faire le Destin… ou le forcer.
Macbeth, c’est l’histoire brutale d’un homme et de son épouse, tout aussi ambitieuse, qui se laissent sombrer dans la folie. Une folie qui se ressent dès les premières minutes du film, dans une mise en scène époustouflante – peut-être même la plus belle, et dont la violence sur fond de plans larges incroyables prend littéralement aux tripes. Il s’agit de la bataille contre le Danemark que remporte Macbeth, et qui suit de près la scène où lui et Lady Macbeth disent adieu à leur enfant décédé.
L’affrontement est orchestré et se joue au rythme des coups et des hurlements réalistes. Pas de sang, pas de gros plans sur des têtes coupées : ici, la brutalité des hommes est mise en exergue par un jeu esthétique sur les couleurs et la brume, et le regard déjà terrible d’intensité de Michael Fassbender.
Ajoutez à ça des ralentissements et longueurs généralement bien gérés, et vous avez là plus ou moins le secret de la réussite de ce film.
Macbeth, une folie légendaire sur grand écran
Ah, mais n’allez pas me faire dire ce que je n’ai pas dit : Michael Fassbender ne porte pas le film à lui tout seul. Pas tout à fait. Il y a de nombreux autres protagonistes convaincants, que ce soit Banquo, le roi Duncan, les Soeurs Fatales ou encore Macduff. Mais bon. Pour être honnête, c’est autour de lui et de Marion Cotillard que tout se joue. Oui, Marion Cotillard.
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Je peux comprendre les réserves à l’idée de faire jouer une Française dans une pièce (en VO) de Shakespeare. C’est vrai que s’il y a bien un auteur dont on ne peut pas trop se permettre de louper l’accent sur ses textes, bon… C’est celui dont on use du nom pour l’expression « la langue de Shakespeare ». D’autant que Kurzel a fait le choix d’une relecture littérale. Mais qu’on l’aime ou pas, et j’aimerais bien comprendre pourquoi toujours tant de haine vis à vis de cette actrice, Marion Cotillard fait du très bon boulot. Et elle est très convaincante dans son personnage.
Il fallait forcément qu’une certaine alchimie se créé entre elle et Fassbender, Lady Macbeth et son époux dont la folie finit par survivre à la sienne. Elle est d’une constante fureur glaciale, tandis que sa colère à lui grossit pour virer à la démence rugissante, puis le désespoir. Le jeu, qui influence qui, qui pervertit l’autre, fonctionne. Et si je regrette que certaines scènes de Lady Macbeth soient trop brèves, contre un Macbeth qui crève l’écran et des longueurs superflues, j’y ai cru.
Ah, oui, parce que le film reste une adaptation d’une pièce du 16e siècle, ne l’oublions pas. Les grandes tirades de génie du dramaturge ne sont pratiquement pas coupées, et les scènes de monologues comme les dialogues peuvent faire bizarre à qui venait là pour voir un film hollywoodien classique. C’est un film esthétique sur tous les plans, que ce soit le jeu sur la lumière, une photographie perfectionnée à l’extrême, ou la lenteur d’un monologue.
Si les films avec un certain côté contemplatif ne sont pas votre tasse de thé, vous pourriez donc tout de même être bluffé•e•s par cette renaissance moderne de Macbeth. Et si au contraire, vous êtes un•e grand•e fan comme moi, cette montée en puissance et en couleurs d’une folie légendaire sur grand écran pourrait bien vous laisser essouflé•e•s.
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