J’ai suivi avec intérêt la polémique concernant les enfants dans l’espace public et je suis d’accord : les gosses qui cassent les oreilles dans les transports, c’est la plaie. En tant que mère, je ne suis pas fière que mes enfants pourrissent le trajet des autres usagers, je préférerais laisser ce plaisir aux mecs en costume-cravate qui hurlent dans leur smartphone.
Malheureusement, lorsque j’invective mon enfant d’un « Trésor chéri, arrête de donner des coups dans les genoux du monsieur, il a un zizi en cristal et il a besoin d’étaler ses jambes sur trois sièges », eh bien Trésor chéri ne m’écoute pas.
Ce n’est pas étonnant, je n’ai jamais eu d’autorité. Dommage pour vous, ce fait regrettable ne me dispense pas de transports publics jusqu’à la majorité de ma progéniture.
Lorsque j’étais nullipare, je comptais sur le bon sens de mes proches pour se comporter correctement sans que j’ai besoin d’intervenir. Il arrivait que certaines personnes de mon entourage soient ivres, et dans ce cas, il fallait parfois les recadrer. J’étais plutôt douée pour convaincre un pote de ne pas montrer ses fesses en public, ou une copine de ne pas courir au milieu de la nationale.
Le problème, c’est que souvent, j’étais ivre aussi et je n’ai donc plus aucun souvenir des techniques alors employées. C’est dommage, ça aurait pu m’être utile, surtout que l’enfant présente de nombreuses similitudes avec l’adulte ivre mort.
Mon manque total de crédibilité
Parfois, j’en ai un peu marre de vivre dans un cirque et j’exige de ma fille qu’elle range immédiatement les sous-vêtements qu’elle vient d’éparpiller sur le sol pour je ne sais quelle raison.
Je reviens contrôler quelques minutes plus tard que mes instructions ont été suivies — bien entendu, ce n’est pas le cas. Les culottes sont toujours par terre, sauf une qui est maintenant vissée sur le crâne de ma fille hilare. Mon cerveau est secoué de messages contradictoires. Je dois rester forte et je débite mon texte que je connais par cœur, à force :
« Maman t’as demandé quelque chose et tu ne le fais pas. Maman n’est pas contente du tout et maman ne trouve pas ça drôle. »
Rapide coup d’œil à maman, dont le visage ne s’accorde absolument pas au propos tenu. Visiblement si, maman trouve ça très drôle, maman est morte de rire.
Dix minutes plus tard, le contenu entier de la commode recouvre toujours le sol et je suis moi-même affublée d’un couvre-chef du meilleur goût puisque j’ai absolument voulu montrer à ma fille comment on pouvait se faire des oreilles de lapin avec un collant.
Nique la parentalité positive
Je me dis qu’il est temps que je commence à discipliner un peu mon enfant, que je suspecte de plus en plus régulièrement de se fiche de ma pomme. « FAUX ! », m’apprend la littérature bienveillante que je consulte dans l’espoir de trouver des astuces pour me faire respecter.
Un-enfant-ne-fait-pas-de-caprice. Ah. Je pensais pourtant que c’est comme ça qu’on appelait le fait de se rouler sur le sol du supermarché quand on refusait de nous laisser manger des petits pois congelés à même le sachet ?
Grâce à J’ai tout essayé et Parler pour que les tout-petits écoutent, deux ouvrages phares de la parentalité positive, je vais pouvoir abandonner mon postulat autoritaire adultiste et accompagner mon enfant dans l’accueil de ses émotions.
— Maman comprend que tu es très frustrée.
(Valider le ressenti de l’enfant, règle numéro 1.)
— Tu avais très envie de découper le chemisier neuf de maman.
(Verbaliser, règle numéro 2.)
— Oui c’est vrai maman j’en ai très envie !
(Un enfant qui se sent écouter sera prêt à collaborer.)
— Mais maman aime beaucoup son chemisier et sera très triste si tu le découpes car elle ne pourra plus le porter. Tu comprends ?
(Donner du sens à sa requête, règle numéro 3.)
— Oui, maman, je comprends.
— Alors tu me rends les ciseaux et le chemisier ?
— Nan. »
La phase des hurlements
Si les bouquins cités dans le paragraphe précédant préfèrent utiliser le terme « pistes de réponse » plutôt que « solutions », c’est parce que « solution » impliquerait que les préceptes proposés fonctionnent.
Je me suis donc mise à crier que je comptais jusqu’à trois. Le suspense était à son comble : qu’allait-il se passer une fois ce chiffre emblématique dépassé ? Absolument rien, comme peut le constater mon enfant qui ne se laisse pas démonter par mes tentatives d’intimidation et continue de courir sur le parking bondé.
Je m’époumone ensuite que si elle veut se faire renverser par une voiture et MOURIR, c’est son problème plus le mien parce que moi j’en ai marre et je rentre à la maison. Sans elle.
Cette petite menace — qui selon mes estimations ne devrait lui valoir qu’une dizaine d’années de thérapie et une peur de l’abandon pathologique qui la jettera dans les griffes de toutes les personnes toxiques qui croiseront sa route — fonctionne à peu près.
Rien de miraculeux : la minuscule créature ne décide pas de me rejoindre sagement et de me prendre la main pour autant. Mais enfin, elle me suit à une petite dizaine de mètres, ce qui est assez pratique puisque la distance étouffe un peu ses hurlements ainsi que les miens (bah oui, pour la faire taire, je lui crie de ne pas crier).
J’ai lâché l’affaire
Je me fais peu à peu à l’idée d’avoir des enfants mal éduqués. Ce truc d’autorité, c’est trop compliqué pour moi : quand j’essaye, je fais flipper tout le monde ! Une seconde, je hurle, la seconde d’après je m’en veux tellement d’avoir hurlé que je parle avec un ton doucereux et égal qui pourrait me donner le premier rôle dans le prochain Conjuring.
Qui est-ce que j’ai cru tromper ? Au jeu de « qui crie le plus fort et tient le plus longtemps », c’est ma fille qui gagne, systématiquement.
Alors plutôt que d’utiliser de mon autorité naturelle mais inexistante pour obtenir ce que je veux, j’utilise la technique de la négociation — alias du chantage — qui consiste à monnayer un bon comportement contre un dessin animé, un bonbon ou une sortie au parc à jeu. Et c’est 100% efficace.
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Crédit photo : Monstera / Pexels
Écoutez l’Apéro des Daronnes, l’émission de Madmoizelle qui veut faire tomber les tabous autour de la parentalité.
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