Qu’elle soit prévue ou non (la valeur fréquentielle est effectivement fonction de la distance qui sépare les spécimens de manière inversement proportionnelle : plus la distance est courte, plus la fréquence prend des proportions exponentielles…), la visite maternelle soi-disant bien intentionnée peut vite se transformer en cauchemar.
Il semblerait en effet que nos mamans soient tentées parfois -sous couvert d’être les reines du chiffon, éponge et autres balais-brosses- de faire acte d’infanticide prémédité à coups de bombe Décap-four… Peut-être est-ce dû à un désir d’éradiquer de manière définitive un complexe d’Œdipe qui tarde à se résoudre… Va savoir…
Le principe est simple : renverser le processus d’adoration du papa vis-à-vis de sa fifille en la faisant passer pour une souillon. La scène du crime : bien évidemment, l’appartement de cette dernière, rendu d’autant plus intéressant lorsque la dite fifille vit en couple. Le spectacle se transforme alors en véritable corrida avec mise à mort devant l’être aimé qui, pieds et poings liés, ne peut venir nous sauver sur son beau cheval blanc… La déception s’ajoute alors à la honte… Et s’ensuit une bien méritée scène de ménage (tiens, le revoilà).
Les manifestations de désapprobation sont multiples, car la bête a de l’expérience et nous connaît par cœur, ce qui rend les choses encore plus faciles. Les remarques sont d’une acidité variable, selon l’humeur du bourreau…
- Tousser de manière répétée en prétextant une allergie soudaine à la poussière que même notre père, qui partage la vie de la personne concernée depuis 25 ans, découvre sous nos yeux ébahis…
Réponse maternelle : « Mais tu le sais bien pourtant : quand on était en vacances en Egypte, j’ai pas arrêté de tousser pendant tout le séjour parce que la chambre était dégueulasse ! » … Et vlan ! Premier round ! Tout le monde se rappelait qu’elle avait passé des vacances minables à cause de la salmonelle chopée en mangeant du poisson pas frais et passé 8 jours dans les toilettes en revenant, mais l’allergie, personne ne s’en rappelait… Bizarre… - Passer gentiment et sûrement la main sur la rampe d’escalier, puis s’assurer que la dose de poussière récoltée est proche de zéro. Cet appareil miraculeux porte le joli nom de détecteur à poussière manuel, disponible uniquement pour les ménagères expérimentées.
- Insister pour ranger les tasses dans le lave-vaisselle pour constater l’état de l’intérieur de ce dernier et décider en conséquence si elle sera malade la nuit suivante ou pas.
- Refuser catégoriquement de boire un verre d’eau (même le café semble avoir du mal à passer). On s’attend limite à ce qu’elle s’étouffe en l’avalant, alors qu’on a récuré les verres à la javel… Oups, c’est peut-être de là que vient le problème…
- Ne peut s’empêcher de réfréner un « bah dis donc, tes carreaux, on voit à peine à travers… » Bah oui ma p’tite dame, à l’heure où je rentre du travail, il fait déjà noir alors comment veux-tu que je m’en rende compte ?
Le statut social de la-dite maman peut également être un facteur capital dans l’acidité des remarques. D’après un sondage mené par moi-même sur 5 personnes interrogées (je ne prétends pas non plus être l’INSEE), les mômans qui ne travaillent pas s’avèrent être à 80% de véritables bêtes de la chanson dans le tube d’aspirateur… Ce qui les met en pole position au classement de la missive décapante façon Cif avec javel. Les mamans qui travaillent se montreraient en revanche beaucoup plus compréhensives (exception faite de celles qui travaillent assez pour avoir une femme de ménage… Pire de toutes les espèces en matière de critique ménagère).
Quand je pense que j’ai passé une semaine à la diète (parce que les remarques s’appliquent à tout, y compris ma petite personne qui n’a rien demandé et encore moins à avoir une mère proche d’un croisement entre une Geneviève de Fontenay-sans-chapeau et un dogue allemand), sans voir personne pour pouvoir récurer mon intérieur à fond ! Tout ça pour que la commandante en chef de l’aspirateur central (parce qu’elle le vaut bien !) puisse effectuer son inspection générale…
Je me suis en effet surprise à penser à tout, y compris aux rebords de fenêtre que je ne fais jamais, ou au ridicule bout de carrelage qui se trouve derrière les toilettes, à un endroit où jamais personne ne va voir, sauf la reine-mère en croisade pour conquérir au plumeau la fifille qu’elle a si mal éduquée. Fifille dont elle avoue « ne pas croire avoir montré un tel exemple à sa fille, qui –à 25 ans- ne repasse toujours pas ses affaires… » Et bah non, désolée, j’ai autre chose à faire de ma vie que passer mes samedis après-midi à repasser mes sapes en regardant le reportage animalier de la cinquième.
Ah, que je rêverais d’avoir une maman qui aurait une vison sélective, une vision qui l’empêcherait de voir la poussière ! Comme la mère d’une de mes copines dont la maison ressemble plus à une porcherie qu’à un lieu de résidence pour êtres humains (et pourtant je suis loin d’être une grande consommatrice de Paic Citron)… Cela m’aurait évité le désagrément de tomber malade lorsque j’allais chez eux quand j’étais ado… Et oui : le manque de bactéries naturelles dans un intérieur rend le système immunitaire paresseux !
Et non ! Je ne fais pas l’apologie de la crasse, je dis juste que j’aimerais bien, lorsque ma mère vient me voir, avoir l’esprit zen et reposé, être simplement contente de passer un moment avec elle. Parce que oui, je t’aime maman, je ne te remercierai jamais assez de m’avoir appris à faire du chausson-patin comme personne… Mais je t’aimerais encore plus sans balai dans le cul.
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