La question pour la Daronne
Chère Daronne,
Je connais ma meilleure amie depuis l’adolescence et jusqu’à aujourd’hui (nous avons la trentaine), nous avons toujours été fusionnelles et toujours tout fait ensemble. Nous nous ressemblons beaucoup : nous sommes assez introverties et n’avons pas beaucoup de potes, mais cela nous convenait très bien.
Sauf qu’elle a récemment trouvé un travail qu’elle adore et sur place, elle s’est rapprochée de ses collègues, dont une fille avec qui elle a cliqué immédiatement et avec qui elle traîne beaucoup. Cette fille est très sociable, très bavarde, etc. Honnêtement, ma meilleure amie me l’a présenté et je n’ai pas accroché, car je la trouve fatigante et un peu immature. Je ne comprends pas vraiment ce qu’elle lui trouve. En plus de ça, depuis qu’elles sont amies, elle entraîne ma BFF dans toutes les sorties entre collègues…
Du coup, ma meilleure amie a moins de temps pour moi. Je sens qu’elle s’éloigne, qu’elle est moins disponible. On a l’habitude de déjeuner ensemble le dimanche midi, mais il y a deux semaines, elle m’a carrément planté, car elle était crevée après être sortie toute la nuit. J’ai trouvé ça super irrespectueux et je lui ai fait savoir, mais elle m’a seulement dit que ça pouvait arriver. J’ai attendu des excuses ou des explications, mais NADA. C’est moi ou ça ne se fait pas ?
Et moi, comment je peux faire pour retrouver ma meilleure amie ?
Vanessa
La réponse de la Daronne
Ma petite bouteille d’eau pétillante,
En tant que femme adulte, sur qui le train de la vie roule régulièrement, je dois t’avouer que si j’annulais une fois dans ma vie un rendez-vous avec ma meilleure amie et qu’elle m’engueulait, comment te dire… Ça me fatiguerait un brin. Notre vie adulte est déjà suffisamment contraignante pour que l’on ne puisse pas une fois de temps en temps s’autoriser à se laisser aller. Si notre meilleure pote ne peut pas comprendre qu’on a besoin de se reposer, qui peut le comprendre ? Personne.
En amitié, on est tenue de se respecter les uns, les autres, je n’ai jamais dit le contraire, mais la notion de respect que tu invoques me semble bien stricte, d’autant plus que l’événement semble exceptionnel. Pardonne-moi mon petit renard, mais j’ai l’impression que tu n’as pas eu les consignes rudimentaires sur l’amitié (même la grande) à l’âge adulte, alors laisse-moi te rafraîchir la mémoire avant que ton attitude un peu… Possessive ne fasse fuir la potesse chère à ton cœur.
Être amies à l’âge adulte : no pression !
Pour illustrer le mot toxicité dans le dictionnaire, on aurait pu y mettre une photo d’amitié adolescente, ou en tout cas une amitié adolescente des années 2000 (il parait que les jeunes sont wokes et tolérants désormais).
L’amitié adulte est en principe bien plus sereine. Par exemple, quand on devient une grande personne et que nos potes font de nouvelles expériences satisfaisantes, on est contents pour eux. Je ne dis pas, quand leur vie devient subitement trépidante alors que la nôtre a du mal à passer la deuxième vitesse, ça pique. Mais n’empêche qu’on apprend en grandissant à être sincèrement heureux pour nos amis quand eux le sont aussi.
Quand on est adulte, on défusionne aussi. Cela ne signifie pas que l’on ne peut plus avoir de meilleure amie à la vie à la mort, seulement que les horizons s’élargissent. Couple et / ou enfants pour certains, carrières, passions, le monde est grand et le temps si court. Même en aimant nos amis à la folie, on n’a pas forcément la possibilité (ni l’envie) de passer notre temps en vase clos.
Ce qui nous amène au fait que, une fois devenus adulte, on se voit souvent moins sans que ça ne change rien du tout. Tout le monde est crevé et très occupé et le fait de savoir qu’on n’a plus besoin de tout remettre en question parce qu’on ne voit plus nos amis toutes les semaines, c’est quand même sacrément reposant. Tout comme savoir qu’on peut annuler nos rendez-vous, reporter à plus tard, éventuellement se faire planter à notre tour, et enfin réussir à passer un bon moment ensemble.
Comment retrouver ton amie ?
Pour retrouver ton amie, encore faudrait-il que tu l’aies égarée. Je n’ai pas l’impression que ce soit le cas puisque tu sembles parfaitement savoir où elle se trouve à l’heure actuelle (au travail puisque nous sommes vendredi) et disposer de moyens pour la contacter. En revanche, je peux te dire comment éviter de perdre ta BFF : soutiens-la et accueille (sincèrement) son épanouissement avec enthousiasme.
Elle a rencontré une fille qui lui fait du bien et avec qui elle s’amuse, c’est plutôt chouette non ? C’est le moment de laisser à ta pote l’espace dont elle a besoin. Pas parce qu’elle ne t’aime plus ou qu’elle en a assez de toi, mais parce que c’est un être humain comme les autres et qu’elle a donc le droit de pouvoir occuper son temps libre comme elle veut sans avoir de comptes à rendre à personne.
Bref, arrête de lui en vouloir de vivre sa vie. Si tu t’entêtes à rouspéter quand elle s’autorise exceptionnellement à se reposer plutôt que de te voir et exprimer ton mécontentement quand elle découvre le monde, elle finira vraiment par te laisser tomber. Et elle aura raison.
On parle de toi, un peu ?
Je ne te demande même pas de faire des efforts pour t’entendre avec sa nouvelle copine, ni même de sortir avec ses collègues. C’est au contraire une bonne chose qu’elle puisse investir des sphères dont tu ne fais pas partie. Ces nouvelles activités peuvent par contre t’inspirer : toi aussi, tu pourrais envisager le monde autrement qu’à travers elle, non ? Alors, je ne te dis pas que tu dois dorénavant passer ta nuit à festoyer en présence de gens que la drogue aurait rendus encore plus bavards que d’habitude. On est d’accord que c’est insupportable. Cette redistribution des cartes peut néanmoins te pousser à vivre des choses rien qu’à toi, en présence (ou non) de nouvelles personnes. Du bénévolat ? De la peinture sur céramique ? Des compétitions de badminton ? Des conventions de cosplay ? Oh, je n’en sais rien, mais bon, ce n’est pas comme si on manquait de trucs cools à faire ici-bas.
Allez, je te laisse, j’ai rendez-vous avec les nouvelles copines de mon bookclub féministe.
Des bisettes,
Ta daronne.
Les Commentaires
Autant je comprend un peu la frustration de la Madz qui témoigne, autant à la place de sa pote je me sentirais un peu "sous pression" l'idée que si pour une raison X ou Y je ne me sens pas d'aller à un déjeuner UNE fois (alors qu'on se voit visiblement minimum une fois par semaine), alors la personne en face va se sentir hyper mal.
C'est quand même différent que si elle avait annulé la seule fois où elles se voyaient du mois pour une raison un peu floue ...