Article publié initialement le 31 juillet 2019
Je suis maman d’une fille de 11 ans. Je suis séparée de son père depuis qu’elle a 2 ans et j’ai choisi de ne pas réclamer sa garde. Oui, ma fille vit depuis 9 ans chez son père en résidence principale. J’ai un droit de visite classique (un weekend sur deux et la moitié des vacances scolaires) et je voulais parler de cette expérience pas banale.
Pour commencer, je voudrais démonter quelques clichés qui sont peut-être déjà en train de vous passer par la tête :
- Est-ce que ma fille souffre de cette situation ? Ben non, elle va très bien, merci !
- Est-ce que ma situation est exceptionnelle ? Pas tant que ça. Selon le Ministère de la Justice, 12 % des enfants de parents séparés résident chez leur père (contre 71 % chez la mère et 17 % en garde alternée).
- Est-ce que je n’ai pas eu la garde de ma fille parce que la justice m’a estimée « défaillante » (alcoolique, sans revenus, droguée, que sais-je) ? Non, c’est parce que je ne l’ai pas réclamée, en accord avec son père.
- Et l’instinct maternel dans tout ça ? J’y reviendrai…
Renoncer à la garde de ma fille n’a pas été facile
Techniquement, le passage devant le juge a été rapide, puisque nous nous étions mis préalablement d’accord avec le père. Ma fille avait 2 ans à l’époque alors la juge a émis quelques réserves, mais a rapidement entériné notre décision, jugée en faveur de l’intérêt de l’enfant.
Je ne suis pas en train de dire que cette décision a été facile à prendre : renoncer à la garde de ma fille a été dur à accepter, mais l’intérêt supérieur de l’enfant a fait peser la balance en faveur du père.
En effet, il présentait des garanties matérielles pour assurer de meilleures conditions de vie à notre fille (gros salaire, possibilité de payer seul le loyer de l’appart parisien, pas de perte de repères pour notre petite, qui conserverait sa nounou et ses habitudes…) tandis que j’étais dans l’impossibilité de m’aligner financièrement pour ne serait-ce que conserver l’appart ou en trouver un plus petit dans le même quartier (salaire plus faible, mais quand même trop élevé pour obtenir des aides financières).
Je ne voulais pas que ma fille perde ses repères après la séparation
Même avec la pension alimentaire, la vie seule avec ma fille aurait été une énorme galère tant pour elle que pour moi.
Last but not least, une séparation n’est jamais un long fleuve tranquille, et le conflit avec le père m’avait quand même lessivée psychologiquement. J’ai donc aussi choisi la paix sociale et l’assurance de bonnes conditions de vie pour ma fille en renonçant à sa garde. J’ai déménagé dans un studio à l’autre bout de Paris, elle aurait été contrainte de totalement changer de vie et de repères, ce que j’ai souhaité lui éviter.
Nous avons commencé cette nouvelle vie de couple parental séparé par une garde élargie : j’allais la récupérer auprès de sa nounou tous les soirs et je m’en occupais jusqu’à 20h à mon ancien domicile.
L’année suivante, je me suis arrangée avec mon employeur pour obtenir mes mercredis matins et voir ma fille du mardi soir au mercredi midi pendant ses premières années de maternelle.
Voir ma fille un week-end sur deux et la moitié des vacances
Quand elle a eu 5 ans, je suis partie vivre à 2h de Paris et nous sommes passés au droit de visite au sens strict, soit un weekend sur deux et la moitié des vacances scolaires.
Je vis toujours loin de Paris aujourd’hui et le système du droit de visite fonctionne toujours parfaitement bien : c’est juste une question d’organisation en amont, de budget SNCF et de bonne entente avec le père, avec qui j’ai conservé des relations cordiales.
Ma fille est aujourd’hui au collège, elle est heureuse et épanouie, et ces années de transit d’une ville à l’autre l’ont rendue très curieuse et débrouillarde.
Elle mène sa vie tranquille de préado, avec son père, sa belle-mère et son petit demi-frère. Elle s’éclate avec ses copines, ses activités extra-scolaires, son smartphone et ses chaînes YouTube préférées. Quand elle est avec moi, on fait d’autres activités, on voyage, on regarde aussi des trucs sur YouTube !
Devenir freelance pour être disponible pour ma fille
J’ai choisi d’avoir une activité en freelance pour être disponible pour elle quand elle est avec moi du vendredi au dimanche et pendant ses vacances.
Mon temps avec elle est totalement qualitatif, il n’y a pas le stress des matins où il faut se dépêcher pour aller à l’école, ou l’angoisse le soir pour boucler les devoirs. Le mercredi après-midi on se connecte en facetime avec WhatsApp et on fait les devoirs ensemble.
Je ne dis pas qu’il n’y a jamais eu de dimanches soirs avec des larmes quand elle savait qu’il fallait se séparer de moi pendant deux semaines. Je ne dis pas non plus que cette situation a toujours été agréable pour elle, que je ne lui ai jamais manquée ou qu’elle ne n’est jamais demandé si je ne l’avais pas abandonnée pour vivre ma vie loin de chez elle. Bien évidemment. Mais je suis convaincue que la situation aurait été bien plus difficile si elle était restée seule avec moi.
Childfree la semaine, maman le week-end
Et moi dans tout ça ? Eh bien je suis childfree la semaine et maman hyper épanouie un weekend sur deux. Je comprends les femmes qui ne veulent pas d’enfant et je savoure une certaine liberté quand ma fille est avec son père, j’avoue sans honte.
Je peux me consacrer au développement de mon activité de rédactrice web freelance, avoir les horaires que je veux et une grande liberté d’organisation. Et quand elle est avec moi, je suis à 100% sa maman : j’éteins l’ordi et je me cale sur ses vacances scolaires pour organiser mes relations avec mes clients. C’est elle qui continue de passer en premier.
Je comprends aussi les mères qui s’éclatent totalement dans la maternité et qui n’envisagent pas de vivre loin de leurs enfants : il n’y a rien de plus précieux après tout…
Pourtant, j’ai tout entendu : on m’a dit que j’étais irresponsable, que je ne pensais qu’à ma gueule, que je me décourageais au premier obstacle, on m’a même dit que j’étais une ordure.
Je n’ai jamais rencontré de mères ayant fait le même choix
Et puis j’ai surtout entendu des silences gênés : on ne sait pas trop quoi répondre quand je présente ma situation. J’avoue que je n’ai encore jamais rencontré de femmes dans mon cas, c’est-à-dire des femmes qui ont choisi de laisser leur enfant au père, pas qui ont subi une pression ou une décision de justice en leur défaveur.
Je ne suis pas en train de m’ériger comme modèle parce que je vis très bien ma situation, que ma fille ne présente pas de problèmes psy ou autre, je suis juste en train de dire qu’il faut savoir se poser parfois et réfléchir à ce qu’on veut vraiment… et faire un choix. Le sacrifice n’est jamais la solution en tout cas.
Pour finir sur l’instinct maternel, est-ce que vous vous souvenez du Cercle de craie caucasien de Bertold Brecht ? Pour la faire brève (sans entrer dans les considérations politiques de la pièce), il est question de déterminer qui est la véritable mère d’un enfant en le plaçant au centre d’un cercle de craie et de laisser deux femmes le tirer chacune de son côté. La véritable mère est-elle celle qui arrachera l’enfant aux mains de l’autre ou celle qui le laissera partir pour ne pas lui faire mal en l’écartelant ?
À lire aussi : Mon principal regret ? Avoir donné ce père-là à mon fils
Crédit photo image de une : film « Un jour, peut-être »
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Les Commentaires
Puis quand j'ai eu environ 10ans, ma mère est devenue soudainement très jalouse de ma relation avec sa grand-mère et sa belle-mère, et n'a donc plus voulu que j'y aille.
Je l'ai très mal vécu, tant la séparation que le fait de vivre d'un coup à temps plein avec mes parents, que je connaissais très peu au final.
Franchement, j'aurais mieux vécu une séparation avec mes deux parents. Bien sûr j'aurais quand-même souffert de ne jamais les revoir, mais une ou deux après-midi par semaine me suffisait largement.
Donc voilà il existe même des enfants qui seraient mieux avec encore d'autres membres de leur famille !
J'ai tout de même fini par m'y habituer tant bien que mal, mais je crois que je n'ai jamais réussi à accepter mon père par contre. Heureusement j'ai pris juste 2 ou 3 fessées de sa part (attention j'ai pas dit que c'était bien, mais son propre frère par exemple mettait carrément des coups de poing), par contre il faisait régner une terreur psychologique permanente et était profondément égoïste. Il ne s'est jamais intéressé à moi, et n'en a jamais fait l'effort. C'est resté cet étranger qui me faisait très peur, extrêmement exigeant et qui m'ignorait le reste du temps.
Avec ma mère c'était quand-même un peu plus facile, malgré de nombreux problèmes, alors je voulais de toutes mes forces les voir divorcer. Je n'avais comme aucun lien avec mon père, je n'arrivais pas à avoir de l'affection pour lui, il n'était qu'une présence menaçante. J'en culpabilisais énormément.
A mes 16ans, je suis partie. Mon arrière grand-mère était décédée depuis peu, et j'en voulais à ma grand-mère parce que je croyais qu'elle m'avait abandonnée. C'est vers 23ans que j'ai renoué avec ma grand-mère, et 26 avec mes parents même si pour eux ça reste à très petites doses.
Avec le recul je peux le dire, il n'était pas souhaitable que je ne vois plus jamais mes parents quand j'étais petite, mais il aurait mieux valu qu'il n'y ait que des visites les weekends, et que ma garde soit partagée entre ma grand-mère et mon arrière grand-mère. L'adolescence et le début de l'âge adulte auraient été bien moins durs, j'aurais été guidée et soutenue.
Mais évidemment, en France en tout cas, c'est absolument inimaginable !