Comme 740 millions d’autres Européens, je suis subitement devenue experte virologue courant mars 2020 et à la lumière de mes connaissances poussées (toutes acquises en visionnant d’obscures vidéos Youtube au sujet de la propagation de la peste noire) j’ai accueilli positivement la décision de fermer temporairement les crèches.
Je suis un peu une mère louve au fond, exclusivement dédiée au bien-être de mon enfant.
J’ai également accueilli très positivement la décision de les rouvrir, et ma fille et moi attendons lundi prochain avec une impatience non dissimulée.
La réouverture des écoles et des structures d’accueil, un scandale sanitaire en devenir
Quand on m’a annoncé que ma fille allait pouvoir retourner à la crèche le 11 mai, je n’avais plus de la mère louve que l’aspect hirsute, enragé et baveux.
Lorsque mon mari rentre le soir, il commence toujours par nous tendre la main afin nous puissions la renifler. Hier, ma fille l’a mordu, avant-hier, c’était moi.
Il a appris à ne pas faire de commentaire quant à l’état général de notre lieu de vie, mais je pense que s’il avait pu choisir la décoration du salon, il n’aurait pas opté pour cette frise murale à 90 cm du sol composée de traces de lèvres et d’empreintes de mains.
La reprise sonnait comme une délivrance et cette échéance bien qu’encore lointaine, nous a permis de tenir.
Fait fâcheux, je traîne beaucoup trop sur Internet et j’ai rapidement compris que l’opinion publique ne partageait pas nécessairement mon soulagement.
Cette reprise anxiogène sacrifiait nos chers petits au nom de l’agenda franc maçonnique de nos dirigeants, qui n’ont comme seul projet que celui de relancer l’économie aux dépens de l’humain (avis que je partage au demeurant, mais dont je pense pouvoir m’accommoder pour l’occasion).
De nombreux professionnels de la santé et de la petite enfance n’ont pas manqué de mettre en exergue la dangerosité de la reprise et l’inconscience des parents qui oseraient remettre ces conclusions en cause, et privilégier leur vie professionnelle (et les revenus que celle-ci leur assure) à leur précieuse progéniture.
Retour à la crèche : je ne suis pas une puéricultrice de talent
J’ai envisagé de nombreuses carrières professionnelles au cours de ma vie, mais la puériculture n’en a jamais fait partie.
Je ne nourris aucun sentiment négatif à l’égard des petits, cette sage décision permet au contraire de les préserver de mon inutilité totale quant aux choses de la petite enfance.
J’ai fait du baby-sitting dans ma jeunesse et les enfants m’aimaient bien puisque je connaissais par cœur les dessins animés que je leur permettais de visionner à longueur de journée.
Les choses prenaient un tour dramatique dès qu’il s’agissait de mouvoir mon séant, par exemple pour jouer à chat, ou traîner ma carcasse au parc et rendre visite à des toboggans, des activités malheureusement très plébiscitées par les enfants.
Dommage pour mon endurance de fumeuse de gitanes centenaire.
Pourtant en ces temps de pandémie, et par amour pour ma fille (je précise pour les trolls des Internets qui te font un procès d’intention si tu oublies de préciser ce fait pourtant évident) j’ai tout donné.
J’ai dressé un planning serré qui lui garantissait un petit-déjeuner et un repas de midi équilibré, j’ai investi tous mes deniers dans du matériel DIY et j’ai mis en place de nombreux stratagèmes visant à réduire les écrans au maximum.
J’étais rodée à un détail près : malgré mon optimisme hors du commun, je n’étais pas capable de me dédoubler. Et ça a été ma plus grosse erreur.
Confinement, télétravail et ma fille : les premiers jours, j’ai vraiment essayé
Lundi 16 mars, 9 h 00 du matin, j’ai consulté mes e-mails professionnels pendant que ma fille, écroulée au sol, battait des nageoires en hurlant qu’elle voulait une glace.
Je l’ai ignoré, surprise par la charge de travail qui m’attendait pour les jours à venir. Contrairement à ce que nous avait prédit notre directeur qui avait réduit toutes les équipes de moitié pour l’occasion, notre activité battait son plein.
À 9 h 03, j’ai dû faire le premier choix crucial d’une longue série : m’interposer entre la porte du congélateur et ma fille ou répondre à mon superviseur qui m’appelait pour faire le premier petit débrief de la journée.
Deux heures plus tard, le point rapide étant terminé, j’ai profité de mes trente secondes de pause pour réunir tout mon courage et me suis dirigée tremblante vers la cuisine pour évaluer l’étendue des dégâts.
Après avoir englouti 4 esquimaux dont les emballages déchiquetés gisaient au sol, l’enfant a ouvert la porte du four et s’en ai servi comme d’un trépied pour accéder au comptoir où j’avais bêtement laissé traîner un pot de pâte à tartiner issu du commerce équitable.
L’enfant y a glissé son poing tout entier dont elle se sert comme d’une petite pelle qui lui permettrait de récurer le pot plus efficacement.
Alors que j’ai retiré l’objet du délit des mains de ma fille, mon téléphone sonne. C’est mon rendez-vous de 11 heures.
Il ne fallait surtout pas que je manque l’appel et j’ai amorcé un retour express vers le salon, mais c’est compliqué d’aller vite quand 15 kilos de bébé rageur sont agrippés à vos pieds.
Il m’en faut plus pour démolir mon bel enthousiasme, après tout, ces rafraîchissantes petites saynètes du quotidien me donnent de l’inspiration pour écrire mes chroniques !
Confinement, télétravail et ma fille : je ne peux pas y arriver
Je suis au téléphone avec une de mes clientes, celle-ci me dit que nous avons tout de même beaucoup de chance d’être auprès de nos petits chéris et j’acquiesce en souriant.
C’est pile le moment que choisit la petite chérie en question pour cracher dans ma tasse de café avant de me la rendre, hilare et de retourner regarder Love is Blind, une émission de téléréalité qui passe en ce moment sur Netflix.
De l’autre côté de la ligne, j’entends des tambourinements de plus en plus pressants et mon interlocutrice m’avoue s’être cachée dans les toilettes pour échapper à sa progéniture. Sans succès.
Son ton faussement amusé dissimule mal une angoisse grandissante, puisqu’il est maintenant clair que le verrou de la porte ne va plus résister longtemps aux assauts répétés.
Sur mon parquet poussiéreux, une tartine de nutella à moitié croquée est couverte de fourmis que ma fille lèche allègrement. Au moins elle aura eu sa dose de protéines aujourd’hui puisque notre repas de midi s’est exclusivement composé de cacahuètes et de biscuits apéritifs.
Entre deux demandes urgentes, je repère un e-mail expédié par le département des ressources humaines qui nous rappelle de prendre soin de nous et de nos familles et de ne surtout pas hésiter à lever le pied si nous sentons que nous le perdons (tu l’as ? Pardon).
Au même moment, ma messagerie instantanée me rappelle à l’ordre via un petit bip strident. Mon manager me demande de finir deux dossiers urgents avant 15h. Comme il est déjà 15h30, j’en déduis que les choses se déroulent parfaitement bien.
J’avise ma fille qui vient de se lever avec mollesse, le regard vide rongé par l’ennui. Les fourmis suscitées grouillent maintenant sur ses guenilles barbouillées de compote et de chocolat.
Elle les attrape une par une pour les écraser contre le mur en m’interpellant « Maman regarde ! ». Tant pis pour mon amour des sciences naturelles, je n’ai pas le temps d’assister à la démonstration, c’est l’heure du cinquième point rapide de la journée.
Ma fille retournera à la crèche le 11 Mai
Alors là c’est facile, si je n’arrive pas à gérer ma fille ET mon activité professionnelle, l’avantage revient à ma fille pour qui je dois tout abandonner quand il s’agit de sa santé.
Je ne sais pas quelle est ta situation, mais si j’annonce à mon employeur que je me barre indéfiniment m’occuper de ma progéniture, il me témoignera tout son soutien avant de me couper définitivement les vivres.
Je veux bien que l’amour et l’eau fraîche nourrissent les jeunes amants fougueux, mais cela ne suffit certainement pas au bambin affamé dont le nombre d’en-cas quotidiens dépasse souvent la vingtaine.
Si actuellement nos principes éducatifs et notre mode de vie nous permettent de voler sous les radars des services d’aide à l’enfance, je sens que l’absence d’un toit au-dessus de la tête de notre fille et des vêtement troués et puants témoignant d’une existence dans une hutte sans eau ni électricité au milieu du sous-bois voisin pourraient nous valoir quelques problèmes.
Et puis, je vais t’avouer quelque chose : aussi furieuse que je sois contre cette société capitaliste pourrie qui ne nous laisse pas d’autre alternative que de collaborer, sous peine de se retrouver sans rien, je pense que ma fille sera bien plus heureuse à la crèche avec ses petits potes à chanter des comptines en se tenant la main et à me ramener trois gastros par semaine.
Elle aussi a furieusement besoin d’un village pour s’épanouir et découvrir une multitude d’horizons.
Alors, quel choix faire ? Risquer d’attraper le dangereux virus dès maintenant ?
Ou repousser la contagion le plus tard possible, tout en sachant que, quoi qu’il, arrive le confinement ne nous protégera pas indéfiniment, et qu’avec un mari qui travaille en extérieur nous sommes de fait déjà exposés aux risques ?
Nous avons décidé qu’à ce stade de l’histoire notre santé mentale et le bien-être psychologique de notre fille remportaient la partie.
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