La Daronne est la reine des conseils pas si cons enrobés dans une grosse dose d’humour plus ou moins subtil. La voici de retour pour voler au secours d’une lectrice !
La question pour la Daronne
Chère Daronne,
J’ai un souci qui me tient éveillé la nuit.
J’ai deux enfants, une fille et un garçon, que j’essaie d’éduquer de manière égalitaire et le moins genré possible.
Depuis cet été, ma fille de trois ans, demande souvent qu’on coupe ses cheveux à la tondeuse, comme son frère. QUE FAIRE ?
D’un côté, ne souhaitant pas créer de distinction entre eux, je voudrais dire oui. Mais comment savoir si elle mesure l’impact d’une telle coupe ? Actuellement avec ses bouclettes, c’est la chouchoute des adultes, et ça me rassure de savoir qu’elle est aussi appréciée, j’aurais peur que cela change. J’ai sûrement aussi un peu peur des réactions envers MOI, notamment de la part de mes proches moins déconstruits. Mon mari partage mes craintes.
Bref, je suis partagée, que doit-on faire ??
Signé : Edouard aux mains d’argent du bac à sable
La réponse de la Daronne
Ma petite soupe aux airelles,
Tu as de la chance, à un autre moment de mon existence, je t’aurais dit « laisse cette pauvre enfant se raser la tête, osef de ce que les gens pensent ». Heureusement pour toi, j’ai appris ces dernières semaines que j’avais plutôt intérêt à faire preuve de nuance, au risque de me retrouver témoin d’un chaos de commentaires qui me dépasse totalement. Puisque comme l’enfer, de base, je suis pavée de bonnes intentions.
C’est facile de laisser de côté la complexité de la vraie vie quand tu réponds à l’écrit. Alors c’est exact, il faudrait se carrer l’avis de l’entourage bien profond dans le séant, mais on sait à quel point cet avis peut déstabiliser. Dans les faits, on est beaucoup à être d’accord : les stéréotypes de genre devraient épargner les têtes pouilleuses de nos gamins (têtes pouilleuses qui pourraient justifier qu’on leur rase tous les tifs à ras pour éradiquer cette vermine immonde une bonne fois pour toutes).
Personnellement, je crois dur comme fer que les petits garçons et les petites filles devraient pouvoir s’accoutrer pareil. Ça ne m’a pas empêché de couper le mulet de mon fils dès qu’il a commencé à avoir la dégaine d’un footballer des années 80. Génétique familiale oblige, ma fille avait le même mulet, mais ce dernier s’est rapidement transformé en couette, le mot antenne serait d’ailleurs plus adapté tant elle donnait à l’enfant l’air d’un poste radio vintage.
S’entretenir avec l’enfant, ou du moins essayer
Dans ta lettre, tu ne me dis pas pourquoi ta fille veut absolument ressembler à l’héroïne Stranger Things. On est d’accord, l’expression orale des enfants de trois ans n’est pas encore totalement au point et la densité de leur verve est souvent inversement proportionnelle à la clarté de leurs propos. Mais que veux-tu, c’est ton rôle de parent d’écouter attentivement des heures de logorrhée délirante pour en extraire la phrase, ou même le mot, qui te permettra d’identifier un peu mieux la cause de ce désir ardent.
Crois-en ma longue expérience de Daronne qui a lu des articles Psycho sur Doctissimo, les marmots sont fortiches pour dire des choses qui en signifient d’autres. Tu me diras, si on les livrait dès la naissance avec un cerveau concret et pragmatique, ça serait quand même nettement moins rigolo.
Du coup, peut-être que quand nous, parents, entendons : « Je veux me raser les cheveux », l’enfant veut dire « Je veux ressembler à mon frère que j’admire », « ma frange me gratte le front, ça me soûle » ou encore « Hi hi hi la tondeuse, caca boudin les ciseaux ! ».
Et en fonction des motivations profondes de la chère enfant, tu trouveras certainement une solution alternative qui conviendra à tout le monde. Parce que la vie de famille, c’est ça : une suite sans fin de compromis qui nous permet de vivre les uns avec les autres sans s’entretuer ni transformer la baraque en cirque Bouglione. Ah mince, pardon, on me dit dans l’oreillette que pour ce dernier point, c’est déjà trop tard.
Que proposer à une petite fille qui veut se raser la tête ?
Comme je ne sais pas pourquoi ta fille veut se raser le crâne, j’ai envisagé des solutions pour tous les cas de figure. Je t’avais dit que cette semaine, je me donnais à fond. C’est que j’ai ma rédemption à gagner.
Ne plus raser la tête du frangin
Comme dit l’adage enfantin : « Ce qui est à toi est toujours beaucoup mieux que ce qui est à moi. » La tondeuse et le rasage peuvent lui sembler d’autant plus démentiels qu’elle n’y a pas accès. La solution, c’est peut-être simplement d’utiliser les mêmes outils pour couper les cheveux du frangin et ceux de la frangine : des ciseaux pour tout le monde et hop, on n’en parle plus. Je ne connais pas l’âge de ton fils, mais si d’aventure la situation le permet, vous pourriez aussi lui laisser pousser un peu les tifs afin que pour une fois, ce soit le frère qui « copie » la sœur.
Couper à la tondeuse… Mais…
La bonne nouvelle, enfin la bonne nouvelle dans ce cas précis, en d’autres circonstances cette nouvelle ne revêt pas d’intérêt particulier, c’est que les tondeuses ne servent pas seulement à raser des crânes. Un bon coiffeur sera capable de réaliser sur ta fille une petite coupe courte, mais mignonne, tout en utilisant l’outil tant convoité. Rien ne l’empêche de commencer aux ciseaux et de brandir l’objet en fin de manœuvre pour « fignoler » le bouzin.
Elle aura les cheveux « courts » et la tondeuse aura été utilisée, l’honneur est sauf !
La coupe à ras, ALLEZ !
Tu as tout essayé, l’enfant n’en démord pas. Ce sont des choses qui arrivent, souvent, puisque ces petites créatures sont plus têtues que des bourricots. Tu peux alors lui proposer une échéance pour sauter le pas. Par exemple cinq ans, qui me semble être un âge où ils sont déjà plus en mesure de saisir certains enjeux esthétiques. Comme tu le dis toi-même, il n’est pas certain que ce soit le cas à trois ans (honnêtement, je n’en sais rien). Si un spécialiste passe par là, je veux bien un complément d’avis en commentaire. Diplomate le commentaire. Merci.
Si d’aventure, l’enfant profitait d’un moment d’inattention familiale pour se saisir de la tondeuse et se bricoler elle-même la coiffure tant désirée, rappelle-toi d’une chose : les jugements sont pénibles, mais ils ne te tueront pas, comme cette coupe ne tuera pas ceux qui la critiquent. Au pire du pire, cela donnera à tes proches une bonne occasion de casser du sucre dans un dos, une activité adorée de l’humanité toute entière.
Au mieux du mieux, cela leur donnera matière à réfléchir. J’espère cela dit que personne ne changera de comportement envers ta fille : miser sur son apparence pour la protéger, c’est une stratégie compréhensible, mais ça ne sera jamais viable à long terme.
Quant à toi, tu peux toujours invoquer une invasion féroce de poux récalcitrants pour justifier tout changement capillaire radical. L’avantage est double : non seulement, tu te dédouanes, mais tu peux être sûre que les relous vont vous éviter ta fille et toi pendant un long moment.
Allez, je te laisse, je dois aller démêler les cheveux de ma gamine, on en a pour trois heures.
La bisette,
Ta daronne
Crédit photo image de une : Getty Images Signature
Et si le film que vous alliez voir ce soir était une bouse ? Chaque semaine, Kalindi Ramphul vous offre son avis sur LE film à voir (ou pas) dans l’émission Le seul avis qui compte.
Les Commentaires
J'essaye d'imaginer la scène et de me mettre à la place de la puce : on s'occupe de son frère, on lui dit qu'il est beau comme ça (pour le consoler de la coupe, parce que la tondeuse, c'est pas toujours très joli comme résultat), et elle n'y aurait pas droit ?
Alors, oui, il faut faire attention aux remarques de l'entourage ... mais on n'est pas obligé de lui laisser les cheveux super longs (avec l'obligation de se coiffer tous les matins, les barrettes, les élastiques, les cheveux dans les yeux ... ) sous prétexte que c'est une fille : ce serait un peu lui envoyer le message que sa valeur est dans ses cheveux.
Si elle veut vraiment les cheveux courts, elle va finir par trouver une paire de ciseaux, et il n'y aura plus qu'à prendre rendez-vous chez la coiffeuse pour finir le travail... (ma sœur l'a fait à 4 ans : un joli coup de ciseau juste au-dessus de l'oreille).
Sans aller jusqu'à l'excuse des poux, on peut dire qu'il y avait des nœuds impossibles à défaire et que c'était la crise tous les matins