Publié initialement le 6 mai 2020
Tu l’as peut-être vue passer dans ton feed Instagram le week-end dernier : la vidéo Ma bonne bite bien chaude de Victoria Jadot alias @noixdekadjou a scotché bon nombre de personnes, et moi la première.
Dans la nuit de jeudi à vendredi, pendant une sombre insomnie, j’ai vu tout à coup poper dans toutes les stories Instagram cet intitulé étrange de vidéo, sur lequel j’ai immédiatement cliqué.
À la fin du visionnage, j’étais dans un état à mi-chemin entre :
Waw. MERCI ! Quel courage ! Cette meuf est ouf.
Et :
*snif* c’est tellement vrai.
Illico, je l’ai contactée pour te la présenter, chère lectrice, via cet article sur madmoiZelle.
Ma bonne bite bien chaude, une vidéo qui rompt un schéma sexiste
Victoria a 22 ans, elle nous parle de Belgique, et derrière la « bonne bite bien chaude » de sa vidéo se cache en réalité une énième histoire de harcèlement sexiste.
Elle raconte ce matin de confinement où, comme tous les autres jours, elle a entrouvert sa fenêtre pour laisser passer un peu d’air dans sa chambre, et qu’elle a retrouvé un papier sur son bureau.
Un homme avait passé la main à travers sa fenêtre pour lui donner son numéro et lui dire :
« Appelle-moi s’il te plaît, je suis ton voisin tu me plais trop, hier je n’ai pas dormi toute la nuit à cause de toi… J’habite au numéro 59 en face de toi. »
Elle lui a répondu pour clarifier la situation, lui dire qu’elle n’était pas du tout intéressée et qu’il ne fallait plus jamais qu’il la contacte, et quelques jours plus tard il lui a écrit :
« Coucou, comment vas-tu ?
Depuis lors je n’ai pas eu ta réponse mais sache qu’une bonne bite bien chaude et endurante t’attend… C’est ta chance, profites-en c’est une opportunité pour bien se confiner.
Tu es la bienvenue je vis seul dans mon studio. »
Ce qu’elle raconte ensuite, c’est la façon dont elle a réagi, d’abord avec surprise et étonnement, minimisant la situation auprès de ses proches et à l’intérieur d’elle-même.
Puis comment cet événement s’est finalement immiscé dans son intimité de manière plus sournoise.
Elle sentait que quelque chose clochait, elle se sentait désormais mal quand elle était dans son propre lit, fermait toujours les rideaux de peur d’être observée…
Non. Ce qui s’était passé n’était pas anodin.
Dans le reste de la vidéo, Victoria pointe du doigt sans aucune animosité ni attaque personnelle les mécanismes sexistes
(bien que bienveillants de prime abord) de ses proches qui l’on poussée à la fois à :
- Minimiser ce qui s’était passé et dédouaner cet homme de toute responsabilité (« c’est un pauvre type, fais pas attention, c’est pas très grave »)
- La pousser au silence (« Ne dis rien, n’entretiens pas le truc »)
- La faire se sentir en danger et la positionner en tant que victime (« attention, c’est dangereux, ferme bien ta porte à clé »)
Sauf que Victoria a décidé que ça ne se passerait pas comme ça et pour briser ce perpétuel schéma agresseur/victime, elle est allée sonner directement chez cet homme, avec beaucoup de fermeté mais sans colère, pour le mettre face à ses actes.
L’homme s’est rapidement excusé et elle en a profité pour creuser un peu plus loin avec lui sur ce qui l’avait poussé à agir ainsi. Elle a enregistré leur conversation, je t’encourage donc à regarder la vidéo dans son entièreté.
Le message de Victoria Jadot et de Ma bonne bite bien chaude
Quand je suis tombée sur la vidéo, elle n’avait que quelques vues et Victoria environ 1 000 abonnés. En deux jours, Victoria a gagné plus de 10 000 abonnements et sa vidéo a aujourd’hui plus d’1 million de vues.
Après le visionnage, j’étais à la fois émue et fière de cette génération qui est la mienne (ou presque) et qui brise petit à petit les schémas oppressifs sexistes qui nous enferment tous les jours.
Elle m’a également remise immédiatement en mémoire ce jour d’été où un homme m’a envoyé des dick pics via AirDrop dans le métro, comment je m’étais sentie, et comment mes proches avaient réagi.
Si Victoria a décidé de s’exprimer face caméra pour partager à tout le monde son expérience, c’était dans l’idée de :
« Déposer une réflexion spontanée sur mon expérience quotidienne du sexisme. Ça a pris la forme d’une vidéo car c’est visuellement que je m’exprime et que je travaille.
Je veux donner de la force.
Faire comprendre aux hommes que ce n’est pas eux que le mouvement féministe pointe mais le cadre social dans lequel ils sont enfermés, qu’ils en souffrent et qu’on a besoin d’eux pour les sortir de là. »
Avec cette vidéo, elle s’est faite porte-parole d’un message universel, et elle souhaite que chacun et chacune se l’approprie :
« Il n’y pas de honte à dire non. Et il faut l’accepter. »
En parcourant un peu plus en détails le profil de Victoria, j’ai perçu une identité artistique forte, une fille qui ne s’excuse pas d’exister et qui fait ce que bon lui semble, et ce qu’elle m’a dit a confirmé mon ressenti :
« J’ai toujours vécu en ne m’empêchant de rien qui « ne serait pas pour les femmes ».
Je ne me méfie pas plus des inconnus qu’un mec, je ne fais pas plus attention à ma tenue pour sortir qu’un mec, je n’ai pas plus peur de rentrer tard le soir qu’un mec.
Et si on me confronte, j’ai autant d’armes qu’un mec pour réagir.
Ce n’est pas une question de force physique, mais de s’enlever de la tête cette drôle d’idée que les femmes seraient moins capables. La rue est à tout le monde et je m’y sens autant chez moi que n’importe qui.
Le dire haut permet à cette évidence d’exister.
J’essaye de me débarrasser de mon ego, c’est-à-dire la peur de ne pas plaire, de ne pas être aimée, l’attente constante de validation, la peur de déranger, celle de parler trop fort, de ne pas être comme il faut…
Je n’ai rien à apprendre mais je crois que se débarrasser de ça c’est la clé de la liberté.»
Suite à la propagation fulgurante de sa vidéo, Victoria a reçu des messages qui l’ont marquée, et notamment un qu’elle a retenu parmi les autres :
« Maintenant, j’oserai. »
Victoria Jadot, une jeune réalisatrice à suivre
Si tu n’avais pas encore vu cette vidéo, j’espère qu’elle te fera autant de bien qu’à moi et que tu auras envie de la partager encore et encore.
J’espère aussi que ce n’est pas la dernière fois que l’on entendra parler de Victoria !
Actuellement à l’Institut des arts de diffusion en formation de réalisation, elle est en post-production de deux courts-métrages qu’elle a réalisés, et dont l’un, Les Rois de la jungle, est son film de fin d’études.
Son court-métrage de Master 1, Désirée, a remporté le Prix de Public au Festival du Film Francophone de Namur en 2019 et passera bientôt en festival :
« J’aime jouer. Tout ce qui touche à l’humain m’intéresse. Les gens m’intéressent. J’aime comprendre et apprendre.
J’ai beaucoup d’espoir en l’humanité. Et dans la jeunesse. Et dans le futur. Quand je vois les jeunes de mon âge qui m’entourent, je suis fière de faire partie de cette génération.
Il ne s’agit pas de tout remettre en question, mais d’exploser les cases, dans un sens positif et constructif, pour atteindre une universalité.
Tout en fêtant cette vie de bordel qui a plein de belles choses à nous offrir. »
Je te laisse avec la bande-annonce du film Désirée, et si tu souhaites en voir des extraits, tu peux les visionner sur Vimeo.
J’espère de tout cœur que la découverte du message et de la personnalité de Victoria t’aura donné autant de baume au cœur qu’à moi !
À lire aussi : Non, le harcèlement de rue ne disparaît pas pendant le confinement
Pour témoigner sur Madmoizelle, écrivez-nous à :
[email protected]
On a hâte de vous lire !
Écoutez l’Apéro des Daronnes, l’émission de Madmoizelle qui veut faire tomber les tabous autour de la parentalité.
Les Commentaires
Justement je ressens un peu cette injonction à cause des témoignages de femmes qui ne se laissent pas faire.
Et j'ai déjà entendu une copine me dire, à demi-mot (ce n'était pas non plus hyper franc) que j'aurais dû envoyer bouler le type et/ou que je me laisse trop faire.
J'ai l'impression que c'est mieux vu de de prendre un coup parce qu'on sera restée "vraie". Une sorte de valorisation de la "franchise" versus l'utilisation de subterfuges ou de la manipulation pour se tirer d'affaire. D'ailleurs on met souvent en avant des femmes qui ont réussi à tenir tête, à s'imposer parce que c'est courageux. Et je trouve aussi que c'est courageux mais c'est très souvent irresponsable.
Or je n'ai pas envie de me mettre en danger, ni d'avoir des séquelles physiques (parmi mes peurs quasi phobiques il y a : me faire casser le nez, me faire casser les dents, me faire casser la machoire ou les pommettes ou avoir des cicatrices à vie de griffures).
Je sais que je ne ferais pas le poids physiquement face à un mec agressif : je ne cours pas vite, je n'ai pas vraiment de force pour taper ou me libérer.
Je suis plutôt du genre à essayer d'amadouer le mec que de le rembarrer parce que je réfléchis à la stratégie de survie qui a le plus de chances de porter ses fruits.
Peut-être qu'après coup je me sens minable d'avoir dit que j'avais un copain et qu'il était très jaloux et qu'il m'attendait à la maison tout en faisant des sourires timides au mec en mode : "c'est pas toi le problème, c'est moi" mais mes chances pour que ça puisse se passer bien me semblent plus élevées.
Je ne vais pas risquer de provoquer le mec pour me sentir fière d'avoir tenu tête. Fière avec les dents cassées ça me fait une belle jambe.
Par contre si physiquement je me sentais de maitriser le mec j'irais pas par 4 chemins. J'imagine un mec qui aurait la corpulence d'un enfant de 4 ans, il ne me ferait pas peur.