Je suis sortie de la projection de M, le premier film de Sara Forestier (sorti ce 15 novembre) le bide en vrac, les larmes coincées quelque part entre le coeur et la gorge.
https://youtu.be/UjrYvWSQ5gM
Elle était si belle, cette histoire. Comme un tableau aux couleurs vives, exposé dans un hangar délabré, M raconte une passion si forte qu’elle irradie ses décors de cités ternes, et de misères.
M, c’est l’histoire de Lila et Mo. Elle est bègue, en a honte et se tait pour ne pas se trahir. Il ne sait ni lire ni écrire, et se débrouille comme il peut pour cacher ce secret à tout le monde, surtout à Lila.
M raconte donc l’histoire de deux personnes qui ne parlent pas la même langue. L’expression de l’une est inaccessible à l’autre. Et inversement.
Mais c’est justement la force de ce film, de cette histoire, de la manière qu’a choisie Sara Forestier pour raconter cette rencontre et cette relation : passer par les émotions, le meilleur vecteur pour communiquer ce que les mots ne savent pas décrire.
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J’avais jamais compris « l’amour », justement parce que le mot est faible, bien trop souvent usité pour porter encore toute la rareté et la préciosité du sentiment qu’il est censé décrire.
On dit je t’aime et c’est le même mot que pour dire j’aime le ketchup avec mes frites, alors à mes yeux, « l’amour » n’a pas plus de saveur qu’un kif ou un crush.
C’est juste un mot.
L’amour, pour moi, c’était une arnaque
Je vais te faire une confidence, Sara. J’ai toujours cru que l’amour était la plus folle escroquerie de l’Histoire.
Vois-tu, je sais définir la colère, la rage, la fureur, je sais représenter la tristesse, l’affliction, le désespoir, je comprends la confiance, la prudence, la pudeur, j’ai déjà goûté à la complicité, l’amitié, mais également à la peur, à la douleur, à la trahison…
Mais à l’amour ? Qu’est-ce que l’amour ?
Ça n’existe pas, c’est un mythe, la preuve : personne, jamais, n’a réussi à définir l’amour. La recette est unique, et différente pour chacun.
Amour, le nom générique d’une recette constamment revisitée
C’est comme si « amour » était le nom générique qu’on donnait à un savant mélange d’émotions et de sentiments. Amour, c’est le nom d’une recette de cuisine, que chacun adapte selon ses goûts.
Commencez par poser une bonne base de confiance. Ajoutez de l’écoute et de la compassion, incorporez-y de la complicité, une touche de vulnérabilité, un soupçon de jalousie et une pointe de piment.
Laissez mijoter, voilà c’est de l’amour.
Ajoutez ou enlevez des ingrédients à votre convenance. (Pour moi ce sera sans jalousie, merci !)
Amour, le nom d’un muscle que certains entraînent, que d’autres laissent s’épuiser
Avant de voir ton film, Sara, je croyais que l’amour était une belle arnaque : juste le nom que l’on donne à une relation qu’on veut distinguer des autres.
Toutes les émotions et les sentiments qui la composent se tissent et se tressent en un maillage solide comme un muscle.
Au fil du temps et des épreuves de la vie, on tire à deux sur ce muscle. Il y a ceux qui l’entraînent, l’entretiennent et le reposent lorsqu’il fatigue, le réparent quand il lâche.
Et il y a ceux qui s’en remettent au destin, à une puissance divine, et qui se lamentent parfois lorsque ce muscle claque : c’était sans doute écrit. Voilà.
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Voilà l’arnaque monumentale que je croyais être l’amour, nous voyant tous et toutes à la poursuite d’un leurre : LA relation parfaite, à l’équilibre.
Tout ça, c’était ce que je pensais avant de voir ton film, Sara.
M, le premier film de Sara Forestier: la recette de l’amour?
J’ai écrit que personne, jamais, n’a réussi à définir l’amour ? C’était avant de voir ton film, Sara.
M n’est pas une histoire d’amour, selon moi, c’est l’histoire DE l’amour, dans cette universalité que je croyais être un mythe.
Tu donnes la fameuse « recette de cuisine » en filigrane de cette histoire, inspirée d’une des tiennes. J’avais jamais compris, je crois, cette attraction mutuelle, que ni la honte, ni la vulnérabilité la plus extrême ne peuvent rompre.
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J’avais jamais compris que c’était ça, le ciment de cette relation si particulière : l’acceptation de sa propre vulnérabilité, et le respect de celle de l’autre.
J’avais jamais compris comment ça pouvait être un équilibre, je voyais sans cesse l’un des deux être le boulet de l’autre.
Mais pas dans ton film. J’ai enfin compris : dans cette histoire comme dans la vie, nous sommes nos propres boulets.
Notre capacité à aimer, elle est conditionnée par notre capacité à accepter, et à partager nos plus profondes vulnérabilités.
Je croyais que l’amour était le nom générique que l’on donne à un savant mélange d’émotions et de sentiments. Il y avait tout ça dans ton film, dans cette histoire que tu racontes avec les émotions.
Il y avait de la colère, de la peur, de la douleur, de la tristesse, du désespoir, de la furie, de la complicité, de la confiance, de l’attirance, de la prudence, de la pudeur, de la jalousie, de la trahison.
Il y avait tout ça, dans les bonnes proportions. Qui ne sont pas laissées au hasard, du coup. J’ai enfin compris.
Merci. ♥
« Le désir d’une femme est plus important que celui qu’elle suscite » — Sara Forestier, à coeur ouvert
Pour en savoir plus sur les thèmes du film, voici ma discussion à coeur ouvert sur l’amour et la vulnérabilité, en tête-à-tête avec Sara Forestier. Quant à M, il est en salles, foncez le voir !
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