Nouveau rebondissement dans l’affaire du lycée Angela Davis à Saint-Denis. Valérie Pécresse, qui avait sollicité le ministre de l’Éducation nationale, Pap Ndiaye, pour qu’il tranche au sujet du nom de l’établissement, vient d’avoir sa réponse : l’ancien universitaire lui a servi une fin de non-recevoir, estimant que « ce n’est ni au préfet de région ni au ministre de l’Éducation nationale de se prononcer, ou de valider le choix fait par une collectivité », et en a profité pour lui offrir une leçon d’histoire (et d’humilité). Rappel des faits.
Angela Davis, pas assez consensuelle pour Valérie Pécresse
Tout a commencé en mars dernier, lorsque le conseil régional d’Ile-de-France a décidé de changer le nom du lycée polyvalent de la Plaine, à Saint-Denis. Inauguré il y a 6 ans, l’établissement n’a toujours pas de nom officiel, bien que le personnel éducatif, les élèves, les habitants du quartier, et même le site de l’éducation nationale, l’aient baptisé Angela Davis, du nom de l’écrivaine américaine, défenseuse des droits civiques. Une dénomination validée par le conseil d’administration du lycée en mai 2018 et soutenue par le maire de Saint-Denis de l’époque, comme le rapporte le quotidien Le Monde.
« Or, en la matière, et selon le code de l’éducation, c’est la région qui décide de sa dénomination » poursuit le quotidien. Fin mars, Valérie Pécresse s’empare donc du sujet et propose de renommer l’établissement Rosa Parks, d’après une autre figure du mouvement des droits civiques, qu’elle estime « plus consensuelle ». Une proposition qui suscite alors l’indignation du corps enseignant, déplorant, notamment, de ne pas avoir été consulté « de près ou de loin ».
« Je ne suis pas adepte de la cancel culture »
Sentant la polémique venir, Valérie Pécresse botte en touche et choisit de s’en remettre au préfet de la région et au ministre de l’Éducation nationale, Pap Ndiaye. À ce dernier, elle adresse une lettre le 31 mars dernier, appuyant son choix sur la « radicalité d’ex-Black Panthers » d’Angela Davis qui serait « trop conflictuelle pour incarner la sérénité qui doit prévaloir dans un établissement scolaire ».
Le « racisme systémique » contre lequel s’est battue Angela Davis « fut vrai aux Etats-Unis » mais « ne l’est pas en France », selon l’ex-candidate à la présidentielle, qui voit dans cette thèse « une attaque en règle contre l’universalisme républicain », moteur des « replis communautaristes ».
Le Monde, 18 avril 2023
Mais, Valérie Pécresse semble oublier à qui elle s’adresse : Pap Ndiaye, avant d’être ministre, est surtout Professeur des universités, spécialiste d’histoire sociale des États-Unis et des minorités. Il ne tarde pas à le lui rappeler gentiment : « L’opposition que vous suggérez entre Rosa Parks et Angela Davis est trop simple : les historiens ont montré depuis longtemps les liens profonds entre les différents courants de l’histoire politique noire américaine ».
Il en profite également pour souligner que « beaucoup de noms d’établissements scolaires puisent, et depuis longtemps, dans un vaste éventail de références qui ne font pas nécessairement consensus », avant de se fendre d’un magistral (et sarcastique) « je ne suis pas adepte de la cancel culture », lui que l’extrême droite adore taxer de wokisme.
La réponse du ministre n’était pas au goût de la présidente du conseil régional d’Ile-de-France, qui a prévenu : elle donne deux mois à la communauté éducative du lycée de Saint-Denis pour lui soumettre une nouvelle proposition. Sinon, c’est celui de Rosa Parks qui sera retenu.
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