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Interview d’Elsa Miské, co-créatrice du jeu Moi c’est Madame
Culture

Lutter contre le sexisme dès l’adolescence, c’est la promesse du jeu de cartes Moi c’est Madame

La lutte contre le sexisme peut-elle passer par un jeu de société ? C’est le pari d’Elsa Miské, co-créatrice de Moi c’est Madame, et sa nouvelle extension pour ados La Relève, qui cultivent le sens de la répartie face à la misogynie. Interview.

Avoir l’esprit d’escalier en matière de sexisme tient d’une malédiction commune. Dans la vie quotidienne, se prendre une remarque sexiste qui sidère, tenter de continuer sa journée malgré tout, et avoir la bonne formule qui arrive en tête des heures plus tard, peut blaser. Et c’est bien normal puisque la misogynie a largement de quoi déstabiliser.

Contre cela, Elsa Miské a co-fondé avec Margaïd Quioc et Anaïs Bourdet (remplacée depuis par Zina Mebkhout) en 2018 le podcast YESSS qui récolte des témoignages de victoires de femmes ordinaires contre les violences et injonctions sexistes dans différents contextes (au travail, en couple, en famille, dans les transports, dans la rue, etc).

Pour inspirer encore plus et même s’entraîner à réagir plus vite, de façon percutante, Elsa Miské a co-fondé avec Axelle Gay le jeu anti-sexiste Moi c’est Madame. Inspiré du podcast YESSS, ce jeu de cartes permet de cultiver son sens de la répartie face au sexisme. Il s’enrichit maintenant d’une extension pensée pour les ados, La Relève, en pré-commande Ulule jusqu’au 16 octobre 2022.

La consultante et formatrice indépendante en matière de lutte contre le sexisme, également créatrice de contenus engagés sur les réseaux sociaux, nous parle de ce jeu de cartes anti-sexiste, de l’importance de célébrer nos victoires face au sexisme et de la popification du féminisme, qui dilue en même temps qu’il sert sa radicalité.

Interview d’Elsa Miské, co-créatrice du jeu anti-sexiste Moi c’est Madame

Madmoizelle. Bonjour, pouvez-vous vous présenter ?

Elsa Miské. Bonjour, je m’appelle Elsa Miské, Zazem sur les réseaux, je suis consultante et formatrice en stratégies digitales et créatrice de contenus engagés, j’ai notamment co-créé le podcast YESSS et le jeu Moi c’est Madame !

Que vous a appris le podcast YESSS par rapport au sexisme et à l’importance de la répartie ? 

La répartie, c’est un outil d’autodéfense. Le patriarcat est beaucoup trop à l’aise et c’est en partie parce qu’on a été éduquées à baisser les yeux et rire bêtement quand on nous insulte. Il est temps que ça change ! Ce que j’ai compris en écoutant des centaines de témoignages de femmes qui ont riposté, c’est que les agresseurs sont très perturbés par le simple fait qu’une femme ose réagir. Même quand la réponse n’est pas la plus percutante, ça a un effet.

Quand et comment est née l’idée de faire un jeu de cartes anti-sexiste ?

En 2019, j’ai rencontré Axelle Gay, dont le métier est de créer des jeux de société engagés. En discutant toutes les deux, l’idée d’adapter le podcast YESSS en jeu est venue assez naturellement. L’idée était simple : on galère à réagir en direct, on est sidérées quand on se prend des réflexions sexistes, donc peut-être que si on s’entraîne ça ira mieux ! On a bossé dessus à fond, notamment pendant le confinement, et le jeu était sorti pour Noël 2020.

Pourquoi est-il important d’intégrer davantage de ludisme dans la lutte contre le sexisme ?

Je suis moi-même assez radicale et je vois bien que ça fait peur à beaucoup de gens. Le jeu permet de détendre l’atmosphère, de créer un environnement safe et sans tensions, pour que tout le monde puisse s’exprimer, poser des questions, et apprendre. Par ailleurs, j’adore la pop culture et je suis convaincue de son impact sur les mentalités, je pense que c’est un vecteur puissant pour faire passer des messages militants. 

Le jeu s’enrichit maintenant d’une extension destinée aux ados, La Relève : pourquoi est-ce important d’apprendre dès le plus jeune âge à riposter au sexisme ?

Les jeunes d’aujourd’hui sont les adultes de demain. Quand je vois la propagande masculiniste qui s’intensifie chaque jour sur les réseaux sociaux, je me dis qu’on a un gros problème et notamment sur la construction des jeunes garçons

Par ailleurs, les jeunes femmes subissent le harcèlement de rue dès le collège, mais aussi tous les stéréotypes qui font qu’elles risquent de développer un syndrome de l’imposteur, et qu’elles ont tendance à se limiter dans leurs choix d’orientation professionnelle par exemple.

Comment s’est passée la co-construction de La Relève, réalisée avec des jeunes ? Que vous ont-ils appris que vous ne soupçonniez pas à propos du sexisme ? 

Les ateliers étaient passionnants, les ados sont pleins de ressources et d’humour donc c’est un plaisir d’échanger avec eux, même si parfois, on prend la mesure de l’ampleur des stéréotypes de genre et ça donne le vertige…

Les histoires de réputation, le slutshaming, le harcèlement en ligne et le virilisme font des ravages, et si on a parfois l’impression que « la nouvelle génération va nous sauver » je ne pense pas que ça soit si simple que ça. Ils sont très fortement influencés par leur environnement, donc l’éducation qu’ils reçoivent à la maison et les contenus auxquels ils sont exposés en ligne, entre autres… Certaines m’ont surpris par leur répartie ou leurs connaissances sur certains sujets, d’autres par la violence de leurs propos. Bref, il y a du boulot !

Dans quelle mesure le jeu Moi c’est Madame et son extension La Relève entretiennent la volonté de lutter contre le sexisme et de se battre pour gagner l’égalité, plutôt que de simplement l’espérer passivement ?

Quand on a créé YESSS, c’était avant tout pour se faire du bien, parce qu’on était épuisées d’entendre des mauvaises nouvelles tous les jours, ça nous donnait l’impression de reprendre un peu le pouvoir sur nos vies et de partager une petite dose de force avec d’autres femmes… et on a vu à quel point c’était efficace ! On a reçu tellement de messages de soutien de la part d’auditrices qui nous disaient à quel point ça leur donnait la pêche de nous écouter… Je pense qu’on ne peut lutter contre le système que si on croit en nous, ce qui est déjà un acte de résistance dans une société qui nous dévalorise à longueur de journée !

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Jeu de carte La Relève, à partir de 18€, en pré-commande sur Ulule.

Quelle est la riposte du jeu que vous préférez, ou que vous utilisez le plus dans ta vie quotidienne ?

Dans La Relève, il y a une carte « Tu veux un verre d’eau ? Faut pas oublier de s’hydrater, tu sais » celle-ci c’est moi qui l’ai écrite, je dis souvent ça aux mascu dans mes commentaires sur TikTok, c’est une inversion simple du stéréotype selon lequel les femmes seraient fragiles, alors qu’il n’y a rien de plus fragile que l’égo d’un masculiniste

Quelle est la question qu’on ne vous pose pas assez autour de Moi c’est Madame et La Relève, et en matière de lutte contre le sexisme ?

C’est plutôt moi qui ai une question : quand est-ce que des hommes cis hétéro vont s’emparer de ces sujets ? J’entends énormément de critiques à l’égard du féminisme, comme quoi, on serait trop radicales, trop violentes, etc. Pourtant, de nombreux hommes se disent solidaires du mouvement, soutiennent #MeToo et se disent contre les violences sexuelles, mais je ne les vois pas créer des outils pour déconstruire la masculinité toxique… On vous attend les gars, on a besoin de vous !

À lire aussi : Pourquoi Timothée Chalamet en couv’ du Vogue britannique marque l’histoire (sans tant questionner les genres) ?

Crédit photo de Une : Eclap.


Écoutez l’Apéro des Daronnes, l’émission de Madmoizelle qui veut faire tomber les tabous autour de la parentalité.

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