Dans la rue, je me fais beaucoup emmerder. Genre vraiment beaucoup — c’est devenu aussi courant que ma morning routine, pour vous situer.
Ça s’est doucement intégré à ma vie de tous les jours, insidieusement. Comme un truc aussi évident que les trois minutes de brossage de dents, que le métro-boulot-apéro-dodo ou mon démêlage de cheveux.
Le harcèlement de rue, ma vie quotidienne
Compétence à ajouter sur mon LinkedIn : excellente capacité à ignorer l’existence de quelqu’un dans la rue.
À chaque fois que je sors, que je vais quelque part, que je fous un pied hors de chez moi, je dois prendre en compte un truc : je vais me faire emmerder.
Au mieux, quelqu’un va « juste » me fixer en pensant être le preum’s de la journée, essayer de croiser mon regard à tout prix pour créer une connivence même quand je fixe mes pieds pour l’éviter.
Parce que c’est bien connu, tous les films d’amour commencent avec un type qui soutient ton regard alors que tu ne veux pas, trop romantique quand t’es pas d’accord et que lui est là à avoir la bonté de te remarquer, de reconnaître ta présence et d’avoir envie de te faire le cul.
Merci frère pour la vie de princesse, le rêve devenu réalité !
C’est pas grand chose mais ça change la perception de la vie urbaine : je suis continuellement en train de vérifier mes signaux, ma bitchy resting face se durcit avec le temps et je maîtrise l’art du marche-droit-devant-toi mieux que personne.
Le harcèlement de rue, 50 shades of relous
Et puis y a le reste.
Y a les vigiles qui me fouillent à l’entrée des parcs d’attraction ou des salles de concert et font des commentaires salaces comme si j’étais pas là. Y a ce mec qui me menace de viol parce que c’est pas le carnaval et que mon gilet Noël ne lui plaît pas.
Et y a même ces pères qui s’arrêtent pour me regarder d’un air salace quand je kiffe ma vie sur le carrousel à Disney.
Y a les gens qui m’arrêtent sur le quai du métro, tout près des rails, pour me traiter de salope. Y a le mec qui m’humilie dans un Franprix en me disant que je suis trop grosse et que je devrais pas me goinfrer.
Y a celui qui me dit que je suis habillée comme une pute et que ce sera tant pis quand je me ferai violer.
Y a le mec qui m’arrête dans la rue pour faire le bruit d’un porc en rut (oui) à l’oreille, l’autre qui me fait un geste de ce qu’il me ferait s’il pouvait me niquer, celui qui me court après dans le métro, vexé de ne pas avoir eu de réponse, en hurlant qu’il va me niquer s’il m’attrape.
Celui qui se caresse la teub en fixant mes cuisses. Celui qui m’empêche de quitter le RER.
Et puis celui qui me frappe.
La liste est longue, mais vous avez l’idée : c’est chiant, ça me fatigue, ça me fait m’enfermer chez moi le week-end parfois, juste par flemme de repasser en mode vigilance juste pour une séance de ciné.
Parce que j’ai la flemme de me battre ce soir, la flemme de marcher dans la rue en me faisant emmerder toutes les 5 minutes.
En faisant gaffe à ne pas donner un quelconque signal d’oisiveté parce que ça laissera l’opportunité à un mec de me dire que je ressemble à sa pote, qu’il aimerait bien mon numéro, qu’il s’en fout que j’ai un mec, qu’il est pas jaloux.
La flemme de marcher, de vivre tout ça et qu’on me lance, au coin d’une rue « un petit sourire mademoiselle ça vous ferait mal ? ». Nique ta race mon gars, vis ma vie pendant une semaine et essaie de sourire dans la rue après.
T’en auras probablement autant envie que si on te proposait d’arracher tes dents une à une.
Le harcèlement de rue, pourquoi moi ?
Je passe pas inaperçu du haut de mon mètre 77, avec mes talons, mes vêtements voyants, mes très longs cheveux et mes grands yeux bleus de personnage de dessin animé.
Je viens pas vous dire que JE SUIS TELLEMENT BONNE QUE MERDE TOUT LE MONDE ME KIFFE.
En fait tout ça, c’est une observation objective, le fait que souvent, c’est moi plutôt qu’une autre.
C’est pas une excuse parce que les relous, y en a autant quand t’es maquillée comme une nommée aux Oscars que quand tu vas à la laverie en pyjama. C’est une constatation au même titre que « les relous existent » en est une.
En vrai c’est pas une raison valable pour venir me parler ou m’emmerder, c’est pas une invitation, je me suis pas habillée pour toi et tes envies de porno ou de comédie romantique foireuse mon gars.
J’ai pas choisi d’avoir une tête de plus que mes copines, j’ai pas choisi de m’habiller pour toi ! Je fais ça pour moi.
Parce que ça me met de bonne humeur, pour mes potes, mon mec, pour l’occasion, juste parce que je kiffe.
Je vais pas me cacher sous prétexte que je suis déjà grande et que par conséquent ce serait une tare à ne pas empirer. Je vais pas m’excuser d’exister parce que José Connard ne peut pas se retenir de commenter !
Et si on se mettait tous d’accord autour d’un consensus plutôt pas mal : me foutre la paix ?
À aucun moment dans ma vie je m’arrête sur le chemin d’un mec pour lui dire « Alors ma p’tite fraîcheur, on va où comme ça ? Un petit sourire ? Eh je peux te parler t’as un pantalon rouge, fallait faire gaffe mon gars !
».
Ben non, parce qu’il est en train de faire sa vie et que j’ai pas envie de l’emmerder. Alors pourquoi j’ai pas le droit à ça ? Vous savez, au respect primaire ?
Comment le harcèlement de rue change mon quotidien
C’est chiant, ça change mes interactions sociales, ça change mes sorties, ça change mon rapport aux mecs et ça change même mon budget.
Ben ouais, à certaines heures tu prends un Uber parce que, toute ta vie, on t’a appris que c’était normal de se faire emmerder, que c’était dans la nature des mecs, que c’était à toi de changer et de te défendre.
SYMPA. Déjà pour les mecs parce que v’là la réputation de boloss sans tenue que vous vous traînez, mais aussi et surtout pour moi parce que même sur un truc sur lequel j’ai aucun contrôle, tout sera de ma faute.
Quand je réponds, on m’explique que j’aurais dû fermer ma gueule. Quand je ne dis rien, on me dit que j’avais qu’à me défendre. Quand je suis polie et que je garde le sourire on me dit que j’ai donné les mauvais signaux.
Et si on se mettait tou•tes d’accord autour d’un consensus plutôt pas mal : me foutre la paix ?
Comment j’empêche les relous de niquer mes journées
Alors clairement, le harcèlement de rue n’a jamais arrêté de me saouler ni de m’indigner. J’aurai toujours le même mépris pour les mecs relous, j’aurai toujours envie de cracher sur les gars qui te montrent leur teub à tout venant.
Parce que quelle que soit ma gueule, quelle que soit ma tenue, quelle que soit la longueur de mes jambes : j’ai envie qu’on me foute la paix.
Sauf que ça fait TELLEMENT partie de ma vie quotidienne… que je ne laisse plus ça influencer mes journées, mes sorties et mes amitiés. FINITO LES CONNARDS.
J’ai le plaisir de CHOISIR ce que je fais de ma journée.
Alors oui je prends toujours un Uber le soir si je rentre trop tard et je suis plus sereine quand je sors avec mon mec parce que mon propriétaire est là pour que je sois tranquille (vous la sentez l’ironie ?).
Mais je vais pas arrêter de mettre des jupes ! Parce que je les kiffe et que ça me va bien. Tout comme je vais pas arrêter de mettre du rouge à lèvres parce que ça me rend heureuse.
Et je vais pas arrêter d’être grande parce que je ne PEUX pas, tout simplement, calmez vos culs.
Je vais pas non plus arrêter de sortir, de sourire. D’aller à la laverie parce qu’un mec a fixé mes sous-vêtements quand je vidais ma machine.
Je vais pas me forcer à mettre un soutif parce que la vue d’une forme de téton sous un t-shirt fait perdre la tête à Jean-Michel PLS.
Quand tu réalises que le mec qui t’a cognée en pleine rue n’y repensera probablement pas demain, qu’il passe sûrement une journée tranquille et que tu te double-punis en restant chez toi, ça fait réfléchir.
La vie sera chiante dans les deux cas.
Soit je reste enfermée chez moi toujours et je me punis moi alors que j’ai rien fait de mal. Soit je fais ma vie, je me fais emmerder mais j’ai le plaisir de CHOISIR ce que je fais de ma journée, et d’y gagner à la fin.
Comment je réagis au harcèlement de rue
Ce harcèlement fréquent, au moins, ça me rend créative dans mes réponses.
Quand je suis saoulée par le traditionnel « vous êtes lourd », je peux dire que j’ai envie de chier, recommander au mec d’aller sucer son père dans certains cas (ça déstabilise quand on parle du chibre paternel).
Faire semblant de péter, dire que j’ai envie de chier, enfin embrasser mon identité de beauf de France quoi.
En plus, quand je me fais emmerder, je peux avoir une excuse pour arriver dans un bar et dire « un whisky s’il vous plaît, ce que vous avez de plus fort » (true story, Mymy pourra témoigner), oui parce que moi aussi j’ai le droit de vivre dans un film.
J’ai été harcelée au collège, on m’a traitée d’à peu près tous les noms : pute, zombie, sorcière, mort-vivante, conne, mocheté, victime. Est-ce que ça m’a arrêtée ? Non.
Alors je vais certainement pas laisser une tripotée de boloss un peu plus vieux me niquer mes journées.
Je vis ma vie malgré le harcèlement de rue
Bref le harcèlement de rue c’est ma vie quotidienne, c’est chiant, mais ça m’empêche plus de vivre parce que sinon c’est Thierry Connard qui gagne et ça, CERTAINEMENT PAS.
Alors à toi, qui oses pas faire ta vie, qui oses pas mettre cette paire de talons parce que tu feras une tête de plus que la rame de métro ou qui laisses ce rouge à lèvres de côté parce que t’as pas envie de te faire emmerder : tu, fais, ce, que, tu, veux.
C’est pas ton outfit, ton physique ou ton maquillage qui font que tu te fais harceler, c’est que les autres sont cons et se trouvent des excuses. Les relous sont relous, même quand tu seras en jogging ils seront chiants.
C’est pas à toi de t’adapter et de changer.
Dis-toi que t’es pas la seule.
Dis-toi que quelque part à Paris une rédac cuisine se balade avec son sac Super Nanas, que peut-être elle fait actuellement un doigt d’honneur à un mec dans le métro et qu’elle te kiffe.
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