N’oubliez pas, dans les commentaires, que les personnes qui témoignent sont susceptibles de vous lire. Merci de rester bienveillant·e.
Parler d’argent, en France, c’est encore tabou. Pourtant, c’est un sujet passionnant… et féministe, par certains aspects ! Dans Règlement de comptes, des personnes en tout genre épluchent leur budget, nous parlent de leur organisation financière en couple ou en solo, et de leur rapport à l’argent. Aujourd’hui, c’est Lucie* qui a accepté de décortiquer ses comptes pour nous.
Prénom : Lucie*
Âge : 28 ans
Profession : magistrate
Salaire net avant prélèvement à la source : 3 430 €
Salaire net après prélèvement à la source : 3 200 €
Personnes (ou animaux) qui vivent avec vous : son conjoint et leur chat
Lieu de vie : un appartement dans une ville de taille moyenne de l’Oise (60).
La situation et les revenus de Lucie
Lucie est magistrate en fonction depuis 1 an et demi, plus particulièrement substitute du procureur de la République dans « un tribunal de taille moyenne ».
« Je ne suis pas fonctionnaire, mon statut dépend de la fonction publique mais il s’agit d’un régime spécial ; nous n’avons pas de régulation particulière sur les heures travaillées. Ainsi, je dirais que je travaille en moyenne 50 à 60 heures par semaine, selon les audiences tardives qui ne sont, hélas, pas si rares. Ma fonction actuelle m’impose également des périodes de ‘permanence’, c’est-à-dire plusieurs jours durant lesquels je suis joignable à tout moment par les enquêteurs pour prendre toute décision urgente, de jour comme de nuit. Il est donc difficile de compter mes heures sur ces périodes. Je suis de permanence environ une semaine et un week-end par mois. »
En couple depuis 13 ans avec son compagnon, Lucie est pacsée et vit avec lui dans un appartement de 70 m2 dont ils sont locataires dans une ville moyenne de l’Oise.
« Nous avons la chance de vivre « à la campagne » tout en pouvant aisément nous rendre dans le centre de Paris en moins d’une heure. »
Pour son job à temps plein de magistrate, Lucie touche un salaire de 3 430 € net par mois, revenu à 3 200 € après prélèvement à la source de l’impôt sur le revenu. Si l’on compte les revenus du conjoint de Lucie, le couple possède un revenu de 6 300 € mensuels pour vivre. « Nous tentons d’ajuster notre prélèvement à la source qui est, je crois, insuffisant. »
À la question « vous estimez-vous bien payée ? », Lucie explique connaître « des sentiments contradictoires ».
« J’ai conscience de me trouver dans la catégorie “riche” de la population française et d’être très chanceuse de pouvoir vivre avec mon train de vie actuel. Eu égard à ce que j’ai toujours connu autour de moi depuis l’enfance, je n’oserai jamais me plaindre d’un tel salaire. Néanmoins, je trouve parfois que ce salaire est juste acceptable au regard des horaires que je peux faire et des sacrifices sur ma vie privée qu’exige cette fonction (travailler les week-ends et le soir par exemple). Je considère que si on pouvait calculer mon taux horaire, il ne serait pas si satisfaisant que cela au regard de mes diplômes, de ma charge de travail et surtout de mes responsabilités.
De plus, mon traitement de base est de 2 400 € brut, je suis donc en grande partie rémunérée par des primes diverses, certaines dépendant de la charge de mes permanences. Ainsi, mon salaire est très variable d’un mois à l’autre. »
Le rapport à l’argent de Lucie et son organisation financière
Ayant grandi dans « une famille modeste », Lucie estime ne pas avoir forcément reçu « les clés nécessaires à la gestion d’un budget tel que le mien ».
« Mes parents, même en touchant un salaire plus faible, n’ont jamais réellement craint de manquer, ou me l’ont particulièrement bien caché. L’état d’esprit dans la famille a toujours été « Profite, on n’emporte rien dans la tombe ».
Je me suis depuis documentée sur l’épargne et l’investissement, et j’ai conscience du fait qu’avec mon salaire actuel il serait inconscient d’essayer de tout dépenser, mais je dois reconnaître que j’adhère toujours un peu à cette philosophie, je ne me vois pas me restreindre dans mes envies et mes activités pour mettre un peu plus d’argent de côté. »
De ce fait, Lucie a conscience de ne pas encore avoir « trouvé son équilibre » et « dépenser un peu trop d’argent dans des plaisirs superficiels » qu’elle ne pouvait pas s’offrir auparavant, comme des vêtements chers ou des repas dans de bons restaurants.
« J’ai par contre la chance de n’être jamais à découvert, et je me dis que tant que j’arrive à mettre un peu de côté chaque mois pour palier en cas de coup dur, j’ai bien raison de me faire plaisir au quotidien. »
Concernant leur organisation financière, Lucie et son compagnon disposent chacun d’un compte courant personnel sur lequel ils touchent leur salaire et où ils assument leurs dépenses personnelles : transports et repas liés au travail, mutuelles et assurances personnelles, vêtements, sorties. Ils ont aussi un compte commun, sur lequel ils versent chaque mois la même somme d’argent, et qui est destiné à payer les dépenses communes : loyer, factures, courses, activités…
Les dépenses de Lucie
Le premier poste de dépenses de Lucie et de son conjoint est évidemment le loyer, qu’ils partagent en deux. La jeune femme règle donc chaque mois 492,5 € pour un loyer total de 985 €.
Viennent ensuite les factures courantes, que Lucie estime à 190 € par mois.
« Nous réglons 140 € environ d’énergie et 60 € pour les assurances et la box, que nous partageons 50/50, puis 90 € de mutuelle et d’assurance voiture que j’assume seule, car il s’agit de ma voiture personnelle et de ma mutuelle professionnelle. »
Le couple partage également un compte Netflix (14 € par mois, qu’ils règlent chacun pour moitié), et s’octroie aussi les services d’une femme de ménage, qui intervient chaque semaine pour un montant de 180 € mensuels.
« Nous avons une liste de courses rédigée à l’avance et un planning de repas »
Parmi les autres frais que le couple assume à 50/50, on retrouve aussi les frais liés à leur chat (10 € par mois chacun), ainsi que les frais de déplacement. Pour sa part, Lucie en règle donc la moitié, soit 165 € environ par mois.
« Il s’agit d’essence et de péage. Les trajets pour voir nos famille le week-end ont un réel coût que nous partageons (250 € par mois). Je vis près de mon lieu de travail, donc mes dépenses personnelles sont de 40 € par mois environ. »
Le budget alimentaire de Lucie et de son copain est assez conséquent : 385 € par mois. Une dépense qu’ils partagent à deux.
« Nous faisons nos courses dans des hypermarchés type Carrefour, Cora. Nous faisons nos courses une fois par semaine, avec notre planning de repas et notre liste rédigée à l’avance. Et nous essayons de nous y tenir même si quelques chocolats et autres achats compulsifs peuvent survenir ! »
À cela s’ajoute pour Lucie 160 € par mois pour les repas qu’elle prend au boulot, et dont elle assume seule la charge.
Fait suffisamment rare pour être souligné, Lucie et son conjoint partagent aussi de manière équitable les dépenses relatives aux protections hygiéniques et au maquillage, même si ce budget est, de l’avis de la jeune femme, « très faible » : de l’ordre de 10 ou 15 € par mois, lissé sur l’année. Cela s’explique par le fait que Lucie se « maquille très peu et ne va pas en institut ». Quant à sa contraception, elle est entièrement remboursée par l’Assurance-maladie et la mutuelle.
Les loisirs de Lucie
Comme elle l’a reconnu plus haut, Lucie accorde énormément de place à ses loisirs… et cela se ressent dans le budget qu’elle leur alloue. La jeune femme et son conjoint aiment sortir à Paris, bien manger et découvrir de nouvelles adresses, qu’il s’agisse de restaurants ou de bars.
« Nous essayons de découvrir des lieux originaux et, gourmands comme nous sommes, nous aimons nous retrouver autour d’un café et d’une pâtisserie ou d’une planche apéro. »
La jeune femme et son ami sont aussi friands de musées, d’ateliers d’artisan ou encore d’escape games.
Mises bout à bout, « ces dépenses pèsent à la fin du mois », reconnaît Lucie : environ 600 € par mois de dépenses communes et de dépenses personnelles, qui comprennent des verres/sorties pour Lucie, ainsi qu’un abonnement à un coaching sportif (79 € par mois).
« Je ne voudrais pas devoir tirer un trait dessus, tant ces séances me rendent plus confiante en moi et à l’aise avec mon corps (et compensent un peu les restaurants…). »
C’est ce budget restaurant, d’environ 400 € par mois, que la jeune femme aimerait réduire en priorité.
« Nous mangeons très régulièrement à l’extérieur mais je pense que j’aurais du mal à m’en passer, nous apprécions énormément ces moments à deux. »
Lucie et son compagnon ont aussi un budget voyages dédié d’environ 300 € par mois lissés à l’année, qu’ils prennent en charge à 50/50.
« Je pense pouvoir également fixer à environ 40 euros par mois un budget personnel « cadeaux » car j’aime faire plaisir, surtout lorsqu’il n’y a pas d’évènement particulier. »
Enfin, concernant les vêtements, Lucie a aussi conscience que son budget de 200 € est important :
« J’achète assez régulièrement et je fonctionne un peu trop sur un coup de tête… Amatrice de sneakers et d’éditions limitées (tout comme mon conjoint), je pense que nous devrions aussi freiner nos ardeurs en la matière (nous achetons quasiment une à deux paires par mois chacun), mais cela est plus facile à dire qu’à faire ! Notre dernier “craquage” remonte déjà à plusieurs mois : il s’agit d’une paire de chaussures Chloé à 450 euros. »
L’épargne et les projets d’avenir de Lucie
Chaque mois, Lucie parvient à épargner environ 1 000 €, tout comme son conjoint. Ils disposent de comptes épargne personnels pour leurs économies.
« Au regard de mon ancien train de vie, je trouve ce montant très satisfaisant, mais une petite voix au fond de moi me dit que nous pourrions évidemment faire bien mieux, j’en ai conscience. Le fait est que je n’ai pas envie de me restreindre davantage puisque je parviens déjà à tenir cet objectif de de 1 000 € par mois, qui pour l’heure me convient. »
Dans un futur proche, Lucie et son compagnon prévoient de voyager : un périple en Asie est prévu cette année.
Ils projettent aussi, à plus long terme, d’investir dans le locatif pour s’assurer un revenu régulier complémentaire.
« Ma fonction va m’imposer de nombreuses mutations, ainsi l’achat de notre résidence principale est encore un projet lointain. En attendant, et pour utiliser notre épargne, nous sommes en plein processus d’achat d’un studio dans une ville étudiante que nous avons fréquenté et que nous pensons pouvoir louer 395 € par mois ; nous espérons pouvoir continuer dans les années à venir et ainsi s’assurer une retraite confortable. »
Merci à Lucie* d’avoir épluché son budget pour nous !
* Le prénom a été modifié.
Pour témoigner sur Madmoizelle, écrivez-nous à :
[email protected]
On a hâte de vous lire !
Vous aimez nos articles ? Vous adorerez nos newsletters ! Abonnez-vous gratuitement sur cette page.
Les Commentaires
Comme l'une de mes VDD j'ai aussi tiqué sur le fait qu'elle souhaite s'assurer une retraite malgré un bon revenu, mais à la réflexion une partie conséquente de son salaire est constitué de primes et d'heures sup. Qui ne sont donc pas comptabilisées pour le calcul de sa retraite. Ça n'est pas dénudé de sens.
Et puis franchement, je suis d'accord avec la temoignante : ce n'est pas un salaire élevé vis à vis du métier. Je comprends cette sensation d'entre-deux quasi culpabilisatrice vis à vis de son niveau de vie, entre le "je suis privilégiée" et le "je mérite tout de même plus". C'est quand même curieux je trouve, comme les professions les plus utiles à la société sont rarement reconnues à leur juste valeur...