Cet article a initialement été publié le 10 juillet 2018, puis a été mis à jour pour rendre compte de l’évolution de l’affaire.
Rendez-vous en bas de l’article pour retrouver la mise à jour la plus récente, en date du 26 février 2019.
Article publié le 10 juillet 2018 par Mathilde
« Lui aussi ? » est une des phrases que j’ai le plus entendues ce matin dans la rédaction, à l’annonce de l’enquête publiée par Médiapart, qui explique que plusieurs femmes accusent Luc Besson, cinéaste français, de violences sexuelles.
Aucune d’entre nous ne semble vraiment surprise. Après l’affaire Weinstein, après la vague #MeToo, après toutes les révélations de l’année 2017, cette nouvelle nous laisse presque désabusées.
Je me saisis de l’information, et lis la très longue et complète enquête de Médiapart.
CLIQUE ICI POUR LIRE L’ARTICLE DE MÉDIAPART
Plusieurs femmes accusent Luc Besson de violences sexuelles
C’est l’actrice Sand Van Roy qui a déposé plainte pour viol contre Luc Besson, le 18 mai 2018.
Cette démarche a été décisive pour une ancienne directrice de casting qui a travaillé à plusieurs reprises pour le réalisateur, et a décidé, à sa suite, d’écrire au procureur de la République de Paris pour dénoncer des faits d’agressions sexuelles.
Médiapart a enquêté plusieurs mois. En rencontrant des personnes ayant travaillé aux côtés de Luc Besson, le magazine a comptabilisé un total de quatre femmes affirmant « avoir été l’objet de comportements sexuels inappropriés ».
Parmi elles, Sand Van Roy, deux actrices, et l’ancienne directrice de casting (les trois dernières ont témoigné anonymement).
Les accusations et témoignages sont violents. J’avoue avoir grimacé à leur lecture, et dû prendre une pause une fois que j’ai eu terminé de parcourir les récits.
Des différentes déclarations semble ressortir l’emprise ressentie par les accusatrices, et l’impossibilité de se dresser contre Luc Besson. Ce monument du cinéma a une réputation assise, et un rôle dans l’un de ses films est une opportunité de carrière incroyable.
Selon sa propre mère, lorsqu’elle l’encourageait à porter plainte, Sand Vand Roy répondait :
« Mais qu’est-ce qu’on va dire ? Que je veux porter plainte contre Luc Besson ? On ne peut pas. On ne dit rien. Ce n’est pas possible. »
À l’inverse, s’en faire un ennemi en refusant ses avances peut s’avérer dangereux. Une des actrices qui témoigne raconte avoir réussi à s’échapper, en se jetant à terre. Suite à cela, elle n’aurait pas eu le rôle espéré.
Et d’ajouter :
« C’est un prix que j’ai dû payer plus d’une fois dans ma carrière. Mais pour moi, l’incident de Luc Besson était de loin le plus traumatisant. »
La défense de Luc Besson face aux accusations d’agressions sexuelles
Ces dénonciations semblent tristement classiques, et l’affaire ne m’apparaît même plus exceptionnelle.
Luc Besson a été contacté par Médiapart, mais n’a pas souhaité réagir.
Son avocat, Me Marembert, était intervenu sur RMC le 20 mai 2018, et avait affirmé que Luc Besson « dément[ait] catégoriquement tout comportement inapproprié et répréhensible de quelque nature que ce soit ».
Il avait également indiqué qu’il « connaissait cette jeune femme comme il connaît à peu près la Terre entière dans le milieu du cinéma », et qu’il « n’a jamais violé ni elle, ni qui que ce soit ».
Les « accusations » de Sand Van Roy ont quant à elles été qualifiées de « délirantes ».
Luc Besson face à #MeToo
En octobre 2017, alors que le scandale Weinstein secouait le globe et plus particulièrement la sphère du cinéma, Luc Besson avait réagi via un tweet.
« La différence entre l’affection et le harcèlement. »
Plusieurs personnes interrogées par Médiapart qualifient l’homme de « nounours », un homme doux, affectueux, « tactile ». Des femmes racontent n’avoir jamais été témoins de comportements déplacées.
Si les accusations ne peuvent être prises au pied de la lettre et doivent faire l’objet d’une enquête de justice, je tiens à rappeler que ne pas avoir été témoin de comportements déplacés ne signifie pas que ceux-ci n’existent pas.
Par ailleurs, un ancien employé d’EuropaCorp, l’entreprise de Luc Besson, confie à Médiapart avoir vu plusieurs fois l’une des actrices accusatrices sur les genoux du réalisateur. Il semble avoir eu la sensation de s’être laissé berner.
« Luc Besson faisait passer cela avec l’ambiance familiale qui régnait, le fait qu’on bossait tous ensemble jours et nuits.
Cette ambiance trompait un peu tout le monde, car au final on était quand même une entreprise, avec un patron qui faisait asseoir une employée sur ses genoux. »
Et d’ajouter : « c’était aussi de notre faute si ce genre de comportements passaient ».
Luc Besson accusé d’agressions sexuelles : l’enquête de Médiapart
Si tu veux en savoir plus, je t’invite à lire l’enquête de Médiapart, très détaillée, dans son intégralité en cliquant ici.
L’affaire est à présent entre les mains de la Justice, dont je suivrai les avancées avec intérêt.
À lire aussi : Une semaine pour briser le silence autour des violences sexuelles (avec Nadia Roz, Lola Dubini, Emma Oscar…)
Mise à jour du 29 novembre 2018 par Esther
Quelques mois se sont écoulés depuis la parution de la première enquête de Mediapart au sujet de « comportements sexuels déplacés ».
Ce 28 novembre, un second volet vient d’être publié, ajoutant aux témoignages déjà existants la parole de cinq nouvelles femmes.
Violences sexuelles : cinq nouvelles femmes accusent Luc Besson À lire sur MÉDIAPART
Toutes décrivent à minima des faits de harcèlement sexuel allant parfois jusqu’à des relations sexuelles « non consenties ».
De multiples témoignages de harcèlement et d’agressions sexuelles
On compte dans les rangs de ces nouvelles témoignantes Ananda, dont le prénom a été modifié pour protéger son identité.
Ancienne assistante de direction de Luc Besson, elle explique avoir subi au moins trois relations sexuelles non consenties – elle se refuse à parler de viol. Elle décrit aussi un environnement de travail dans lequel elle subissait du harcèlement sexuel.
Elle explique qu’il a profité de sa position d’extrême vulnérabilité à l’époque, psychologique et économique. Les premiers faits datent en effet d’une époque où Ananda avait besoin d’un travail, d’un appartement…
« Je n’ai pas renouvelé mon contrat, j’ai pris la poudre d’escampette, quitte à galérer seule, mais au moins libre. »
Les faits sont aujourd’hui prescris
et Ananda ne peut pas porter plainte.
D’autres femmes témoignent de stratégies similaires du réalisateur, qui utilisait sa position de pouvoir pour parvenir à ses fins et opérait souvent de la même manière : en donnant rendez-vous dans des hôtels.
C’est le cas de Karine Isambert, mannequin et comédienne en devenir lorsqu’elle rencontre Luc Besson en 1995.
Elle a refusé ses avances, et estime l’avoir payé ensuite. Elle travaille aujourd’hui dans le théâtre plutôt que dans le cinéma.
Une autre jeune femme témoigne sous le nom d’Emmanuelle, elle avait 20 ans dans les années 2000. Elle dit avoir subi un harcèlement sexuel constant alors qu’elle travaillait à Europa Corp, le studio de cinéma de Luc Besson.
« Elle relate aussi qu’un jour, sortant de la cuisine « avec une tasse de thé et des photocopies, et donc les mains occupées », Luc Besson serait arrivé, l’aurait « embrassée sur la bouche » et lui aurait dit « d’un air bon enfant » : « Ah tu ne peux rien faire. »
« Et je n’ai rien fait. J’aurais dû lui balancer ma tasse de thé. Et après ça, vous revenez à votre bureau comme une idiote, humiliée ». »
Plus récemment, des étudiantes de l’école de la Cité du cinéma dirigée par Luc Besson, décrivent des faits similaires lors de stages effectués sur ses tournages.
Sous le nom d’emprunt de Laura, l’une d’elle explique avoir subi du harcèlement sexuel en 2016, sous la forme de câlins, bisous, ordres de s’asseoir sur les genoux du réalisateur…
« J’arrivais parfois le matin la peur au ventre, c’était la perspective de ce qui pouvait arriver, et que je n’avais aucun moyen de l’arrêter. »
Elle n’a pas porté plainte, doutant d’avoir les forces nécessaires pour faire face à la procédure, mais a cependant témoigné devant les forces de l’ordre.
Concernant la procédure judiciaire en cours, entamée sur la plainte pour viol déposée par l’actrice Sand Van Roy en mai dernier, Luc Besson a été entendu une première fois par les forces de l’ordre le 2 octobre 2018.
L’enquête suit donc son cours.
Mise à jour du 26 février 2019 par Clémence
La plainte pour viol déposée par Sand Van Roy contre Luc Besson
a été classée sans suite.
Dans un nouvel article publié lundi 25 février 2019, Médiapart continue son suivi de l’affaire de violences sexuelles concernant Luc Besson, et cite le parquet de Paris :
« Les nombreuses investigations réalisées par les enquêteurs du 1er DPJ dans le cadre de cette procédure [n’ont] pas permis de caractériser l’infraction dénoncée dans tous ses éléments constitutifs »
Affaire Besson : l’enquête pour viol classée sans suite À lire sur MÉDIAPART
La plainte déposée par Sand Van Roy n’a donc pas abouti. En revanche, ce 21 février, une nouvelle enquête préliminaire a été ouverte par le parquet de Paris. Elle concerne des faits d’agression sexuelle.
Cette enquête est en cours.
À lire aussi : Pourquoi c’est encore si difficile de dénoncer les violences sexuelles, en France ?
Écoutez l’Apéro des Daronnes, l’émission de Madmoizelle qui veut faire tomber les tabous autour de la parentalité.
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