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Love & Pop, de Murakami Ryû

« Oui, acquiesça Hiromi. Comment avaient-elles compris ? se demanda-t-elle . Lorsqu’on a envie d’une chose, il faut tout faire pour l’obtenir sans tarder car les choses changent de nature après une ou deux nuits et redeviennent ordinaires. Elles le savaient très bien comme elles savaient qu’il n’existait pas une seule lycéenne capable de travailler six mois dans un McDonald’s pour se payer un sac Prada.« ‘

Dans Love&Pop, Murakami Ryû parle d’une forme de prostitution assez répandue au Japon. Des adolescentes acceptent des rendez-vous avec des hommes, contre rémunération, afin de s’acheter des produits de marques, sac griffés ou cosmétiques de luxe.

Une nouvelle forme de prostitution moderne qui touche les adolescentes japonaises

6 Août 1996. Hiromi, 16 ans, part à Shibuya (le quartier branché japonais) avec ses trois meilleures amies Sachi, Chieko et Nao, pour s’acheter un maillot de bain, avec l’argent que lui a donné sa mère. Il coûte moins cher que prévu, et elle décide de s’acheter une bague avec l’argent qui lui reste. Mais dans la boutique elle tombe en pâmoison devant une luxueuse bague sertie d’une topaze impériale. Elle ne veut pas attendre pour l’obtenir, persuadée que son achat lui procurera beaucoup moins de plaisir après quelques jours. Elle décide alors de faire ce qu’elle n’a jamais osé jusque là, rencontrer des hommes, seule, contre rémunération, afin de se payer le bijou dans la journée. Mais rien ne va se passer comme elle l’avait prévu.

On va ainsi suivre Hiromi toute la journée, de son réveil à son coucher. Cette journée d’été qui la changera sans doute à tout jamais, la rendant moins insouciante et plus forte.

Ce livre est dur. Même si la légèreté des pensées d’Hiromi semble de prime abord atténuer la gravité de la situation, l’atmosphère n’en est que plus étouffante. Parce que c’est encore une enfant et qu’elle n’a pas conscience de sa propre valeur. Parce qu’aucune de ses amies ne songe à l’arrêter, tant elles trouvent ce genre de choses normales. Parce qu’il y a tous ces hommes, qui peuvent avoir la vingtaine comme beaucoup beaucoup plus, parfois mariés, souvent avec un bon travail, qui sont prèts à payer pour qu’une collégienne ou une lycéenne leur tienne compagnie. Pas forcément pour un acte sexuel, mais parfois simplement pour manger au restaurant ou aller au karaoké. Ces hommes semblent ignobles et indignes de respect, et en même temps, on se demande quelle solitude extrème peut pousser un homme à payer une adolescente juste pour qu’elle mange avec lui.

Un livre dur, fort troublant et difficile mais aussi très étonnant !

Ce livre, en plus de son sujet troublant et difficile, a une construction pour le moins étonnante. On suit au mot près le fil de la pensée d’Hiromi. On lit donc ce qu’elle fait, ce qu’elle dit ou ce qu’on lui dit, mais quand elle pense a quelque chose on y est aussitôt renvoyé (par exemple si une situation lui en rappelle une autre, elle nous est raconté -comme quand on se dit ‘ah tiens ça me fait penser à ce jour où…’-) et quand elle écoute une discussion ou qu’elle lit une couverture de magazine, c’est inséré sans préavis dans la narration. Ainsi quand elle fait la queue au McDonalds avec une copine et que le silence s’installe entre elles, les prises de commande des clients qui font la queue devant s’égrainent sur plusieurs pages. Dérangeant et en même temps fascinant, tant ces petits riens sont humains.

J’ai énormément apprécié Love & Pop. Commencé un soir un peu fatiguée, pensant n’en lire qu’un ou deux chapitres, je n’ai pas pu le lâcher. Parce que ce livre est dur et fort, parce qu’on ne peut s’empêcher de se demander ce qu’on aurait fait à sa place, et de songer à cette société de consommation qui transforme des minettes vivant encore chez papa-maman en prostituées quasi professionnelles (et difficile de les blâmer quand on se dâmnerait soi-même pour une jolie paire de chaussures…). Ce roman est également une immersion dans les contradictions de la culture nippone, un peu folle, un peu décadente, et finalement plus proche de notre propre culture qu’il ne semble au premier regard.


Et si le film que vous alliez voir ce soir était une bouse ? Chaque semaine, Kalindi Ramphul vous offre son avis sur LE film à voir (ou pas) dans l’émission Le seul avis qui compte.

Les Commentaires

9
Avatar de Elsa
15 juin 2009 à 19h06
Elsa
J'ai pas vraiment trouvé les passages dans le love hotel et le video club vraiment gores. Glauques oui, mais pas gores. Après, tout n'est qu'une question de perception personnelle, (et puis il faut dire que je sors juste de American Psycho aussi...).
Sinon, oui, j'ai trouvé plutôt pas mal, dans le sens où ce bouquin m'a laissé un arrière gout inattendu... Voilà, c'était une expérience de lecture originale en fait.
Oui je me suis mal exprimée, par hardcore j'entendais vraiment vraiment glauques aussi, en fait
0
Voir les 9 commentaires

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