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« Love & Anarchy », la série qui met un terme au mythe sexiste de la cougar

Love & Anarchy, c’est la nouvelle série suédoise qui fait sensation sur Netflix. Mais sous ses airs de comédie romantique un peu badine, elle cache une véritable lutte contre le mythe de la cougar et les stigmates de la femme plus âgée au cinéma et dans les séries.

Si vous tombez sur la série suédoise de Lisa Langseth Love & Anarchy par un dimanche (ou lundianche, mardianche, même mercredianche) confiné, vous vous délecterez sûrement de sa légèreté et de son invitation à la liberté.

Pas franchement révolutionnaire, Love & Anarchy pourrait vite s’oublier tant elle paraît anodine, et pourtant, sa réinvention du mythe de la cougar fait d’elle une série à garder en tête.

L’occasion de mettre le nez dans l’historique d’un terme aussi sexiste que libérateur.

Love & Anarchy libère la femme du mot « cougar »

Sofie, la quarantaine, habite une maison à Stockholm digne d’Architectural Digest, compte deux enfants mignons et pas si cons, et un mari ultra beau gosse.

Pourtant, elle se fait chier comme jamais dans cette vie plaquée or, une véritable prison dorée dans laquelle son mec se révèle un trouduc et ses amitiés superficielles. Le seul qui la comprenne semble être son père, un original, un marginal qui ne fait pas l’unanimité et qu’on enferme donc dans un hôpital psychiatrique contre son gré.

Alors qu’elle a décroché un job stratégique et haut placé dans une maison d’édition, elle y fait la rencontre de Max, un vingtenaire fringant qui s’occupe de l’informatique.

Entre eux commence un jeu de séduction : ils se donnent des gages aux lourdes conséquences, tant au travail que sur leurs sentiments l’un pour l’autre. À noter qu’il ne s’agit pas d’abus de pouvoir, car Sofie n’est pas la supérieure directe de Max !

Sur les huit épisodes de la série, seuls deux mentionnent l’écart d’âge entre les deux protagonistes. C’est leur entourage qui finit par mettre des mots dessus, et aucun d’entre eux ne se prononce « cougar ». Avant cela, il s’agit simplement d’un adultère, certes, mais leur nombre d’années passées sur Terre n’a aucune espèce d’importance.

Raconter des histoires progressistes comme celle-ci sans nommer, sans transformer l’intrigue en discours sociétal permet-il de mieux se réapproprier les termes ou au contraire, ne met pas assez en lumière le phénomène ?

C’est la question que nous avons posée à Clélia Renucci, autrice de Libres d’aimer: Les cougars dans la littérature. Elle explique à madmoiZelle :

« Quand le terme « cougar » a été inventé, le fait pour des femmes de séduire des hommes plus jeunes qu’elles est apparu un peu comme une déviance, même si le mot est fort.

Mais aujourd’hui, grâce au mouvement féministe et au mouvement #MeToo, la parole de la femme s’est normalisée, donc ce type de relations s’est lui aussi banalisé. J’ai l’impression qu’on emploie moins le mot pour désigner ces femmes, et je ne dirais pas que c’est un silence de censure mais un silence d’ouverture. Parce que c’est un silence qui mène vers une normalisation de ces relations. »

« Cougar », un mot récent pour stigmatiser les femmes

Dans Love & Anarchy, ce sont simplement deux être humains qui s’aiment, charnellement et émotionnellement. Ne plus nommer, c’est simplement laisser les histoires d’amour exister sans jugement ni stigmatisation.

Selon l’interview de la chercheuse Milaine Alarie dans ce podcast de Radio Canada Première, une « cougar », dans l’imaginaire collectif, sous-entendrait une femme très entreprenante en matière de séduction (qui se déroulerait à sens unique, contrairement à Love & Anarchy

).

La cougar est aisée financièrement et cherche à assouvir un gros appétit sexuel. Elle attirerait les hommes plus jeunes avec son argent, et cacherait dans sa psyché une peur atroce de vieillir qui les mène à séduire des mecs dont elle aimerait voler la fraîcheur.

Vous l’aurez compris, il s’agit d’une lecture très sexiste des relations entre une femme plus âgée que son compagnon. Clélia Renucci complète cette définition :

« J’ai l’impression que le terme est né sexiste. Souvenons-nous de son origine : le cougar américain, le puma. Donc il y a une notion de prédateur à l’origine du terme. C’est vraiment la femme puissante qui fond sur sa proie.

Quand j’écrivais “Libres d’aimer: Les cougars dans la littérature”, j’avais retrouvé des articles autour de la naissance du mot, dans les années 2000. Dans les magazines, on pouvait lire “Les quinqua avides de pouvoir”, qui réduisent leurs amants au statut de « trophées sexuels ». Les amants ont porté un nom à un moment, qu’on a un peu oublié, c’était le “toy boy”, au moment où Madonna sortait avec plein de jeunes garçons. Au départ, il y a donc ce mélange de puissance et d’effroi pour définir la cougar. Un poil sexiste ! »

Qu’elle soit une gold digger (une femme plus jeune qui aime son mari pour son argent) ou une cougar, c’est toujours la femme qui porte les stigmates des relations avec de grands écarts d’âge. Mais Clélia Rennuci a bon espoir que les choses soient en train de changer :

« Aujourd’hui j’ai l’impression qu’en France, avec le couple présidentiel de Brigitte et Emmanuel Macron, on utilise moins le mot, ou qu’on ne l’utilise plus pareil.

C’est comme si ça s’était normalisé, et comme tout le monde le trouve disgracieux, le mot “cougar” a été évincé du vocabulaire collectif. Donc si on le dit aujourd’hui, c’est bien qu’on veut dire quelque chose de négatif, une insulte. »

Milaine Alarie va même jusqu’à renverser le mythe en affirmant que d’après les témoignages qu’elle a reçus, ce sont plutôt les hommes qui sont avides de rencontrer des femmes plus âgées qu’eux, lesquelles sont valorisées à leurs yeux.

La femme « cougar », un mythe pas si récent

Si le terme de « cougar » n’a qu’une vingtaine d’années, le mythe de la femme entretenant une relation avec un homme plus jeune ne date pas d’hier.

Clélia Renucci revient sur les grandes figures de femmes qui traversent la littérature :

« L’initiatrice est vraiment une figure littéraire qui existe depuis toujours. Elle se rapproche de la mère et une relation quasi-filiale peut s’installer.

Quand Rousseau tombe amoureux de Madame de Warens dans Les Confessions, il l’appelle “maman”. Dans une lettre de Musset à George Sand, après leur rupture, on peut lire : “George tu t’étais trompée, tu t’es crue ma maîtresses, tu n’étais que ma mère. C’est un inceste que nous commettions.”

Il existe aussi la figure de l’allumeuse comme dans “L’Éducation sentimentale” de Flaubert, dans lequel Moreau tombe amoureux de Madame Arnoux qui lui résiste jusqu’à la fin du livre : il ne se passe rien, c’est un amour impossible.

Citons également les pots-de-colle, les collectionneuses (les Madonna de l’époque), les séductrices qui se font passer pour des fausses dévotes, comme dans “Les Liaisons dangereuses”.

Chez Balzac, il n’y a pas un livre qui ne présente pas une cougar qui aime écrire écrit des croqueuses de fortune qui repèrent un jeune héritier.

Dans “Le Rouge et le noir”, Stendhal fait de Madame de Rênal une victime de l’amour. Elle est socialement plus accomplie que Julien Sorel, et comme dans “Love & Anarchy” : elle est mariée, a deux enfants, devient la patronne de Julien Sorel et n’a aucune raison de sortir avec un gamin, mais elle découvre le grand amour grâce à lui.

Comme Sofie avec Max, c’est vraiment la découverte, pour la femme comme pour le jeune homme, de l’amour et de la réciprocité. »

Love & Anarchy s’inscrit dans un mouvement de re-valorisation de la femme plus âgée

C’est bien connu, au cinéma, une fois les 40 ans sonnés pour les actrices, les rôles se font plus rares, moins centraux, les salaires baissent, même.

Les représentations des femmes âgées font d’elles des mères, des femmes de, des grands-mères. Mais on ne donne plus de place au premier plan pour leur sexualité, leur pouvoir de séduction, leurs histoires d’amour romanesques, faisant des femmes qui les pratiquent un mythe qui fait trembler les puceaux du cerveau.

Pourtant, depuis le mouvement #MeToo, on sent une prise de pouvoir des femmes qui se rebellent contre ce culte vain de la jeunesse éternelle.

Dans la dernière saison de Dix-pour-cent, par exemple, on se souvient de l’épisode de Sigourney Weaver qui joue des coudes pour tenter d’obtenir un rôle d’amante de Gaspard Ulliel.

Pour compléter, Clélia Rennuci établit une liste de films et séries qui redéfinissent le mythe de la cougar :

« Premièrement, “Sex and the City”, bien sûr. Samantha était la première à s’afficher avec autant de liberté dans une série ! Elle est démente.

Il y a aussi “Le Liseur” de Bernard Schlink, adapté au cinéma par Stephen Daldry en 2008 avec Kate Winslet, dans lequel elle joue Hanna, l’amante d’une jeune homme sur fond de Seconde Guerre Mondiale. Et là on est dans le renversement de l’initiation ou plutôt même un partage, un échange de procédés.

Le livre de Doris Lessing, “Les Grands-mères”, a été adapté par Anne Fontaine en “Perfect Mothers” avec Naomi Watts et Robin Wright. Un film magnifique dans lequel les corps sont complètement esthétisés, les hommes scuplturaux, des dieux grecs, et les femmes sont sublimes aussi.

Enfin, “La Pianiste” de Michael Haneke, adapté du prix Nobel de la littérature d’Elfriede Jelinek. C’est l’histoire de la relation sado-maso entre une prof de piano, jouée par Isabelle Huppert, et son élève, Benoît Magimel. »

À cette liste on ajoutera définitivement Love & Anarchy, même si on regrette que l’actrice qui joue Sofie, Ida Engvoll, n’ait que 35 ans…

Pour aller plus loin, vous pouvez également vous procurer le livre de Clélia Renucci : Libres d’aimer: Les cougars dans la littérature en cliquant ici, ainsi que son nouveau roman, Concours pour le paradis.

À lire aussi : Lena Dunham (« Girls ») rafraîchit le monde de la finance avec « Industry »


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Les Commentaires

1
Avatar de Leona B.
18 novembre 2020 à 11h11
Leona B.
Sur un sujet un peu similaire, j'ai vu Only You hier et c'était très bien <3
1
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