Vous avez forcément entendu parler des pluies, des inondations qu’on a en ce moment en France et cette fameuse phrase « Mais c’est quoi ce temps dégueulasse ? On est en juin ou pas ?? ». Comme moi depuis quelques jours, vous avez peut-être aussi vu les médias s’émoustiller sur la crue de la Seine à Paris.
Centennale, pas centennale ? Apparemment pas mais ça demeure impressionnant pour la capitale, au point qu’on en oublie un peu tout le reste (la province qui galère, les manif, les grèves, tout ça).
Par contre depuis ce matin du 3 juin 2016, les journaux s’excitent de partout parce que le Louvre et Orsay ont décidé de fermer et de s’occuper de leurs réserves au cas où la situation déborderait (ahah je suis si drôle ! Vraiment, je pense que j’ai accompli mon destin et vais m’arrêter là, allez à plus).
Des mesures préventives contre la crue de la Seine au Louvre
Je suis étudiante à l’École du Louvre (moui je me la pète un peu), et comme son nom l’indique ma seconde maison est effectivement le palais/musée, lieu d’étude de pas mal d’étudiant•es en Histoire de l’art. Du coup en ce moment on est assez attentif•ves à la Seine qui fait joujou juste à côté (genre à 500 mètres en mode casual, type je déborde mais peinard tu vois OKLM).
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Hier soir on a tou•tes reçu un mail solennel du directeur pour nous dire que le Louvre et la Bibliothèque de l’école seraient fermés parce qu’ils ont déclenché le Plan Crue et qu’on déménage les réserves.
Il nous expliquait aussi que si on souhaitait donner un coup de main pour tout bouger (à savoir les archives et la bibli de notre école), on était les bienvenu•es parce que même si c’est pas sûr, les eaux peuvent monter « en moins de 72 heures » — il espérait au passage qu’on se mobiliserait pour l’école.
L’alarmisme des médias face à la crue de la Seine
Le truc rigolo c’est que, je sais pas trop comment, il se trouve que BFMTV a mis la main sur ce mail et qu’ils en ont fait une situation complètement alarmiste en ne retenant que la partie « OH MON DIEU ÇA PEUT MONTER EN MOINS DE 72 HEURES » en mode branle-bas de combat, panique à bord (alors qu’on est quand même relativement zen les gars, faut pas chambrer).
« Pire, les eaux pourraient même envahir les bâtiments avant le délai des 72 heures, explique le directeur de l’école du Louvre dans un mail envoyé à ses étudiant•es jeudi en fin d’après-midi et que BFMTV.com a pu consulter. »
Le pompon c’est quand L’Obs nous apprend (oui oui) que nous, les élèves de l’école du Louvre, pouvons volontairement signer lors de notre inscription « un engagement pour venir épauler les équipes du musée ».
Alors on est tou•tes aussi surpris•es les uns que les autres à l’école, et ça nous fait doucement rigoler parce que personne ne se souvient d’un truc pareil. C’est une révélation ! On est la figure idéale des bénévoles pratiques parce qu’ils squattent à côté mais qu’ils se sacrifient pour le sujet de leurs études ! On a le pouvoir ! On peut sauver le musée !
Une situation sous contrôle
Calmez-vous les gars, en fait il s’agit juste de notre bibliothèque hein, pas du musée : si le Louvre engageait les gens comme ça, sûr on aurait tou•tes sauté sur l’occaz’ ! Bosser presque gratos (voire gratos tout court — les stages pas rémunérés) pour être juste au contact des œuvres, ça nous connaît.
Mais il faut un personnel spécialisé et formé, tout simplement parce que le moindre déplacement peut coûter son intégrité à n’importe quelle œuvre d’art, de la plus grande à la plus petite, de la plus solide à la plus fragile. Nous on n’est pas formé•es, et si on l’était on ne serait pas dans l’école.
On peut à la limite déplacer des cartons comme n’importe qui, mais pas davantage (d’où la bibliothèque de l’école). Vous n’allez pas confier la Joconde à trois pauvres étudiant•es ému•es et tout•es tremblotant•es d’avoir entre leurs mains un chef-d’œuvre quand même, non ? Et on est tellement émotif•ves ; on se pâmerait pour un minuscule petit chien en or d’1,4cm de haut qui tient dans le creux de la main… on n’est pas fiables, je vous dis.
Après s’ils nous demandent notre aide, on sera sans doute pas les dernier•es à répondre à l’appel ! On pourra peut-être gratter une petite place de conservateur•trice général•e pour la fin de nos études, sait-on jamais (ne pas perdre le Nord qu’on m’a dit un jour) ?
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Moins de sensationnalisme, plus de vraie info
« Pire » comme dit BFMTV avant de lancer la phrase sensas du directeur, j’ai envie de te dire que ce qui m’amuse et me désole surtout c’est que les médias nous font encore des articles à sensations, qu’ils se sont crus à l’évacuation du Louvre en 1939 et qu’ils feraient mieux de se concentrer sur les vrais problèmes (Chambord par exemple, ou le château de Nemours).
Oui, le département des arts de l’Islam a été vidé pendant la nuit, parce qu’installé en zone inondable (on ne discutera pas de la bonne ou de la mauvaise idée de la chose ici, mais voilà). Oui, on a des examens et des cours qui sont finalement annulés aujourd’hui dans l’école (alors que hier soir encore on nous disait que c’était ok), mais c’est plus lié à la mobilisation du personnel des musées (en majorité nos profs) qu’à une véritable urgence.
C’est ça le drame de l’étudiant•e en histoire de l’art : les œuvres passent avant ton oral.
« Déso pas déso »
Pas mal de gens paniqués m’ont demandé si on allait perdre des œuvres et tout parce qu’ils voient le ton alarmiste de ces articles, ce que je comprends. Alors à vous tou•tes qui vous inquiétez : tout va — plus ou moins — bien, vous pourrez toujours voir Mona et ses copines quand la crue sera passée pour constater leur teint de pêche !
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Ce ne sont que des mesures de précaution : à l’heure actuelle il n’y a pas de véritable risque pour les œuvres, et il est peu probable que la Seine monte encore. Comme on est à l’abri de rien, effectivement on fait des trucs et on bouge des œuvres et des archives, parce qu’il vaut mieux ça que de pleurer après des pertes qui ne pourront jamais être remplacées.
En conclusion : rien de bien grave, ne paniquez pas et éteignez votre télé !
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