Lorsque je vivais à Londres (parce que j’aime bien rappeler souvent que j’ai vécu à Londres), un de mes lieux de détente favori était la British Library, située non loin de la gare St Pancras où arrive l’Eurostar. Un endroit plutôt mouvementé, donc, et qui ne donne pas trop une impression de détente — d’autant plus que c’est l’équivalent de la BNF, pas de la petite bibliothèque municipale du coin.
Et pourtant, non seulement j’y allais souvent, mais je recommandais à la visite à mes amis de passage pour un peu de tourisme (et pour le plaisir de me voir, évidemment). Je sais, on ne recommande pas souvent une bibliothèque de référence à des touristes qui ont une capitale historique à découvrir en quelques jours. Mais quand on en a plein les pattes de courir du Nord au Sud dans une cité tentaculaire dont on ne verra même pas le quart en un an, autant se faire une raison et se prendre une petite journée de découverte tranquille.
Mon idée de la petite journée de découverte tranquille, c’est une promenade du joli quartier littéraire de Bloomsbury à King’s Cross St Pancras. Viens, je t’emmène, comme disait l’autre !
De Bloomsbury à King’s Cross
Mettons que vous avez quand même passé quelques heures dans la matinée au British Museum, qui est au-dessus de Tottenham Court Road (je le précise parce que c’est là qu’il y a un des Primark d’Oxford Street, et que je sais qu’il y a de grandes fans dans l’assistance), pour aller voir la Pierre de Rosette.
Le musée, non content d’être gratuit, est immense, alors c’est pour ça qu’aujourd’hui on va vous épargner et n’y passer que quelques heures. Parce qu’après une petite collation dans un pub du coin, vous partez vers le nord pour remonter vers Great Russel Street. Vous vous retrouvez ainsi dans le quartier littéraire de Bloomsbury, qu’il faut vous traverser pour arriver sur la grande avenue où se trouve la British Library.
Il y a pire, comme promenade : petites librairies planquées, antiquaires, jolies maisons avec un air de 221B Baker Street… Vous avez le temps de vous mettre dans l’ambiance avant d’arriver sur Euston Road, son bruit, son peuple, ses voitures et ses bus qui fusent de partout. Oui, remontez encore, la Library est sur cette avenue.
Une chose, cependant, plus importante qu’on ne le pense. Ces tours de château avec des faux airs de mashup Harry Potter x Disneyland que vous apercevez de loin ? Non, lâchez l’affaire tout de suite, ce n’est pas la bibliothèque. Vous n’êtes pas parti-e-s pour explorer les tours obscures d’un immense château, ni pour découvrir des grimoires anciens et peut-être même magiques au détour d’un couloir secret.
Je le sais, j’y ai cru aussi.
Non, le château, c’est le Saint Pancras Renaissance Hotel, qu’à défaut de pouvoir vous payer pour une nuit ou deux, vous pouvez visiter à l’occasion.
La bibliothèque, c’est le bâtiment plus… moderne, là, à côté. Oui, je sais. La désillusion.
Un vieux bâtiment moderne
Bon, pas que je veuille aller de déception en déception, pour qu’au final vous vous demandiez bien pourquoi je vous tiens la jambe avec la BL, mais pas question non plus de fureter entre des rayonnages garnis de bouquins. Du moins, pas comme ça. Il s’agit d’une bibliothèque de référence, une des plus grandes du monde, avec plus de 150 millions de références diverses et variées (livres, manuscrits, cartes, magazines, supports média…), dans différentes langues !
Du coup, quand vous rentrez après avoir montré qu’il n’y a pas de quoi faire une bombe dans votre sac, forcément, c’est… grand.
La BL est chargée du dépôt légal au Royaume-Uni, c’est-à-dire qu’elle reçoit une copie de chaque nouvelle publication dans le pays — environ 3 millions de références en plus chaque année. Ils s’amusent d’ailleurs à dire sur leur site qu’en consultant 5 ouvrages par jour, «
ça vous prendrait 80 000 ans de voir toute la collection ». Aha. Petits malins.
Il a beau avoir été inauguré seulement en 1973, le bâtiment renferme des documents très vieux, très précieux, et même très chers. Ce qui explique, un peu, qu’il soit aussi difficile d’accéder aux salles de lecture. L’ensemble du bâtiment est libre d’accès, des expositions temporaires et moins temporaires aux cafétérias… mais pour les salles de lecture, il faut UN PASS.
Pour avoir un pass, il faut déjà avoir une bonne raison de vouloir consulter un ou plusieurs ouvrages. Une thèse, des recherches prestigieusest, du journalisme… Et on va commencer par regarder si vous ne pouvez pas trouver vos références ailleurs (« Désolé, mais vos documents sont dans une autre bibliothèque ! »).
Ensuite, si vraiment on ne peut pas vous envoyer voir chez les Grecs si on y tricote des pagnes, on va vous demander quelques justificatifs et vérifications de votre casier judiciaire… Bon, ok, j’exagère un peu. Mais UN PEU.
Les mains propres, oui oui oui. Les ciseaux, non non non.
Cela dit, si je n’ai jamais pu fournir une raison valable pour obtenir le droit d’aller folâtrer parmi les grimoires de la BL, je me dis que ça doit être possible, puisqu’ils ont prévu de l’espace pour 1 200 lecteurs, et que c’est toujours plein. Plein de parvenus. Hmph.
« Bon, et à quoi ça sert d’aller voir ta bibliothèque, alors ? » : quelle impatience, fougueux lectorat ! Soit : si le bâtiment en lui-même ne vous a point impressionné-e-s, il vous reste ce qu’il propose pour les non-initiés.
Les trésors de la British Library
En bonne bibliothèque nationale, la BL propose régulièrement toutes sortes d’expositions, gratuites comme payantes, et dont le calendrier est en ligne. Au cas où il y aurait des amateurs de philatélie, une importante collection de timbres est en libre exposition permanente, et pour les amoureu-x-ses des vieux livres un brin masochistes, il y a la King’s Library.
La King’s Library, ce n’est jamais que la grosse tour de verre qui constitue le coeur de la bibliothèque sur ses trois étages, et qui contient quelque chose comme 65 000 ouvrages. Elle s’appelle la King’s Library parce que toutes les références (surtout du gros volume prestigieux) ont été réunies et posées là par Georges III au XVIIème siècle. Et vous n’y rentrez pas comme ça. Voire pas du tout. En fait. Désolée.
Mais ce qui constitue pour moi le clou de la visite, c’est l’exposition permanente Treasures of the British Library, située dans la Sir John Ritblat Gallery. L’entrée est gratuite, ouverte en permanence, et présente véritablement les plus beaux trésors de la bibliothèques, environ 200 ouvrages, cartes et autres documents historiques qui, pour peu que vous soyez un peu versé-e-s dans le domaine, vont vous faire baver.
Ils font un peu tourner les ouvrages en exposition, mais vous pouvez notamment y retrouver…
- deux copies datant de 1215 de la Magna Carta
- des manuscrits (et partitions) de Mozart, Bach, Shakespeare, Jane Austen…
- le Sutra du Diamant, plus vieux livre imprimé du monde
- le Ramayana, un ouvrage mythologie hindou datant du IIIème siècle avant J.-C.
- le manuscrit du poème Beowulf
- des carnets de Leonard de Vinci
…et encore suffisamment d’énormes grimoires, de tout petits ouvrages rares ou encore de tapisseries anciennes pour vous occuper une bonne heure. Voire plus selon votre amour pour les vieux livres et l’histoire.
Et puis, entre nous : la cafétéria juste à gauche en sortant de l’expo, elle est pas dégueu.
Alors, une visite parmi des siècles de livres qui se termine avec des muffins ou du carrot cake au tea time… Vous n’allez pas me faire croire qu’elle ne gère pas la fougère, la sortie touristique !
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