Salut. Cette semaine, semaine de l’enfer de la niaisitude saint-valentine, je vous propose de détruire ensemble le romantisme ambiant et de parler d’un truc drôlement technique, finalement : l’attraction amoureuse.
La formation du couple est souvent envisagée comme un accord commercial négocié, lors duquel nous chercherions à obtenir le meilleur deal (en l’occurrence le partenaire le plus désirable possible, en fonction de notre propre désirabilité). C’est par exemple sous cet angle qu’une coach de séduction M6 abusant de la terracotta a expliqué à un quinquagénaire un peu bedonnant que bon, vu qu’il n’est plus exactement le bel éphèbe d’il y a 20 ans, faudrait quand même qu’il revoie ses critères à la baisse – autrement dit, que les moches allaient avec les moches et les beaux avec les beaux. BEN VOYONS.
En vrai, comment ça se passe, l’attraction amoureuse ? Précédemment, nous avions déjà parlé ensemble des critères qui intervenaient dans nos choix de conjoint-e et des premiers moments de couples. Cette fois, nous centrerons les choses sur le processus d’attraction en lui-même.
Pour qu’une relation amoureuse naisse, il faut d’abord que deux personnes (ou plus, selon ce qui vous fait vibrer) se choisissent et souhaitent devenir des « partenaires amoureux ». Autrement dit, il faut que les partenaires aient un désir de relation – c’est-à-dire rencontrent quelqu’un et aient envie de s’en approcher un peu plus. Ce désir ne vient pas nécessairement d’un choix personnel ou conscient : quels éléments peuvent alors jouer dans l’attraction ?
La proximité augmenterait la probabilité de relation
Je le sais, vous le savez, Meetic galère un peu à contourner ça, mais nous avons statistiquement plus de chances de dégoter un-e partenaire dans les lieux que nous fréquentons régulièrement : la « proximité physique » augmenterait nos chances de relations amoureuses.
De fait, si vous êtes présent-e-s dans un même endroit pendant un certain temps, vous rencontrerez sans doute régulièrement les mêmes personnes. La proximité physique donnera donc un premier catalogue théorique de personnes disponibles pour une éventuelle relation, mais elle ne suffira pas : imaginons que chaque jour, dans l’entreprise Badaboum, vous croisez Truc-Muche au détour d’un couloir. Truc-Muche est alléchant-e comme un Dinausorus, mais vous n’avez aucune raison de lui parler.
Pour augmenter les chances de relation, il faudrait aussi une « proximité fonctionnelle » – autrement dit, il faudrait que vous ayez des raisons d’entrer régulièrement en contact avec Truc-Muche (auquel cas la probabilité que vous entamiez une relation augmente sérieusement). Dans une expérience menée dans les années 50, Festinger, Schachter et Back ont étudié les liens amicaux de résident-e-s d’une résidence universitaire et d’un ensemble immobilier. Selon leurs analyses, plus la distance physique ou fonctionnelle est petite, plus les individus pourront se croiser et plus ils auront de chances de devenir amis : cela signifie que vous avez plus de chances de devenir pote avec votre voisin-e direct-e (distance physique), et plus de chances de vous faire des ami-e-s si vous habitez un appartement situé à côté d’un escalier (distance fonctionnelle).
Évidemment, les normes sociales viennent aussi mettre leurs nez dans nos affaires amoureuses et vont contribuer à nous dicter qui est chouette pour nous et qui ne l’est pas – selon un statut socio-économique, selon des études, selon des âges, etc…
Finalement, pour que l’attraction arrive, il faudrait qu’une personne soit disponible géographiquement (c’est-à-dire présente dans notre environnement), accessible (c’est-à-dire que nous puissions entrer en contact avec elle) et éligible (c’est-à-dire non contre-indiqué par nos normes).
Du coup, si vous souhaitez pêcher un poisson qui se trouve hors de vos réseaux, vous allez peut-être mettre en place des stratégies pour le ou la faire entrer ces réseaux, afin de pouvoir établir une proximité avec elle.
Plus nous voyons quelqu’un, plus il nous est sympathique
C’est en tout cas le postulat de la théorie de la simple exposition créé par Zajonc. Dans une expérience menée par Moreland et Beach (1992), 4 étudiantes assistaient à un cours 0, 5, 10 ou 15 fois, sans entrer en interaction avec aucun-e autre étudiant-e présent-e. Les chercheurs-ses demandent aux autres étudiant-e-s assistant au même cours d’évaluer la personnalité des 4 étudiantes. BAM : les évaluations positives augmentent avec la fréquence d’exposition (plus les étudiantes ont assisté au cours, plus les étudiant-e-s les perçoivent comme attractives et similaires à eux). En fin de compte, une simple exposition (avoir vu quelqu’un sans interagir avec) pourrait intervenir dans l’attraction (le même effet est d’ailleurs constaté pour les candidats politiques durant les périodes électorales : celui qu’on voit ou entend le plus a de grandes chances de récolter le plus de voix – c’est pour cela qu’on donne à chacun-e le même temps d’exposition).
Ce phénomène pourrait notamment dû à un effet de familiarité : plus nous sommes exposés à quelqu’un, plus il nous est familier… Plus nous pourrons être attiré-e-s. Et l’effet de simple exposition fonctionne même si vous n’avez pas conscience de la familiarité (Monahan, Murphy et Zajonc, 2000).
Garder un troupeau aide à se connaître, c’est prouvé.
En fait, vous deviendrez plus facilement ami-e avec votre voisin de classe, ou entreprendrez une relation amoureuse avec quelqu’un de votre rue ou de votre job parce que vous le voyez plus souvent. Comme vous le voyez plus souvent, vous pourrez le trouver plus attractif – notamment parce que vous aurez plus de possibilité de vous découvrir des points communs. Mais ça, ça ne marche que si les interactions sont positives. On est bien d’accord : si votre voisin vous enquiquine ou est un vieux con, vous aurez des sentiments négatifs et il ne sera pas question d’attraction et de fricotage.
La similarité serait-elle séduisante ?
Si l’on pense que la personne nous ressemble, nous serions aussi plus attirés par elle (par exemple, de mon côté, à chaque fois que j’entrais dans une nouvelle classe, je cherchais les autres gaucher-e-s et ils me semblaient presque systématiquement plus sympatoches). La similarité peut être effective (la personne nous ressemble vraiment) ou perçue (on pense seulement qu’elle nous ressemble). Plus nos attitudes et valeurs seraient en accord avec les attitudes et valeurs de l’autre, plus l’attraction pourrait être forte. Dans une expérience, Byrne (1961) demandent à des étudiant-e-s de donner leurs opinions sur 26 thèmes. Quelques semaines plus tard, ils et elles reçoivent un questionnaire soi-disant rempli par un-e autre étudiant-e ; qui a soit les mêmes attitudes qu’eux, soit des attitudes opposées. Bingo : les étudiant-e-s préfèrent celles et ceux dont qui auraient les mêmes valeurs. Pour Byrne, il y a là un renforcement positif : si quelqu’un est du même avis que moi, ça valide ce que je pense et c’est gratifiant.
Si ces facteurs d’attraction sont essentiels, ils ne font pas tout. L’apparence physique aurait par exemple aussi un rôle à jouer – nous sommes facilement influencé-e-s par l’apparence extérieure des gens (même si cela ne signifie pas que seul cet aspect compte), nous en avons causé ici et là. Mais la question de l’apparence, selon Buss et Barnes (1986) influencerait plus nos choix pour une recherche de partenaires sexuels à court terme que pour une recherche de partenaire à long terme. Pfiou !
Autre facteur prédictif de l’attraction (et pas le plus simple…) : la réciprocité. Nous serions plus attiré-e-s par celles et ceux que nous pensons attiré-e-s par nous (un type intéressé est forcément intéressant, hé). En d’autres termes, nous aimons ceux qui nous aiment. L’effet pourrait être dû à plusieurs choses : par exemple, si autrui me kiffe, je peux penser que c’est parce qu’il m’évalue positivement, et ça, c’est plutôt valorisant pour moi. En plus, le fait qu’autrui ait une bonne opinion de moi, ça peut aussi influencer la façon dont je me vois et augmenter un peu l’estime que j’ai de moi-même. Reste que savoir qui est véritablement attiré par nous n’est pas forcément un truc facile ! Tu imagines ? Ce serait trop simple : je vibre pour Truc-Muche, alors Truc-Muche vibre pour moi ? JE NE PENSE PAS, NON.
Evidemment que les choses ne sont pas si simples, et qu’il ne suffit pas de remplir toutes les conditions de la check-list de l’attraction pour que l’attraction ait effectivement lieu. Comme dirait la grand-mère de ma copine Maitena, « Qu’est qu’il faut faire » ?
Pour aller plus loin :
- L’ouvrage « Psychologie Sociale » de Sylvain Delouvée
- Des ressources en supp. sur le site de l’ULB
- Un article de G.N. Fischer sur le concept de relation en psychologie sociale
Écoutez Laisse-moi kiffer, le podcast de recommandations culturelles de Madmoizelle.
Les Commentaires
Je te rassure Audrey mon copain avec qui je vis depuis 3 ans le GRAND amour était un parfait inconnu. On s'est parlé dans un bar par hasard sans se draguer (on était pas là pour ça), sans travailler dans le même domaine, sans venir du même coin, sans amis en commun, avec des passés et une éducation complètement différente! Mais on s'est aimé tout de suite.
Je trouve pas que cet article soit vraiment révélateur, tout ça est une question de hasard et forcément on devient pas meilleur ami avec les gens qu'on ne croise jamais! Et on va forcément s'entendre avec les gens avec qui on a un bon feeling. ..