— Cet article a été rédigé dans le cadre d’un partenariat avec Wild Bunch. Conformément à notre Manifeste, on y a écrit ce qu’on voulait.
On n’apprend pas leur nom dans les cours d’Histoire, ce qui m’a souvent laissé l’impression que les femmes en étaient cruellement absentes. J’ai retenu, au fil des ans, le nom des grands inventeurs, des grands peintres, des grands musiciens qui ont jalonné les évolutions techniques et artistiques au cours des siècles passés.
Mais à part Marie Curie, qu’on cite à toutes les sauces et qui baptise des rues, je suis souvent en peine lorsqu’il me faut citer d’autres grandes noms au féminin, et cela même lorsque je pense à des domaines pas estampillés « masculins », comme par exemple l’univers de la danse.
Ça, c’était avant que je découvre de très intéressantes lectures comme le Guide des métiers pour les petites filles qui ne veulent pas finir princesses, et bien sûr, les planches inspirantes des Culottées, par Pénélope Bagieu (dont le 1er tome vient de sortir en librairie !).
Loïe Fuller, jeune prodige des planches
Née en 1862 à Fullersburg, dans l’Illinois, Loïe Fuller intègre une troupe ambulante dès seize ans, et crée sa propre compagnie neuf ans plus tard. Elle n’était pas une danseuse classique : jamais formée en école, c’est dans les cirques et le burlesque qu’elle fait ses armes.
Comme beaucoup de grandes figures, l’histoire de Loïe Fuller commence par une légende, qu’on retrouve dans la plupart des biographies qui lui sont consacrées. Je ne sais pas si l’anecdote est vraie, mais je la trouve symptomatique des parcours de réussite, dans le sens où elle relate une résolution pragmatique, devenue innovation.
Je m’explique. Loïe a 29 ans, elle interprète le rôle d’une femme sous hypnose. Problème : son costume est un peu grand pour elle, et elle a peur de trébucher dedans. Solution ? La danseuse amplifie ses mouvements, pour le ravissement du public qui voit dans cette figure drapée de blanc une nouveauté féérique…
Loïe Fuller écrira dans ses mémoires, publiées en 1908, à propos de cette anecdote :
« J’allais créer une danse ! Comment n’y avais-je encore jamais pensé ? »
Loïe Fuller, inventrice de « la Danse Serpentine »
En 1892, Loïe Fuller présente à New York une création originale surprenante, la Danse Serpentine, capturée ci-dessous par les frères Lumière.
https://youtu.be/O8soP3ry9y0
Loïe n’a jamais été filmée : c’est une imitatrice que les frères Lumière ont immortalisée.
Dans le monde de la danse, c’est une révolution ! Ses costumes et les jeux de lumière sur scène font partie intégrante de son art, encore considéré comme du music-hall à ce moment.
Loïe Fuller essaiera de protéger son invention par le copyright, mais sa demande est invalidée par la justice américaine. La danseuse sera imitée, copiée, plagiée, et peu de crédit reviendra, au final, à celle qui aura révolutionné son art.
Loïe Fuller, Paris et ses amantes
Mariée à 27 avec un riche agent immobilier, la jeune artiste s’en sépare en portant plainte pour bigamie trois ans plus tard, lorsqu’elle découvre qu’il était déjà marié…
Cette union était potentiellement vouée à l’échec dès le départ : Loïe Fuller aimait les femmes, et ce n’était un secret pour personne. En arrivant à Paris en 1892, elle fréquente intimement la féministe et peintre Louise Abbéma. « The Great Lady », comme elle était surnommée, introduit la jeune Américaine dans les milieux parisiens.
Notons également sa relation de presque trente ans avec une de ses admiratrices, Gabrielle Bloch, dite « Gab », devenue ensuite son associée !
C’est sur ce point que le film que lui consacre la réalisatrice Stéphanie Di Giusto prend le plus de libertés, en introduisant dans la vie de Loïe Fuller un personnage masculin n’ayant jamais existé, et en se contentant de suggérer l’attirance homosexuelle de la danseuse.
Loïe Fuller, de « sorcière » à Fée des lumières
En matière d’expérimentation, Loïe Fuller ne se limitait pas à la danse. Proche des Curie, la danseuse s’intéresse de près aux rayons ultra violets. Elle va jusqu’à installer un laboratoire chez elle, ce qui ne passe pas inaperçu, comme elle le souligne dans ses Mémoires :
« Ça fait sensation dans le voisinage… Les gens m’appellent la sorcière. »
La danseuse joue avec les lumières pour ajouter des effets à ses chorégraphies. Elle déposera plusieurs brevets pour protéger ses innovations scéniques, comme par exemple pour des sels phosphorescents appliqués sur ses costumes.
C’est ainsi qu’elle fut surnommée « Fée des Lumières ».
Loïe Fuller s’éteint à l’âge de 65 ans, des suites d’une pneumonie. Elle laisse derrière elle un héritage artistique révolutionnaire. Il était grand temps qu’on le lui rende.
Pour aller plus loin
Si vous souhaitez en savoir plus sur Loïe Fuller, voici les sources dont cet article s’est inspiré :
- Quand la Fée lumière rencontra les « magiciens » du radium… du musée Curie
- Loïe Fuller, danseuse de la Belle Epoque par Carnets de Sel
- Loïe Fuller (1862-1928) – La Fée Lumière par Chaussons verts
- Loïe Fuller, incarnation du symbolisme sur la scène sur L’Histoire par l’image
Et si le film que vous alliez voir ce soir était une bouse ? Chaque semaine, Kalindi Ramphul vous offre son avis sur LE film à voir (ou pas) dans l’émission Le seul avis qui compte.
Les Commentaires
Euh, mais même si je suis d'accord avec vous toustes, le personnage masculin prend beaucoup trop de place par rapport à la vraie vie de Fuller, mais il a pas été complètement inventé puisqu'il doit sûrement s'inspirer du vrai mari qui a financé une tournée? Enfin bon, même si c'est un peu tiré du réel, je trouve ça super triste et énervant qu'il prenne autant de place, et qu'on voit à peine le fait que Loïe n'était pas hétéro/lesbienne.
[Je suis désolée, j'essaie de faire un commentaire utile, mais j'y arrive pas, je suis fatiguée]