D’ordinaire, l’orphelinat de Saint Cloud’s dans le Maine est un lieu de passage : pour les enfants qui y naissent, les femmes qui y accouchent et celles qui y avortent. Les seuls à rester indéfiniment à Saint Cloud’s, ce sont les personnes qui y travaillent, le docteur Larch en premier. Egalement directeur de l’orphelinat, il fait presque figure de saint auprès des infirmières, soulageant dans l’illégalité bien des femmes désespérées et mettant au monde orphelin après orphelin.
Lieu de passage, sauf pour Homer Wells, orphelin impossible à placer : après quatre tentatives d’adoption peu concluantes, il reste donc à Saint Cloud’s. Des années, il dort dans ce dortoir pour garçons, il les voit partir, mourir parfois, il observe les allées et venues de femmes qui ne semblent pas toutes enceintes, il hante les couloirs froids. Larch, en bon utilitariste, décide de lui confier des tâches de plus en plus importantes, de vider les poubelles jusqu’à l’assister dans les accouchements (l’œuvre de Dieu) et avortements (l’œuvre du Diable), en passant par lire David Copperfield ou Jane Eyre aux mômes.
Entre les deux hommes se tissent tranquillement des liens profonds. Larch étouffe ses sentiments paternels dans l’éther tandis qu’Homer ne désespère pas de partir un jour. Mais s’il part, saura-t-il s’adapter ? Et surtout, reviendra-t-il ?
John Irving entraîne le lecteur au long d’un demi-siècle et les plonge brillamment au cœur du destin d’Homer Wells. Ce n’est plus un roman, c’est une fresque : multitude des personnages, fils du récit qui s’entrecroisent, importance des thèmes abordés. Irving recréée le monde agricole américain, ses valeurs, ses réalités difficiles. Au second plan, un plaidoyer en faveur du droit à l’avortement, interdit à l’époque, et le spectre de la « guerre d’Europe », qui progressivement devient une guerre mondiale – la seconde.
– L’oeuvre de Dieu, la part du Diable, de John Irving, aux éditions du Seuil (Points)
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