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Féminisme

Loana du Loft, la patiente zéro de la misogynie dans la télé-réalité

Il y a vingt ans, Loana était la star de Loft Story 1. Elle fut la première, mais malheureusement pas la dernière candidate de télé-réalité française à subir de plein fouet le sexisme des producteurs, du public et des médias.

Le sexisme et la téléréalité fonctionnent main dans la main pour produire les images de jeunes femmes en maillots de bain qui envahissent nos écrans au fil des saisons. Depuis vingt ans, les corps féminins se dénudent et imposent leurs normes par leur présence obsédante : la candidate idéale de téléréalité est jeune, mince, blanche.

La misogynie de la télé-réalité, un sujet encore peu exploré

La profonde misogynie sur laquelle reposent ces programmes ne fait étonnamment pas partie des critiques courantes adressées à la téléréalité. Il est en effet plus souvent question de la scénarisation, de l’argent gagné par les candidats et candidates ou des conditions de tournage.

On se souvient par exemple de la vidéo marquante de Morgane Enselme, publiée sur Youtube au début de l’année 2019 : l’ancienne candidate de Secret Story avait profité de la fin de son contrat de confidentialité pour raconter les conditions de tournage déplorables qu’elle avait subies au moment de la diffusion du programme.

Mais qu’en est-il de la misogynie et de ses injonctions que les candidates subissent et auxquelles elles se soumettent ? Qui sont ces femmes qui acceptent de se voir réduire au statut de femmes-objets, en échange de quelques mois ou quelques années de célébrité ?

Pour comprendre à la fois les ressorts de ce système médiatique qui lie exposition et misogynie et le profil des femmes qui s’y conforment, il peut être utile de revenir à un temps que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaître : celui de la première saison de Loft Story.

Loana, la première victime de la misogynie dans la télé-réalité française

Tout le monde a vu, en direct ou en rediffusion, Loana et Jean-Edouard avoir une relation sexuelle dans la piscine du Loft.

Alors que Jean-Edouard a pu faire carrière – il est maintenant DJ et acteur – sans que cette partie de jambes en l’air ne le poursuive, Loana reste à jamais, dans l’imaginaire collectif, marquée par cet épisode.

C’est un fait qui excède le milieu de la téléréalité : la sexualité est bien plus stigmatisante pour les femmes que pour les hommes. Moins visible que cette triste évidence, l’extrême violence misogyne qui s’abat sur les candidates de téléréalité, et en premier lieu, sur Loana — précisément le récit que Sexisme Story permet de raconter.

Sexisme Story, le livre sur Loana à ne pas rater

Sexisme Story paraît le 4 février 2021 aux éditions du Seuil. Son auteur, Paul Sanfourche, a voulu y raconter l’histoire personnelle et médiatique de Loana, l’inoubliable candidate de la première émission de téléréalité diffusée en France.

Avec la principale intéressée, à l’aide de témoignages de ses proches et des deux autobiographies qu’elle a écrites (Elle m’appelait… miette en 2001 et Si dure est la nuit, si tendre est la vie en 2018), l’auteur retrace la vie de la candidate du Loft, et agrémente son récit d’une réflexion sur la misogynie qui la poursuit depuis toujours.

Paul Sanfourche a 16 ans en 2001 quand lui parviennent les images du Loft, et la fameuse scène d’érotisme dans la piscine. Comme tant d’adolescents, il fantasme sur cette blonde sexy. Il grandit accompagné des titres de la presse à scandales — Loana vit alors une « descente aux enfers » dont la presse se délecte : alcool, drogues, tentatives de suicide

Mais dans le même temps, Paul évolue, se renseigne, et est sensibilisé aux pensées féministes. Alors qu’il lit On ne naît pas grosse de Gabrielle Deydier

(qui a récemment fait l’objet d’une adaptation sur France 2), il tombe sur ces mots :

« Quand elle était dans le Loft, elle était la risée de tous car elle était le cliché de la bimbo, surfaite, etc. Elle tombe dans l’enfer de la drogue, l’alcool, la dépression. À 120 kilos, elle est toujours la risée. […] Nous, les femmes, on ne peut jamais gagner : bimbo on perd, grosse on perd. »

Le projet de Sexisme Story est né : Paul Sanfourche va enquêter, et expliquer le parcours de Loana à la lumière des données théoriques et sociologiques du féminisme. Car la sociologie décrit la réalité bien avant l’exposition médiatique.

Dès l’enfance, Loana subit en effet la violence physique et verbale de son père. Quand sa mère prend la fuite, elle se voit imposer les tâches ménagères du foyer.

« Alors qu’elle est enfant, Loana s’imprègne d’une représentation du monde où le rôle des femmes est insidieusement circonscrit. »

L’auteur retrace ensuite les innombrables violences subies par l’ancienne candidate de téléréalité, la stigmatisation et les moqueries du public, le harcèlement des journalistes, les violences conjugales. Sexisme Story est doublement passionnant : il constitue à la fois le récit poignant et éclairé du parcours de Loana, et une porte d’entrée privilégiée vers la pensée féministe et les données sociologiques qu’elle produit.

Sexisme Story, en précommande à la Fnac et dès le 4 février en librairies
Sexisme Story, en précommande à la Fnac et dès le 4 février en librairies

Le sexisme dans la télé-réalité, ça continue, 20 ans après Loft Story

On aimerait que Sexisme Story témoigne d’un temps révolu, mais il n’en est rien. Et une affaire toute récente permet de souligner à quel point le sexisme de la téléréalité est toujours aussi frappant.

Rappelons rapidement les faits, pour celles qui préfèrent la lecture au petit écran – on ne juge personne !

La huitième saison des Princes et princesses de l’amour est actuellement diffusée sur W9. Cette émission propose à des candidats et candidates de téléréalité de rencontrer des prétendants ou prétendantes, dans l’espoir de trouver leur âme sœur.

Dans l’attente d’être présentés aux cœurs à prendre, les candidats et candidates vivent ensemble dans une maison, où ils sont filmés six jours sur sept. C’est dans cette villa que se sont retrouvés Bastien « Bastos » Grimal et Kellyn Sun.

Lors d’un petit-déjeuner sous l’œil des caméras, Bastos a annoncé avoir eu des relations sexuelles avec Kellyn avant d’intégrer la maison – les candidats ont été confinés dans un hôtel avant de rejoindre le tournage. Sans respecter le souhait de la candidate de garder cette relation privée, il s’est ainsi permis d’exposer son intimité au grand jour.

Évidemment, Kellyn a été éliminée du programme, pour n’en avoir pas respecté les règles. Bastos, lui, ne s’est pas vu inquiété, et continue paisiblement son aventure, au prétexte qu’il aurait eu la « sincérité » d’avouer sa faute, alors que sa partenaire non.

De l’hôtel des Princes à la piscine du Loft, il n’y a qu’un pas : cette relation n’est humiliante que pour l’une des deux parties, et la sexualité est toujours plus stigmatisante pour les femmes que pour les hommes.

Le livre de Paul Sanfourche permet de prendre de la hauteur sur ces images qui nous parviennent, et de s’éloigner du jugement et de la critique pour prendre le temps de comprendre que les candidates sont les premières victimes d’un système particulièrement oppressif.

Alix des Princes et princesses de l’amour et Morgane Enselme parlent de télé-réalité

Pour aller plus loin, retrouvez le replay de notre échange avec Alix, des Princes et princesses de l’amour, au sujet des modèles que la télé-réalité offre aux jeunes femmes ! Et abonnez-vous gratuitement à notre chaîne Twitch pour ne rater aucune future émission.

https://player.twitch.tv/?video=873696940&parent=www.madmoizelle.com

À lire aussi : Faut-il être un homme au comportement toxique pour réussir dans la télé-réalité ?


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Les Commentaires

10
Avatar de Aichathegypsy
13 février 2021 à 20h02
Aichathegypsy
J'ai acheté le livre, il ne manque plus qu'à le lire. Loana est vraiment le symbole du dégât causé par la télé-réalité, tout comme le défunt FX , côté masculin.
J'avais dix ans lorsque Loft Story était sortie à la télévision et j'avoue, je l'ai regardé ( je sais personne n'est parfait) et le Slut Shaming que Loana avait subi ,suite à l'affaire de la piscine alors que Jean-Edouard n'a pas été calomnié.
J'ai été choqué lorsque le changement de poids de Loana a été connu . Après le slut Shaming, la grossophobie. Je n'ai jamais compris le rejet et les moqueries à l'encontre de Loana. Elle m'a toujours paru comme quelqu'un d'agréable . Un ami de mes parents l'avait rencontré dans le restaurant où il travaillait et elle était sympa.
Par contre, je ne comprends toujours pas pourquoi la téléréalité est toujours diffusée à une heure où les mineurs peuvent la visionner. Les mecs sont toxiques, les femmes , de même avec en plus le rôle de femme-objet. De même, j'ai l'impression qu'il y a également une incitation au harcèlement. L' autrice de l'article a parlé de la vidéo de Morgane. Celle-ci a subi du harcèlement de la part des autres candidats de sa saison de Secret Story.
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