Les Vacances, de la Comtesse de Ségur
Bon, posé comme ça, ça envoie pas du pâté, comme on dit. Mais ce roman a une place particulière dans mon petit cœur de lectrice : je pense que c’est le premier dans lequel je me suis vraiment impliquée au niveau émotionnel. J’avais lu les deux précédents tomes, mais je ne les avais guère appréciés : les petites bêtises d’une fille de cinq ans que je jugeais particulièrement idiote et cruelle, ça ne me faisait pas palpiter, même en CE2. Les Vacances, c’était… autre chose.
Ce roman avait le goût de mes vacances, celles que je passais avec mes cousins à jouer toute la journée, mais les vacances de Sophie, elles, avaient quand même un petit zeste d’aventure en plus et, last but not least, elles se déroulaient dans un temps un peu lointain, un peu fantasmé, avec des manoirs et des belles robes. Alors, forcément…
J’ai pas mal relu Les Vacances, plusieurs été de suite, pour les passages les plus palpitants comme pour les simples dialogues enfantins. J’avais un énorme crush pour Jean (mon tout premier fantasme, eh oui), Jacques me faisait marrer, j’applaudissais Léon des deux mains lorsqu’il délaissait un peu sa peau de Joffrey en herbe et j’ai versé une petite larme à la mort de Mme Fuchini. J’ai aussi découvert le plaisir de ce petit chapitre de conclusion qui fait quelques bonds dans le futur pour t’expliquer comment les personnages ont évolué : quand tu t’es senti•e aussi connecté avec ces gamins, ça fait plaisir d’avoir de leurs nouvelles !
Quand je relis ce roman avec l’œil plus critique de la vingtaine, bien sûr, les failles apparaissent au grand jour : une vision paternaliste du colonialisme (le roman a été écrit en 1859, hein), une morale prégnante… Mais il a toujours ce petit goût d’enfance, lorsque tu as les yeux grands ouverts sur le monde et que ton principal objectif dans la vie, c’est d’avoir une cabane, une vraie.
La trilogie du Vent de feu, de William Nicholson
Ça a été mon deuxième choc littéraire, celui par lequel j’ai été présentée au bonheur des suites, trilogie, quadralogie, sexologie, septualogie (cherchez l’intrus).
Le premier tome était bien, sans être transcendant, mais les deux suivants furent une explosion d’émotions fortes. Cette trilogie raconte l’histoire d’une famille banale, dans un monde assez différent du nôtre, qui va vivre un destin hors du commun en cherchant à se libérer des différents pouvoirs qui l’oppressent. Sans fards, la saga aborde des questions aussi diverses que la mort, le système dictatorial, l’esclavage, la liberté individuelle, le mysticisme, la trahison, la différence, les relations familiales, le passage de l’enfance à l’adolescence puis à l’âge adulte… Oui, je sais, ça fait beaucoup à se prendre dans la gueule quand t’as que douze ans et que toutes les histoires que tu as lu jusqu’alors finissaient en happy ending !
Là il y a des morts, même parmi les personnages principaux, et les héros sont loin d’être toujours sympathiques dans un monde où la loi du plus fort est reine. Ça a été mon premier roman qui contournait l’écueil du « Y a les gentils, y a les méchants », et il est tellement riche, tellement complexe que je le relis encore aujourd’hui grâce à une formidable amie qui m’a offert la trilogie pour mon vingtième anniversaire.
Bref, je voudrais tellement vous en dire plus, mais je vous gâcherais le plaisir, alors… foncez !
L’Odyssée, d’Homère
C’est loin d’être le livre qui m’a le plus chamboulée… même si je l’ai souhaité très fort. J’étais tellement imprégnée de mythologie que j’aurais voulu accrocher tout de suite, avoir une révélation mystique. Mais faut avouer que L’Odyssée, c’est quand même d’un autre âge : y a un style très particulier, tu ne comprends pas toutes les références, c’est trop lent ou trop rapide…
En définitive, c’est cela qui a fini par me séduire. Pour une fois, je devais faire l’effort de rompre la facilité, de me détacher des schémas narratifs auxquels j’étais habituée pour essayer de comprendre ce que l’on devait éprouver il y a plus de mille ans.
Au-delà de ça, il y a tout ce même une prise de conscience devant L’Odyssée : c’est LE livre de notre imaginaire collectif occidental par excellence. Tu le connais sans l’avoir jamais lu, c’est le mythe, le roman à la base de tous les autres romans, l’histoire éternelle (oui, comme dans la Belle et la Bête), celle qui dès l’origine aborde les thèmes d’Eros et Tanathos, d’Autrui, du Soi … J’ai aussi particulièrement aimé le style de ce sacré Homère, qui ne se départit jamais d’une certaine poésie et passe son temps à exalter la fonction de conteur.
Et au delà de toutes ces réflexions philosophico-littéraires, finissons sur une note sérieuse : Ulysse, il quand même sacrément sexy.
Le Nom de la Rose, d’Umberto Eco
Mon prof d’histoire médiévale se plaisait souvent à évoquer Kaamelott et Umberto Eco. Connaissant les références de la série télévisée, je me suis dit qu’il serait bon que je lise ce pavé dont j’entendais si souvent parler. Une amie de prépa l’avait commencé dans le train, avait lu dix pages et abandonné : Le Nom de la Rose s’ouvre sur des réflexions philosophico-mystico-religieuses durant une bonne dizaine de pages, qui ont de quoi rebuter même les petits chartistes. Je me suis décidée à faire fi de ces premières difficultés, à accepter de ne pas tout comprendre… Et j’ai bien fait !
Pour la grande fan d’histoire médiévale que je suis, Le Nom de la Rose est une perle. Une vraie perle. Au milieu des délires du jeune novice Adso de Melk, qui se fait le scribe de cette histoire, on assiste à l’enquête d’un Sherlock médiéval de génie, Guillaume de Baskerville, moine philosophe éclairé et libéral qui redore l’image d’une Église aux dérives frappantes. Guillaume de Baskerville, c’est la face lumineuse du Moyen Âge occidental — un Moyen Âge lettré, ouvert sur le monde et les avancées scientifiques, un Moyen Âge qui tente de concilier foi et raison et ne se veut jamais moralisateur. Enfin, le dénouement est une véritable apothéose et vaut le détour à lui seul.
D’un point de vue plus personnel, Le Nom de la Rose était complètement en phase avec mes révisions de concours, ce qui me faisait beaucoup sourire vu que je comprenais à peu près toutes les références aux personnages historiques et à leurs débats.
Si la lecture vous déroute – ce que je comprend tout à fait, c’est quand même un roman difficile — l’adaptation cinématographique est vraiment bonne et ne dénature pas le livre, loin de là : elle peut donc s’avérer un bon compromis !
La Horde du Contrevent, d’Alain Damasio
Attention chef-d’œuvre. Ce livre de science-fiction a été une grosse claque dans ma gueule alors que je m’étais convaincue que ce genre n’était pas pour moi.
La Horde du Contrevent, c’est donc l’histoire d’une horde, c’est-à-dire d’un groupe d’aventuriers, évoluant dans un monde balayé par les vents. Ils avancent contre les rafales dans le but de trouver leur point d’origine.. Chaque chapitre est raconté par un personnage différent, uniquement désigné par un symbole en début de paragraphe : les dix premières pages, on est complètement paumé, on ne comprend ni ce qu’il se passe ni qui parle, mais il faut résister à la tentation de lâcher le livre car une fois qu’on est embarqué, ce n’est qu’une suite de petites merveilles.
Damasio a un style proprement extraordinaire, qui rend quasi-impossible toute traduction : il passe son temps à faire des néologismes et à s’appuyer sur les sonorités de la langue française pour construire son récit. Parfois, sur une page, la moitié des termes que l’on lit nous sont inconnus mais l’auteur sait si bien jouer de leur capacité d’évocation que l’on comprend tout. Damasio est un vrai troubadour moderne, qui passe son temps à jouer avec les mots. Et voir ce jeu se dérouler tout au long du livre, voir que le langage est mis au centre même de l’écriture… C’est à la fois déroutant et exceptionnel.
L’autre point fort de ce roman, ce sont ces personnages, tous plus complexes les uns que les autres ; très vite, on les connaît si bien qu’on a l’impression d’avoir côtoyé la Horde depuis toujours. L’auteur ne tombe jamais dans le manichéisme, les personnages sont autant des héros que des anti-héros et les voir progresser dans une quête visiblement sans fin les rend terriblement proche de nous, comme une immense métaphore de la vie (oui, je philosophe pas mal quand un livre m’emballe).
Bref, La Horde du Contrevent est à découvrir d’urgence !
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Les Commentaires
C'est le livre qui m'a fait trouver la réponse à la question "si vous ne deviez choisir qu'un livre, lequel serait-ce ?".
Avant je ne savais jamais quoi répondre, j'aimais trop de livres et je n'arrivais pas à choisir.
Maintenant, pas besoin de réflexion => La Horde du Contrevent.
MEILLEUR LIVRE DE LA (MA) VIE.