Clara et la Pénombre, de José Carlos Somoza
Pénétrer dans l’univers de José Carlos Somoza c’est abandonner ses conventions pour un monde dépaysant, ici une atmosphère glauque et pourtant d’une beauté saisissante, envoûtante. Le thriller paraît classique au premier abord mais le registre est nouveau, étonnant.
Clara et la pénombre se déroule dans un futur proche (le livre publié en 2003 relate des évènements qui ont lieu en 2006) et le domaine de l’art a connu une stupéfiante révolution. L’art hyperdramatique domine alors le marché mais aussi la société dans sa globalité.
Les toiles sont désormais des êtres humains totalement dépouillés d’humanité, à la merci des artistes qui les façonnent et les utilisent au gré de leurs envies. Œuvres d’art ou simples objets décoratifs, ils peuvent se métamorphoser en bien des choses — lampe, table ou fauteuil. Entre perversion et fascination, l’homme devient le matériau le plus prisé.
L’enquête policière qui rythme le récit ne constitue donc pas la grandeur du roman, celle-ci est plutôt due à l’immersion totale que nous offre l’auteur dans un monde décalé aux règles et aux normes spécifiques. Mariant divertissement et réflexion, Clara et la pénombre n’est que mouvement, questionnement, ondulation des corps et grâce.
L’élégance du hérisson, de Muriel Barbery
C’est un peu LE Livre, avec un grand L. Celui que je suis sûre de ne jamais oublier.
Ici on alterne entre le récit d’une concierge de 57 ans et celui d’une adolescente de 12 ans, habitant dans le même immeuble. On pourrait penser que tout les oppose, mais petit à petit on s’aperçoit que des choses concordent et que l’une et l’autre DOIVENT se rencontrer. Se crée alors un improbable duo…
D’une rare subtilité et d’un humour peu commun, l’histoire est magnifique de drôlerie et de réflexions sur la vie. Bon, peut être un peu dure à aborder parfois — la concierge est en fait une grande intellectuelle refoulée qui se fait passer pour une abrutie finie afin qu’on la laisse en paix, elle nous livre ses pensées, parfois philosophiques et complexes.
Enfin, sans vouloir en gâcher le plaisir, ce livre est aussi d’une grande tristesse. Passer du rire aux larmes, vous voyez le genre ? Mais toujours en finesse et avec une rare beauté. J’en profite pour signaler que… je n’ai jamais osé regarder le film qui en a été tiré. J’ai peur que mon cœur n’y survive pas.
Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, d’Harper Lee
Un grand classique de la littérature me direz-vous ! Et surtout une petite perle. Un récit qui m’a émue et m’a tenue en haleine toute une nuit (oui ces fameuses nuits où après avoir commencé un roman on ne peut s’empêcher de veiller jusqu’au petit jour pour le finir malgré les yeux qui piquent et pleurent de fatigue).
Le texte aborde un sujet délicat, la ségrégation, mais avec les mots et les pensées d’une petite fille de huit ans, qui nous narre l’histoire de son point de vue, et nous raconte en quoi consiste son quotidien en ces années 30 en Alabama.
L’injustice et la cruauté sont traitées avec l’insouciance et l’incompréhension qu’un enfant de cet âge possède, ce qui rend le livre encore plus touchant. L’époque paraît plutôt lointaine, à des années-lumières de notre société actuelle, pourrait-on penser…Et pourtant, la « morale » n’en est pas moins universelle et actuelle.
Ce que le jour doit à la nuit, de Yasmina Khadra
Ok, on pourrait penser que je suis facilement bouleversée par les livres — en même temps c’est normal de choisir ceux qui m’ont le plus marquée. Mais quand même.
Yasmina Khadra est pour moi un auteur hors du commun. Ce que le jour doit à la nuit raconte avec justesse l’Algérie des années 30, on y découvre la beauté d’un pays parfois trop stigmatisé et on suit le temps du récit les aventures du jeune Younes, rebaptisé Jonas, qui affronte la vie, ses duretés, ses histoires d’amour, d’amitié et les sacrifices que celle-ci exige parfois.
Tout cela sur fond de révolution et de rébellion coloniale : on assiste à la mise à mort d’un pays qui crie à l’injustice. C’est le déchaînement de la violence, une nouvelle ère d’incompréhension qui se lève. Les liens se déchirent, les vies se brisent.
Et notre héros est là, spectateur meurtri, à la fois ici et ailleurs. Les mots touchent avec beauté et exactitude, on s’y projette, on ressent, et on n’en sort pas indemne. Une de mes plus belles découvertes littéraires !
Le portrait de Dorian Gray, d’Oscar Wilde
La féministe qui sommeille en moi ne se remet toujours pas d’aimer à ce point Oscar Wilde. Et pourtant je dévore avec plaisir ses œuvres et sa morale, bien que légère, me plaît et me charme. Sa pensée est une critique juste de la société de l’époque, où cependant les femmes sont si mal traitées. Si ce cher Oscar était encore en vie, je lui montrerais avec plaisir de quelle trempe sont les femmes de notre époque. Non mais.
Le portrait de Dorian Gray est un roman écrit dans le contexte de l’époque victorienne et on y trouve des thèmes tels que l’esthétique, l’art, la beauté, la jeunesse et sa fougue, la morale et l’hédonisme. Une pointe de fantastique aussi, puisqu’on est confronté-e-s à un portrait… magique. Oui oui oui. Un portrait qui refléterait notre âme. Mais je n’en dis pas plus !
En bref, on plonge dans un univers de perversion et de plaisir, qui n’est pas dénué de réflexion cependant. Les notions de bien et de mal se battent farouchement. Avec un style inégalable, et des phrases toujours pleines d’esprit, Wilde nous offre dans son unique roman un récit délicieux et dramatique qui devrait plaire à beaucoup !
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