Ils vous ont marquées, inspirées, exaltées. Ils sont le terreau dans lequel vous venez puiser la plupart de vos références d’aujourd’hui. Ils ont posé les jalons de votre lecture de la société et forment votre paradigme de pensée – en latence, parfois sans même que vous ne vous en rendiez compte. Ils sont : ces livres qui vous ont éduquées, ceux qui vous ont fait grandir, ceux qui vous ont fait « maturer » votre façon d’appréhender le monde qui nous entoure.
Après le papier « Ces livres qui ont marqué mon enfance » de Sophie Pierre-Pernaut, voici quelques uns des livres qui ont marqué mon adolescence. Près de 10 ans après les avoir lu, je reconnais l’influence qu’ils ont sur moi, sur ma personne et sur ma façon de comprendre notre époque. Et vous, quels sont les vôtres ?
Celui qui m’a permis de poser des mots sur l’aliénation de la société de consommation
Dans la Société du Spectacle, Guy Debord avance l’idée que le concept de marchandise aliène nos modes de vie. Le « spectacle » est le stade achevé du capitalisme, la partie visible de l’iceberg : il s’agit de la vision unique de la vie que l’hégémonie économique arrive à légitimer auprès de nous.
=> C’est le livre que je cite le plus quand j’ai à parler de la propagande de l’emprise du capital sur nos vies. « Le spectacle n’est pas un ensemble d’images, mais un rapport social entre des personnes, médiatisé par des images. » Cet essai, je ne cesse de le re-découvrir à chaque fois que je le lis à nouveau.
Celui qui m’a initié au scepticisme face aux médias
Vous connaissez au moins ce livre parce qu’il a inspiré le film éponyme
(que je vous recommande d’aller voir) sorti cette année. Les Nouveaux chiens de garde explique en quoi la télé gagne à nous vendre l’illusion de débats subversifs et non-contrôlés tandis qu’en réalité l’exact inverse se passe sur les plateaux télé : connivence et amitiés ne font que s’y perpétrer.
=> À chaque débat télévisé que je regarde : j’y pense et je souris.
Celui qui m’a introduite à un idéal de société
J’avais 16 ans quand j’ai lu Le Manifeste du Parti Communiste. Ce livre m’avait exalté : moins pour le projet de révolution qu’il suggérait (notre XXIe siècle m’avait déjà dégraissé de toute utopie) que pour l’excellente analyse de notre société (divisée entre les cols blancs et les cols bleus) qu’il met en avant.
=> Beaucoup des notions distillées dans ce manifeste me parlent encore et je suis en faveur d’une ré-activation des terminologies usitées par Marx. Capitalisme au lieu de libéralisme, moyens de production au lieu de ressources, main d’oeuvre au lieu de salariés, classe dirigeante au lieu de patrons – car à trop édulcorer nos mots pour décrire le système économique, c’est la bien-pensance qui bouffe notre capacité à nous révolter.
Celui qui m’a expliqué « la violence symbolique »
Les hiérarchies sociales cherchent à se reproduire. Bourdieu explique que le milieu dans lequel on grandit est à ce point important dans nos trajectoires personnelles que même l’école (et son défi républicain d’égalité des chances) ne parvient pas à amplement « remettre les compteurs à zéro ». Les inégalités seraient donc structurelles, et vouées à se reproduire. C’est l’habitus, autrement dit le phénomène par lequel un individu, qui a été socialisé dans un certain monde social, en conserve les dispositions.
=> À ce propos, l’exemple de Don Quichotte est éloquent. Chevalier dans un monde où il n’y a plus de chevalerie, et inapte à faire face à l’effondrement de son univers, il en vient à chasser les moulins à vent qu’il prend pour d’immenses tyrans. L’Habitus de Bourdieu prend également sens quand on parle de la crise des banlieues (où quand grandir exclu des faubourgs de la ville est plus prégnant qu’étudier Molière à l’école, assis à côté d’enfants dont les parents vont vraiment voir L’Illusion Comique au théâtre).
Et vous, quels sont les livres politiques / essais philosophiques qui vous ont le plus marqué ?
Écoutez Laisse-moi kiffer, le podcast de recommandations culturelles de Madmoizelle.
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