Cette semaine, on suit dans l’album Little man d’Antoine Guilloppé la trace de Cassius, enfant réfugié qui s’élance à la découverte de la ville de New York.
De l’autre côté de la grille, Cassius fait un rêve. Ce rêve, c’est celui de courir de l’autre côté du pont, là où les lumières de la ville éblouissent, là où on se sent libre. En pleine calvacade dans les rues de New York, Cassius ne craint plus rien ni personne, et s’émerveille devant l’architecture titanesque de la ville. Il souhaite s’y perdre, s’y fondre, et s’y faire oublier.
L’arrachant à sa rêverie, une main se pose sur son épaule, et quelqu’un lui glisse ces quelques mots :
« Viens mon fils. Ce soir c’est ton anniversaire, nous allons traverser le pont. »
Le livre se referme alors sur trois silhouettes qui se dessinent sur le chemin menant à la ville qui s’étend devant eux.
Quelques mots posés au fil des pages suffisent à écrire une grande histoire. Celle d’un enfant ayant fui son pays en guerre, ayant fui le danger, la peur, la mort. Celle aussi d’un enfant noir, isolé à l’autre bout du pont, derrière une grille, brimé. Celle encore d’un enfant qui se plaît à se dissimuler derrière l’immensité de la ville de New York, à se dérober à la vue des adultes malveillants, et à devenir invisible… mais bien vivant.
Celle enfin d’un enfant qui, loin de son pays d’origine, continue pourtant d’être persécuté. Il se plaît à rêver, si près du but, de cette Liberté protectrice, presque maternelle, qui semble lui tendre les bras.
Mais ces histoires que je vous présente, ce sont celles que j’interprète. Dans Little Man
, chaque lecteur, jeune ou plus vieux, selon sa sensibilité, trouvera le sens qu’il voudra donner au livre, et c’est bien ce qui lui confère toute sa valeur.
Comment ne pas vous parler avec un enthousiasme non dissimulé des illustrations spectaculaires de l’album ? Pour commencer, il y a ces images, de deux ou trois couleurs au plus, souvent en noir et blanc, qui jouent avec la lumière et font alterner des pages d’une intense luminosité à d’autres plus sombres, plus graves.
Et il y a ces dentelles de papier, des découpes d’une précision incroyable, figurant la ville de New York et des moments de la vie du jeune garçon. Comme Cassius, on se perd dans la contemplation de chaque détail, et on se sent tout, tout petit devant ces buildings new-yorkais qui s’élèvent devant nos yeux.
On pourrait être tenté de dire que Little Man est un album sur le rêve américain, sur les réfugiés de guerre ou sur la ségrégation. Mais ce serait simplifier un livre bien plus profond qui grâce à sa dimension implicite suscite l’interrogation, l’échange, et s’ouvre à de multiples interprétations.
Tout en nuances donc, on suit la course effrénée de Cassius à travers la ville, à bout de souffle, alors que le silence de ce texte très court est saisissant. Little Man remue, et fait naître une palette d’émotions avec beaucoup de délicatesse. Bref, pour le dire simplement : c’est beau, dans tous les sens du terme.
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