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Culture

S’initier à la littérature japonaise en 3 romans

La littérature japonaise est idéale pour t’évader à moindre coût sans quitter ton canapé ! Avec un peu de curiosité, tu trouveras de formidables chefs-d’oeuvre qui enrichiront ta bibliothèque.

Publié initialement le 21 juillet 2014

Soyons honnêtes : il est très difficile de ne pas tomber amoureu-x-se de la littérature japonaise une fois que l’on s’y est mis-e.

Elle possède plusieurs avantages : premièrement, le dépaysement est certain. La plupart des auteurs japonais basent en effet leur histoire au Japon (logique), et le font avec un souci d’authenticité qui permet de s’immerger totalement. Les traductions sont généralement bonnes, même si bien sûr elles ne retransmettent pas toute les nuances de la langue japonaise, riche en concepts difficilement traduisibles

Ensuite, les personnages envoient du lourd et l’action est au rendez-vous : les romans japonais ont un don pour vous faire partir à l’aventure et savent donner de la consistance à leurs personnages les plus communs, en tirant parti du quotidien pour en dévoiler les saveurs cachées. Un roman japonais se lit généralement rapidement, car il ne se perd pas en détails superflus et va à l’essentiel — sans pour autant négliger la poésie du récit.

La sélection des éditeurs français nous permet de n’avoir que la crème de la crème. Les éditeurs japonais sont déjà très bons dans leurs sélections, et les prix littéraires japonais sont réputés pour leur exigence, à l’image du prestigieux prix Akutagawa, équivalent de notre prix Goncourt. Il distingue des ouvrages qui n’auraient pas les honneurs de nos prix français, puisqu’un roman japonais extrêmement terre-à-terre peut soudain se transformer en épopée de science-fiction.

harukimurakami

Haruki Murakami, un des plus célèbres auteurs japonais, a vendu 400 000 exemplaires de son dernier roman 1Q84. À ne pas confondre avec le tout aussi talentueux Ryû Murakami !

Une traduction étant toujours un pari risqué, de ce très bon cru japonais les éditeurs français ne retirent que la substantifique moelle, ce qui permet de pouvoir choisir un roman nippon au hasard des étagères d’une librairie en étant quasiment sûr de tomber sur une pépite.

Enfin, la littérature japonaise est riche en excellentes critiques sociales. Les romanciers japonais ont un don, lorsqu’ils le souhaitent, pour dénoncer les travers de nos sociétés sans esbroufe, sans colère excessive. L’analyse passe au travers de personnages attachants, et reste toujours au service de l’action romanesque : on aiguise son sens critique tout en se divertissant.

Pour t’aider à t’y mettre, voici quelques recommandations. Chacun de ces ouvrages est une pépite, tu peux donc faire plouf-plouf si tu hésites !

Seventeen d’Ôé Kenzaburô

seventeen

On commence fort avec un roman-nouvelle à 2€, dont l’auteur est prix Nobel de Littérature, et dont la scène d’ouverture se trouve être un moment de masturbation ô combien explicite…

Je ne peux tout simplement pas faire plus racoleur pour vous pousser à découvrir l’oeuvre du très grand Ôé Kenzaburô !

Nous sommes en 1960 et un adolescent japonais se masturbe frénétiquement. Il va avoir 17 ans et tout le monde dans sa famille semble n’en avoir rien à faire, il est complexé, mal à l’aise avec ses pulsions sexuelles, avec son corps.

Ce jeune homme paumé n’est pas seul dans son cas. Tout le pays panse encore les plaies de la défaite de la Seconde Guerre Mondiale et une partie des Japonais va plus loin encore : privés d’armée, ils se sentent émasculés par les États-Unis. C’est l’extrême-droite japonaise aux uniformes inspirés des tenues SS…

Ce jeune homme en manque de repères va raconter son processus d’embrigadement

et la folie qui le prend au fur et à mesure qu’il se sent intégré à un groupe… un groupe à la chaleur humaine fascisante.

Inspirée d’une histoire vraie et écrite au moment des faits, cette nouvelle d’Ôé Kenzaburô témoigne d’un grand courage politique : il veut dénoncer l’embrigadement des jeunes par ces mouvements réactionnaires, nostalgiques de l’Empire Japonais et de ses victoires militaires. Rien de la médiocrité de cet adolescent ne nous sera épargné, de la bassesse de ses pulsions violentes et sexuelles aux lenteurs de sa réflexion, en passant par son manque d’esprit critique. Mais ce n’est pas tant cet adolescent que Kenzaburô dénonce que les adultes qui le transformeront en fauve, capable, comme cela a réellement eu lieu dans le Japon des années 60, de meurtre.

C’est une lecture plus que nécessaire à notre époque, où la virilité se vit parfois sous un drapeau masculiniste réactionnaire, et le faible prix du bouquin ne peut qu’inciter au partage !

Kafka sur le rivage d’Haruki Murakami

kafka

Je ne connais personne qui soit sorti indemne de la lecture de Kafka sur le rivage. Déjà parce que ce livre envoûtant de 600 pages prive ses lecteurs de sommeil tant il est absorbant. Ensuite parce qu’il dégage une atmosphère poétique et moite qui ne laisse personne indifférent.

Kafka Tamura s’enfuit de sa maison de Tokyo à 15 ans, pour échapper à une terrible malédiction oedipienne : « Un jour, tu tueras ton père de tes mains et tu coucheras avec ta mère ». On suit alors ses aventures dans l’île de Shikoku, située plus au Sud, en retenant son souffle : ça paraît improbable, et pourtant… Kafka trouve refuge dans la bibliothèque d’une petite ville, accompagné par un mystérieux et fidèle « Garçon nommé Corbeau ».

Or Kafka, en tchèque, veut dire Corbeau…

De son côté, ailleurs, Nakata est un vieil homme sénile et amnésique, mais il peut parler aux chats. Et lui aussi, justement, fait route vers le Sud.

Le marin rejeté par la mer de Yukio Mishima

mishima

Yukio Mishima est un auteur très particulier dans l’histoire du Japon ; on pourrait le rapprocher de son idole Céline, pour nous autres Français. En gros : c’est un auteur de génie… mais un salaud quand même. Un nationaliste engagé au sein des Forces d’Autodéfense, nostalgique du temps de l’Empire, pour être exacte.

Mais en général, le monde de la littérature a du mal à lui en vouloir. Premièrement parce qu’il a fait beaucoup pour la cause homosexuelle en s’affichant ouvertement gay dans ses oeuvres, dès les années 50. Ensuite parce que cet exalté n’a pas fait de mal à grand-monde, si ce n’est… à lui même !

Il se suicide en effet en 1970 par seppuku (hara-kiri) lors d’un coup d’État tellement raté qu’il s’agissait certainement davantage de la mise en scène d’un homme à l’esthétique grandiloquente que d’une réelle action politique. Jugez plutôt : la tentative se fit à 5, Mishima inclus, devant 800 soldats qui huèrent son discours rétrograde jusqu’à son départ à l’intérieur du bâtiment, où il exécuta le rituel qu’il avait fantasmé…

Il faut bien comprendre que cette nostalgie militaire basée sur l’échec des tentatives impérialistes du Japon après la Seconde Guerre Mondiale n’a pas le même fondement idéologique que « notre » extrême-droite, du moins à l’époque. Mishima était un esthète polyglotte, épris de culture étrangère.

Alors peut-on lire Yukio Mishima, plusieurs fois pressenti prix Nobel de Littérature, en ayant la conscience tranquille ? Éternelle question de la dissociation entre l’artiste et l’oeuvre, que je laisse à votre jugement personnel. Il est cependant intéressant de voir comment cette problématique se transpose dans une autre culture, une autre société. En l’occurrence, les envolées lyriques de Mishima n’étaient pas vraiment prises au sérieux et n’eurent pas d’influence plus néfaste que sa propre mort. Si l’expérience vous tente, je vous recommande donc ce court roman : Le marin rejeté par la mer.

Noboru Kuroda a 13 ans et vit avec sa mère. Cette dernière rencontre un employé de la marine marchande, qui, par son caractère tranquille et paisible, va décevoir notre jeune garçon, qui aspirait à se trouver un héros épique en guise de nouveau père. Noboru, encouragé par sa bande d’amis, va alors entrer dans une étrange spirale de violence, crédible, mesurée, et donc d’autant plus effrayante… et pathétique.

Et vous, quelles sont vos recommandations en matière de littérature japonaise ?

Pour aller plus loin sur le Japon


Et si le film que vous alliez voir ce soir était une bouse ? Chaque semaine, Kalindi Ramphul vous offre son avis sur LE film à voir (ou pas) dans l’émission Le seul avis qui compte.

Les Commentaires

36
Avatar de Audrey13to01
11 août 2015 à 15h08
Audrey13to01
Dans les autres (contemporains) qui n'ont pas encore été cités, je vous conseille:
- Ogawa Ito et son sublime Restaurant de l'amour retrouvé

Merci merci merci merci merci merci merci merci merci d'avoir conseillé ce bouquin, je l'ai non pas dévoré mais dégusté en 2 jours, j'ai salivé, rêvé, ri, pleuré...une vraie merveille <3<3<3<3<3<3<3

J'attends avec impatience que le roman suivant de l'autrice, "Le ruban", sorte en poche.
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Voir les 36 commentaires

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