D’avoir longtemps suivi une antilope agile, une lionne se perdit, quelle mésaventure, au-delà des frontières, sur les terres hostiles des hyènes, maudites femelles contre-nature. La cheftaine des Amazones la plus grosse, quitte mollement son trône et se gausse : « Qui s’est égarée là ? Mais c’est une guerrière ! De la race des soumises. Un bouffon paresseux à crinière sur sa vie a main mise. La journée durant, il fornique et se prélasse, cependant que, faible et docile, elle enfante et part à la chasse. La vie de lion est trop facile ! De la savane il est le Roi, mais n’a pas fait de toi sa reine ! Pourtant, servile, tu files droit…. Nous, les hyènes, sommes souveraines ! – Il n’y a que des Rois dans le règne animal ! Rétorque la lionne en montrant les dents. Restez à votre place, respectez vos mâles ! Il en va ainsi depuis la nuit des temps. Ici bas, chacun son rôle, que l’on soit garçon ou fille. Il me protège et moi… – Tu miaules ? – Et moi, je gère la famille ! Je suis d’abord une maman. » La hyène s’offusque : « c’est dégradant ! N’es tu née que pour être mère ? – Absolument, et j’en suis fière ! Le pouvoir revient à qui porte pénis, votre job, je maintiens, est d’éduquer vos fils. D’eux et de leurs pères vous avez fait vos ennemis. – Non, une sous-race !, corrige la hyène en furie. Car leur bêtise nous menace. Plus intelligentes et plus fortes, nous régnons en maîtres, Et la justice, qu’importe ! Car il faut bien l’admettre : L’égalité n’existe pas. C’est eux ou nous !, hurle-t-elle, agressive. Nous avons fait notre choix ! – Bon sang que vous êtes naïves, s’amuse la rivale féline. Ce n’est pas à nous de choisir qui domine ! C’est alors qu’au milieu de cette âpre querelle, arrive fort à propos, sous les yeux ébahis de toutes les femelles, un philosophe escargot. « Permettez, Mesdames, que j’intervienne ?, demande-t-il humblement. – Fais donc ! Autorise la hyène, mais choisis bien ton camp : si tu n’es pas des nôtres, nous te tuerons ! – Et contre moi tu ne feras pas long feu », ajoute la fidèle compagne du lion. Il les regarde toutes les deux : « Je ne rejoins ni l’une, ni l’autre. Vous partagez les mêmes valeurs. Vous faites de ce principe le vôtre : la raison du plus fort est toujours la meilleure. Sœurs au sein d’un même clan, où l’on fait de vous soit le maître, soit l’esclave. Je m’excuse, mais c’est navrant. J’en crie, j’en pleure, et même, j’en bave ! » À ces mots, la hyène, ivre de haine et de rage, Saisit le mollusque dans sa grosse patte. Elle s’apprête, c’est certain, à faire un carnage. Alors, rejointe par la colossale chatte, toutes deux, avec hargne, mettent en pièces l’escargot. La tête, les antennes, la maison sur le dos… De l’intrus il ne reste plus rien. Soulagée et sereine, la lionne, d’aise, rugit. Avec elle, les hyènes en chœur ricanent. Et l’on peut entendre cette sombre harmonie, retentir lugubrement dans toute la savane.
— Merci à Cy. pour son dessin ! Retrouvez-la sur madmoiZelle, sur son blog et sur sa page Facebook !
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