Nom d’un insomniaque fan de makina, connaissez-vous cette prodigieuse douleur foudroyante et si particulière lorsqu’on se tape le coude en plein sur le nerf ? (variante : quand le cou non-échauffé fait un mouvement trop brusque) C’est un peu ce que je ressens face à une grande gueule.
La grande gueule intervient toujours de façon fourbe et inattendue, quand vous n’êtes pas préparées niveau répartie, ou que vous êtes tout simplement trop épuisées pour batailler. Car la grande gueule est rarement grande gueule en permanence passé 18 ans (en deçà, la GG est juste en pleine crise d’adolescence, au-delà, ses amis s’autorisent souvent un remontage de bretelles). La GG n’est GG que par intermittence. C’est une sorte de TOC, une phrase qu’elle ne peut s’empêcher de lancer, pour rétablir un semblant de vérité sur sa personne (alors qu’on ne lui a bien évidemment rien demandé). Vous savez que vous êtes en présence d’une GG quand vous êtes obligées de vous mordre la joue pour ne pas lâcher un bon « mais ta gueule, un peu ! ». Parce que par définition, la GG oublie de la fermer.
Une grande gueule veut choisir l’image que les autres vont avoir d’elle : c’est une question de contrôle. La GG pense qu’en affirmant certaines qualités qu’elle croit posséder, ou en menaçant autrui de telle ou telle action, elle arrivera à convaincre les autres qu’elle possède effectivement ces qualités, ou qu’elle va bien passer à l’acte.
Ainsi, la GG n’hésitera pas à vous gratifier de ces épithètes :
• « non mais moi tu sais, je suis quelqu’un d’entier »
• « je suis honnête, c’est tout, je dis ce que je pense »
• « il ne peut pas assumer une fille avec une grosse personnalité comme moi »
Attention, la GG aime particulièrement utiliser des adjectifs habituellement péjoratifs pour se donner l’air subversif, spécial et hors-normes, le plus célèbre cas étant :
• « je suis tarée »
Par là, la GG cherche non seulement à se rassurer, mais aussi imposer le respect. Comme si après son entourage allait recracher la leçon en disant d’elle : » oh Vanessa ? Son mec l’a quittée parce qu’il ne pouvait pas assumer une fille avec une grosse personnalité comme elle« . Le proverbe « c’est ceux qui en parlent le moins qui en font le plus » n’est pas dénué de fondement : ceux qui parlent de sexe comme s’ils étaient acteurs pornos sont souvent ceux qui ont le plus à faire avec la veuve poignet. De la même façon, la personne qui se croit « tarée » est bien souvent la plus conventionnelle qui soit, confondant folie avec simple bêtise et/ou acte irréfléchi.
Cependant, la GG fait preuve de bien d’autres choses, notamment :
En insérant volontiers un trait de caractère somme toutes commun à la plupart des êtres humains dans son discours (je ne sais pas vous, mais je me considère également comme quelqu’un d’entier), la GG lâche une information qu’elle croit fondamentale pour que celui/celle qui est en face de lui puisse le cerner et se faire une idée précise de sa personne.
Si la GG est quelqu’un que vous aimez bien et que vous ne souhaitez pas vous attirer son courroux, vous ne pouvez vraisemblablement pas lui hurler dessus que les grandes gueules, c’est pénible. Il est préférable de faire preuve de diplomatie : dès que le GG s’autoqualifie d’attributs que tout le monde dirait posséder (« je suis intègre et loyal et sincère »), et ce pour la énième fois (vous n’allez tout de même pas l’afficher si c’est la première fois, n’exagérons rien), n’hésitez pas à ajouter à la fin de sa phrase : « oui, COMME TOUT LE MONDE ». A force d’utiliser le COMME TOUT LE MONDE comme ponctuation, il est fort probable que la GG se calme.
Si la GG est plutôt du genre à affirmer à l’avance ce qu’il va faire sans jamais y donner suite, c’est lui rendre service que de lui dire directement que ses coups de bluffs, ça ne prend pas (Martoni).
Si vous n’avez aucune considération pour la GG, alors attaquez frontalement et manifestez votre mécontentement avec un bon « non mais quelle grande gueule ! ». Après tout si l’expression existe, c’est pas pour rien.
La prochaine fois je vous raconterai comment les personnes qui décrochent le téléphone en disant « je peux pas te parler là » mériteraient qu’on leur raccroche au nez.
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Les Commentaires
Génial Martoni: "Il dit qu'il bluffe... Il dit qu'il a plus de genoux... Il dit qu'il voit pas le rapport..."