Je vous préviens, je suis en train de PMSer comme une loutre sous hormones, autant dire que je ne vais pas avoir le verbe faible. Car depuis qu’Internet est Internet, une espèce à claques émerge tel un étron d’enfant dans la mer Méditerranée : le pseudo artiste maudit.
Il existe bien une branche d’artistes réellement maudits, méritant une telle qualification : c’est le cas du pauvre Vincent Van Gogh, regardez ce qu’il s’est infligé à l’oreille, comment ce vieux fou aurait pu faire semblant d’être borderline ? Mais de nos jours, les jeunes en mal de sensations fortes aiment à se faire passer pour des bohèmes incompris, adeptes d’absinthe et de psychotropes, se revendiquant torturés. Nom d’un chacal lépreux qu’est-ce qu’il ne faut pas entendre ! Ces gens-là sont aussi tordus qu’une cheville de mannequin bossant chez Balenciaga.
Le pseudo artiste tourmenté a pour principale caractéristique d’afficher voire de vomir à la gueule du spectateur sa dépression / son mal-être / sa vision noircie de l’existence. Grâce aux réseaux sociaux, il peut désormais frimer beaucoup plus facilement sur ce qu’il pense être « original » : photos lêchées de ses boîtes de valium, statuts facebookiens laissant entendre que sa vie est si compliquée qu’il ne sait pas s’il va tenir (stp, ne te donne pas ce mal), commentaires glorifiant la défonce et les nuits blanches laissés de ça de là, photos de lui fumant une cigarette nonchalemment et avec une certaine tristesse dans le regard, tous ses éléments combinés montrent que nous sommes en face d’un poseur.
Qu’il soit véritablement bipolaire ou maniaco-dépressif importe peu, son état psychologique douteux ne laisse aucun doute de toute façon. Là où l’artiste maudit fait pitié, c’est en déballant fièrement sa mélancolie, recherchant à tout prix l’étiquette de névrosé. En anglais, un terme parvient parfaitement à traduire ce type de personnes, ce sont les « attention whores » ou littéralement, les putes de l’attention. Leur attitude provocante n’a pour but que d’avoir l’attention des autres, peu importe que cela les fasse passer pour des personnes mentalement dérangées ou non. Ce qui compte, c’est l’image. L’artiste maudit aime se sentir différent, jouer avec les limites de la folie, se gaver des cachetons et en faire son sujet principal de discussion.
De la même façon qu’on trouve stupide et sacrément dangereux qu’une anorexique hurle sur les toits sa fierté d’être malade, le comportement de l’artiste maudit me dégoute plus que tout : je ne vois pas ce qu’il y a de si génial, de magnifique ou ne serait-ce d’intéressant à s’enorgueillir de sa souffrance. C’est aussi puéril que de croire encore que les plus belles oeuvres ont été enfantées dans la douleur : l’artiste ne semble croire à son statut d’artiste que s’il est maudit et que s’il est abimé.
Nous avons tous nos démons et nos folies quotidiennes avec lesquelles nous devons composer. Certains ont parfois plus à gérer que d’autres, et ça ne fait pas d’eux des êtres à part, peut-être juste un peu plus instable et sûrement plus malheureux que la moyenne. S’en servir pour paraître cool, c’est vraiment un truc d’adolescente en manque d’amour qui aurait trop écouté Evanescence. Deuxième super news : nous sommes tous des artistes. Il n’y a pas d’esprit doué naturellement du saint esprit de la création et d’autres pas, nous avons tous le potentiel pour dessiner, écrire, jouer la comédie. Certains sont juste plus passionnés et travailleurs que d’autres.
On peut traiter de ses tourments avec légèreté, avec humour, sérieusement ou de façon clinique, mais en s’en vantant, non. Cela reviendrait à dire que la vie de l’artiste maudit est plus palpitante que celle de celui qui ne gémit pas.
La prochaine fois je vous raconterai combien les gens qui tentent de se démarquer avec leur prénom en l’écrivant avec une orthographe ô combien rare (Karynn, Filip, Stéfany) alors qu’on sait tous qu’il est écrit on ne peut plus franchouillard sur leur carte d’identité, me donnent envie de rire comme ça : AHAHAHAHAHAHAHAHAHAHAHAHAH.
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Les Commentaires
J'avoue que l'Artiste maudit, j'ai un peu de mal avec lui/elle pour la simple raison que : j'écris. Je suis donc potentiellement une "artiste" avec de gros guillemets, qui tente modestement d'écrire sans avoir la prétention de faire une révolution artistique et sans me prendre pour une incomprise.
Et ces gens-là me gonflent profondément ^^Ils décrédibilisent ceux qui tentent (parce qu'on ne fait jamais de l'art, on tente toujours d'en faire) et ceux qui exceptionnellement exposent leur tristesse. En clair, maintenant, dès que, poussée par l'inspiration du moment, tu poste deux vers poétiques un peu mélancoliques sur Facebook (parce que, hein, on a envie, comme ça quoi, on a encore droit de mettre ce qu'on veut sur son mur, zut alors), tu passes pour une pseudo-artiste dépressive qui veut faire son intéressante, hé bien, c'est chiant.
J'exagère mais c'est l'idée.
Voilà ^^