La charte des Nations Unies pour l’action climatique de l’industrie de la mode vient de publier un rapport d’étape 2023 concernant les efforts fournis par le milieu pour atteindre la neutralité carbone le plus vite et bien possible. Vœux pieu ?
Fondée en 2018, cette charte s’est donné pour ambitieux objectif d’atteindre zéro émission nette, et a été signée initialement par 99 grandes maisons de luxe et fabricants, comme le rapporte Vogue Business. Le nouveau rapport appelle à une accélération des actions mises en place et une intensification des collaborations allant dans le bon sens :
« À l’avenir, il est essentiel pour l’industrie dans son ensemble d’aligner stratégiquement les actions à la fois entre les entreprises et les chaînes d’approvisionnement, mais aussi au sein de l’écosystème de soutien, pour jeter les bases maintenant de ce qui doit se passer dans l’industrie cette année, d’ici 2025 et ce que 2030 nécessite : réduire les émissions à tous les niveaux et transformer le secteur vers un avenir renouvelable et net zéro en s’alignant sur les trajectoires résilientes de 1,5°C. »
Le manque de transparence de l’industrie de la mode complique les efforts de réduction carbone
D’après ce même rapport, les signataires de la charte auraient de meilleurs résultats par rapport à la moyenne de l’industrie concernant les efforts face au réchauffement climatique. Malgré ces résultats encourageants, on peut également noter que plus de 50 % des signataires n’ont pas fourni suffisamment d’informations à l’édition du rapport, et n’ont pas fixé les objectifs climatiques suggérés. Un manque de transparence et de traçabilité regretté par la charte, comme le relaie Vogue Business :
« Nous avons vu dans notre base de données CDP [la Carbon Disclosure Project est une organisation britannique qui publie des données sur l’impact environnemental des plus grandes entreprises, ndlr] mondiale que le niveau de transparence, de participation et d’engagement du secteur de l’habillement dans son ensemble est bien inférieur à la plupart des autres industries. Une analyse plus spécifique par rapport à d’autres entreprises de vêtements non signataires peut être envisagée pour un rapport futur. »
De quelles émissions carbones parle-t-on concrètement ?
D’après le média spécialisé, de 2020 à 2022, le nombre de signataires qui se sont fixé pour objectif d’utiliser 100 % d’énergie renouvelable dans leurs opérations d’ici 2023 est passé de 18 à 42 %. Mais cela concerne surtout les émissions de scope 1 et 2, selon la catégorisation de la méthodologie internationale de comptabilité carbone GHG Protocol. Comme le résume l’entreprise de réduction carbone sami.eco, le scope 1 correspond aux émissions directes de gaz à effet de serre (par exemple, le chauffage au gaz de bureaux et le carburant de véhicules), le scope 2 aux émissions indirectes liées à l’énergie (comme l’électricité qui pollue surtout au niveau de sa production), et le scope 3 renvoie aux autres émissions indirectes (donc l’écrasante majorité des émissions liées à l’activité d’une entreprise, comme l’achat de marchandises et de matières premières, l’utilisation de produits et services polluants, les déplacements domicile-travail de tous les salariés, etc). Or, ce sont justement les émissions de portée 3 qui sont rarement prises en compte par les entreprises.
C’est donc toute la chaîne d’approvisionnement des marques de mode qu’il convient de rationnaliser et rendre plus écologique, afin de tendre vers une neutralité carbone. Cependant, la charte ne fournit pas aux signataires une définition claire des « engagements des fournisseurs » attendus, et appelle simplement à la collecte de davantage de données, la formation, et la collaboration. Ce rapport montre donc un intérêt grandissant de la part des acteurs de l’industrie textile, toujours plus nombreux à vouloir rejoindre le mouvement, mais leurs vœux restent relativement pieux, d’autant que l’industrie de la mode dépend d’autres secteurs.
« Les gouvernements doivent mettre en place des cadres politiques clairs et ambitieux »
C’est pourquoi la synthèse appelle à une collaboration intersectorielle :
« La transition vers une économie nette zéro ne sera pas facile et nécessitera des niveaux de collaboration sans précédent à la fois à l’intérieur et à l’extérieur de l’industrie. Pour accélérer la transition, les gouvernements doivent mettre en place des cadres politiques clairs et ambitieux. »
Bref, vivement que les États s’en mêlent afin d’obtenir de vraiment changement intersectoriels et structurels.
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