Elles s’appellent Valérie, Marie-Basile, Rachel, Séverine, Julie, Marie-Ève, Angélique et Marie-Claude. Elles sont technicienne d’intervention sociale et familiale, aide à domicile, accompagnante éducative et sociale, auxiliaire de vie sociale, éducatrice spécialisée, assistante familiale, assistante maternelle et aide-soignante.
Du berceau à la tombe, elles accompagnent et prennent soin des autres, tissant infatigablement du lien social malgré le manque de moyens et de reconnaissance. Et une rémunération insuffisante qui les maintient souvent dans la précarité. Ce sont les héroïnes de Les femmes du lien, l’incroyable ouvrage de Vincent Jarousseau, paru aux Arènes cette semaine.
De ce photographe et documentariste, on avait déjà dévoré les Racines de la colère (Les Arènes, 2019) – prix France Info de la BD d’actualité et de reportage -, un livre incandescent qui racontait la France des oubliés en mixant documentaire, BD et roman-photo.
Les femmes du lien, ou la « vraie vie » des travailleuses essentielles
Les femmes du lien s’appuie sur le même format hybride pour rendre compte de « la vraie vie des travailleuses essentielles ». De celles qui représentent 1 femme active sur 4, soit environ 3 millions de travailleuses majoritairement issues de milieux populaires. De celles qui sont en première ligne pour accompagner et aider l’Humain à différents moments clés de sa vie. Et pas forcément les plus faciles.
Si elles ont été furtivement mises en lumière durant la crise sanitaire, elles sont bien vite retombées dans l’ombre. Et ce, malgré le rapport parlementaire rendu en 2020 par les députés François Ruffin et Bruno Bonnell sur les métiers du lien dont les femmes représentent plus de 85% des effectifs, selon l’auteur.
Un roman-photo dans les quotidiens de 8 femmes
Pendant près de deux ans, avant et après la pandémie, Vincent Jarousseau est allé à la rencontre de huit d’entre elles qui sont au cœur d’autant de chapitres constituant ce beau-livre documentaire. Chacun s’ouvre telle une porte vers des univers méconnus. L’auteur retrace les trajectoires de ces femmes grâce aux très belles planches BD signées Thierry Chavant avant de passer au roman-photo qui les suit au travail, mais aussi dans leurs vies privées.
On est immergé, du nord de la France à la Seine-Saint-Denis, dans des quotidiens aussi divers que harassants, faits de petites victoires et, parfois, de découragements. Saisi par l’énergie monumentale que chacune d’entre elles déploie pour tenter de répondre aux besoins – voire, les devancer – de celles et ceux qu’elles accompagnent ; enfants placés, familles en difficulté, personnes âgées, malades, handicapées, perdues ou abimées…
Une des grandes réussites de l’auteur est de ne jamais sombrer dans le misérabilisme, l’angélisme ou les généralités. Mais de leur laisser la parole. Parce que ces femmes ont des choses à raconter et à nous apprendre, sur les fractures de la société, la fin de vie, la petite enfance, l’état du secteur social ou de l’hôpital public. Page après page, on entend aussi la voix de celles et ceux qu’elles suivent et qui, malgré la diversité de leurs situations, ne cessent de demander : « Que ferait-on sans vous ? ».
Les femmes du lien : un livre uppercut
Les femmes du lien est un livre uppercut, nécessaire et bouleversant, qui résonne comme un hommage à ses huit héroïnes. Mais aussi à toutes celles, invisibles et invisibilisées, qui tiennent finalement à bout de bras une bonne part du tissu social de la France. C’est aussi un plaidoyer en faveur d’une meilleure valorisation de ces métiers, aux accents féministes. Car comment ne pas s’interroger sur la corrélation entre l’importante féminisation de ces professions et leur manque de reconnaissance… À s’acheter ou à offrir donc, de toute urgence !
Les femmes du lien, de Vincent Jarousseau, Les Arènes, 24,90 €
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Les Commentaires
J'ai adoré et pourtant je ne suis pas fan du format roman photo mais il y a aussi des illustrations quand le passé de ces femmes lumineuses est évoqué. Très beaux portraits de femmes, qui n'ont pas toujours eu un passé facile.
Je l'ai dévoré , lu d'une traite!