- Prénom : Lily
- Âge : 21 ans
- Occupation : Étudiante
- Lieu de vie : Paris
Comment décririez-vous votre rapport au féminisme ?
Le féminisme, pour moi, a été ma façon de me libérer. De réfléchir sur le monde qui m’entoure et sur moi-même. C’est une passion. Sans le féminisme, et toutes les luttes sociales, ma vie ne serait pas la même, je ne serais pas la même.
Avez-vous grandi dans un milieu féministe ?
Non. Familialement, le féminisme n’est pas forcément compris, ni accepté (mes parents ont la 60 aine). Ils savent cependant qu’ils ne peuvent pas me changer, donc c’est toléré et parfois admiré.
Avec ma famille ou les amis de famille, cela arrive que le féminisme soit source de friction. Pareil avec toutes mes idées politiques (dites de gauche). Nous avons déjà eu d’énormes disputes lors de repas. Des remarques du type « les féministes vont trop loin, elles sont trop extrémistes, je ne suis pas d’accord avec cette radicalité », j’en ai eu, mais rien de trop violent. Par contre, sur la question LGBT… Je pourrais en écrire un livre. La dernière en date : « les lesbiennes sont des révoltées de la société qui se détruisent en se rasant la tête et se tatouent partout par conviction ».
À quand remonte votre déclic féministe ?
J’aimerais dire toujours, mais cela a réellement débuté au lycée, quand j’avais 15/16 ans.
Avant, et depuis petite, j’étais plus dans le « je n’aime pas l’injustice », je détestais et ne comprenais déjà pas les stéréotypes de genres, les assignations genrées (jeux, couleurs, pratiques…) mais le mot féminisme n’a été posé qu’à partir de mes 16 ans et, fièrement assumé depuis mes 20 ans, où je n’ai plus honte de le dire.
Ce sont des rencontres avec des personnes de mon âge qui se posaient des questions, un peu militant•es, qui m’ont fait m’intéresser aux causes sociales. Le féminisme date de mon lycée, et notamment d’un travail scolaire en classe de Première, où j’étais en groupe avec deux personnes un peu plus âgées, qui s’intéressaient au milieu anarchiste et féministe. Je n’ai jamais cessé d’explorer le sujet depuis !
Comment le féminisme infuse-t-il votre vie aujourd’hui ?
Cela m’influence énormément. J’ai commencé à avoir un avis, mon propre avis, quand le féminisme est arrivé dans ma vie.
Professionnellement, je souhaite m’orienter vers ce milieu. J’aimerais travailler dans le secteur associatif pour défendre les droits des femmes et des minorités. Aussi, mes convictions politiques sont nettement influencées. Je suis, par exemple, très attentive aux scandales de VSS dans notre gouvernement.
Amicalement, je suis la féministe acharnée du groupe. Cela fait partie de ma personnalité et des sujets de discussion que j’aime beaucoup, que je défends. On me demande parfois mon avis critique sur certains sujets liés au féminisme, on m’envoie des articles.
Dans ma vie sentimentale, amoureuse et sexuelle, le féminisme m’a permis d’être plus vigilante et de voir que certaines choses n’étaient pas okay, il m’a sensibilisée d’une certaine façon, donc je me suis fixée des grandes règles sur lesquelles je suis intransigeante (par exemple, la nécessité d’avoir un consentement mutuel, qu’importe le type de relation amoureuse ou amicale, d’être vigilante au désir de l’autre et au mien, savoir dire non…). Cela m’a appris la notion de limite de moi-même.
- Gisèle Halimi, « La cause des femmes ». Dans sa globalité, cet ouvrage amène à réfléchir sur le monde et notre histoire sociale et féministe. Mais son annexe fait prendre conscience du chemin que nous avons parcouru, nous les femmes.
Avez-vous laissé de côté certaines habitudes, déconstruit certaines croyances, ou posé de nouvelles limites ?
Mon féminisme s’inscrit dans une réflexion globale au sujet de notre société, de ses codes et normes. Je suis passionnée et concernée par toutes les questions liées aux minorités de genres/sexuelles, l’écologie, le racisme (en tant qu’alliée, car non racisée), etc. Et mon identité féministe s’est construite/ développée en même temps que mon identité Queer et militante.
J’ai grandi dans une famille où la religion avait une place relativement importante, mais cachée. Dans le sens où nous n’allions pas à la messe tous les dimanches, mais où les normes catholiques étaient présentes. J’ai été baptisée (c’était mon choix, mais j’étais en école privé catholique jusqu’à mes 10 ans donc c’était un semi-choix : je n’avais que ça autour de moi, le baptême était un peu la dernière paire de chaussures à la mode dans la cour de récré). Je me suis détachée de cette religion en quittant cette école, et définitivement suite au décès de l’une de mes proches avec qui je partageais cet attachement à la culture religieuse et aux traditions.
Une autre chose qui m’a fait m’éloigner du catholicisme est la maturation de mes réflexions militantes. Aujourd’hui, je n’envisage pas de renouer avec cette religion, car, même s’il peut y avoir du bon, je pense que la manière dont sont interprétées les valeurs catholiques par une tranche importante de la population n’est pas en accord avec mes convictions. La place de la femme encore très stéréoptypée, les abus sur enfants atroces commis par certains, les thérapies de conversion… Tous ces éléments me mettent mal à l’aise. Je ne m’y sens plus à ma place.
Pour les limites, c’est simple : je n’ai plus aucune tolérance pour les propos homophobes ou sexistes.
Évoluez-vous aujourd’hui dans des cercles féministes ?
Cela fait peu de temps que j’arrive à oser aller en manif ou à des marches, ayant peur des mouvements de foule et ne me sentant peut-être pas assez légitime. C’est un tout qui fait que je n’y allais pas alors que des amis commençaient à y aller. Mais, depuis 2022, je vais aux marches pour les droits des femmes. Cette année, j’ai pour la première fois fait grève le 8 mars, en séchant un TD pour aller en manif. Sinon j’aime aller dans des conférences alternatives ou universitaires sur ce sujet, dans des lieux ou des cafés dédiés au débat.
Avez-vous l’impression d’être arrivée au bout de votre éveil féministe ?
Non, je suis encore jeune et j’ai beaucoup de choses à travailler ! Je considère que mes avis passés correspondaient à un instant T et je n’ai plus de jugement face à la personne homophobe, potentiellement sexiste que j’étais. Je continuerai d’évoluer.
Un très bon exemple de cette évolution est mon avis sur la place des hommes dans le féminisme, sur est-ce qu’un homme peut se définir comme féministe et débattre sur ces sujets. Avant, c’était un grand non et je ne comprenais pas qu’on puisse penser autrement. Aujourd’hui, je trouve ça important qu’il existe des moments sans eux (pour des questions de sécurité et de libération de la parole). Néanmoins, je pense que les hommes doivent être inclus dans les combats féministes. Il me semble important qu’ils s’éduquent à ces questions, qu’ils aillent en manif. Pourquoi les rejeter quand ils cherchent à comprendre ? Du moment qu’ils restent avec la conscience de leur place. Cela fait partie de mes réflexions actuelles, elles seront peut-être différentes dans quelques années.
Un autre exemple de mes avancées : j’ai commencé le livre de Gisèle Halimi « La cause des femmes » quand j’avais 18/19ans. Sauf que ma réflexion n’était pas encore assez grande et j’ai eu une réelle peur de le finir. Deux ans plus tard (cette année donc), je l’ai fini. J’ai pris conscience par ce texte, qui à l’époque me semblait très anti-système, que j’avais beaucoup évolué, que ces pensées étaient maintenant miennes et que finalement, Gisèle Halimi n’avait peut-être pas si tort.
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