On parle rarement des Palestiniens à travers un autre spectre que celui du conflit israélo-arabe. Et pourtant.
En septembre dernier, le magazine Lilac ose faire poser le mannequin Huda… en bikini. Dans une presse féminine palestinienne très sclérosée par les tabous du corps et de la chair, la rédactrice en chef Yara Mashour se défend d’avoir succombé aux sirènes du commercial. En effet, si en Occident les magazines féminins sont souvent accusés d’asservir les femmes en proposant une image frivole du sexe faible, il semblerait qu’à l’inverse, une femme dénudée en Palestine pourrait être le signe d’une volonté de s’affranchir du conservatisme ambiant. C’est en tout cas ce que défend le magazine.
Le mannequin Huda, en bikini, en Une du magazine Lilac
Ainsi, toujours selon la rédactrice en chef Yara Mashour, « le magazine laisse la part belle à l’écrit pour défier tous les interdits ». Le titre se targue d’avoir publié :
- Le témoignage d’une femme célibataire qui a eu recours à l’insémination artificielle pour avoir un enfant (lequel a choqué, puisqu’il « égratigne deux fondements de [la] société [palestinienne] : le mariage et la famille »)
- Un papier sur la petite communauté de couples échangistes qui se retrouvent dans les clubs privés de Nazareth
- Un reportage sur les adorateurs de Satan
- Une review de la série Fatmagul, qui traite en partie du viol collectif (au début du premier épisode, la jeune héroïne se voit violée par un groupe de garçons puis obligée d’épouser l’un d’entre eux – la rédactrice en chef de Lilac explique : « La jeune femme [dans la série] éprouve logiquement une aversion pour son mari. [Mais] les filles ici ont fini par la détester et disent: « Elle devrait mieux se comporter avec lui. Il ne l’a pas violée. Il a juste regardé et il a accepté de l’épouser« . Le simple fait qu’elles ne comprennent pas la haine de l’héroïne prouve qu’il reste beaucoup à faire pour faire évoluer les mentalités sur le viol et le mariage. »)
Jamila, magazine féminin qatari : en mars 2010, la Une est consacrée à la première femme nommée juge de l’émirat, « dans une pose décontractée »
Mais le choix éditorial de Lilac est loin d’être approuvé par tous.
À sa sortie, le scandale est instantané. Slate explique :
« Si la blonde en bikini est loin d’être une image nouvelle dans l’espace public, c’est la beauté arabe en maillot sexy qui l’est beaucoup plus. »
Selon Yara Mashour, l’indignation est toute autre :
« Le problème n’est pas le bikini en lui-même. Ce qui a provoqué la colère est que ce soit une Arabe-israélienne qui ait dépassé ce tabou. Cela revenait à dire selon eux : eh regardez! Les Palestiniennes en Israël ont plus de liberté que leurs consœurs en Cisjordanie et à Gaza. Alors forcément, ma couverture ne pouvait que cacher une manœuvre de communication israélienne. »
« On parle rarement des Palestiniens à travers un autre spectre que celui du conflit israélo-arabe », disait-on au début de cet article. Mais pour une fois qu’on le fait, on retombe sur ce même conflit. Encore et toujours.
Écoutez l’Apéro des Daronnes, l’émission de Madmoizelle qui veut faire tomber les tabous autour de la parentalité.
Les Commentaires
En fait le terme "israelo-arabe" je l'utilise pour désigner des personnes en particulier tandis que pour le conflit c'est logiquement "israelo-palestinien" parce que bon il n'y a pas au final de consensus "israelo-arabe" au sens ou tous les pays du "monde arabe" ont eu des tas de positions différentes (et puis si on essaie d'être précis le "monde arabe" n'existe pas).