(Avant-propos – je ne suis pas tout à fait sûr d’être objectif sur ce film : pour moi, un film où l’un des personnages se balade en slip et dit qu’il est « slipiste » EST UN BON FILM. Désolé pour ça. Si néanmoins le « slipiste » ne vous chatouille pas les zygomatiques, Libre et Assoupi a plein d’autres qualités, que je vous raconte ci-dessous.)
Dans la vie, Sébastien n’a pas vraiment d’ambition à part celle de profiter de la vie. Après 12 licences, 5 mastères et 4 agrég – j’exagère à peine — ses parents l’obligent à quitter le nid familial pour vivre sa vie d’adulte.
Oui mais bon, l’indépendance, c’est pas vraiment ce que recherche Sébastien. D’ailleurs, lui-même ne sait pas tout à fait ce qu’il recherche. Il va donc apprendre à grandir, entourés de ses colocs, Bruno (Félix Moati) et Anna (Charlotte Lebon), une pote rencontrée à la fac.
Derrière ses allures de sympathique comédie, Libre et Assoupi délivre en filigrane des tas de messages sur notre société, notre rapport au travail et l’implicite nécessité d’en chier dans la vie.
Un miroir bien relou
Avec son manque d’ambition assumé et sa simple volonté de profiter de la vie, Sébastien finit par être un miroir pour ses contemporains, à qui il renvoie bien contre son gré la pénibilité de leur existence.
Il suscite pas mal d’incompréhension autour de lui, aussi bien chez ses potes que chez de simples inconnus, saoulés de le voir bouquiner à longueur de journée sur un banc public — il y a une séquence totalement loufoque sur le sujet, qui vaut son pesant de cahouètes. Cette fiction n’est peut-être pas tant éloignée de la réalité : on se souvient des réactions épidermiques qui avaient suivi la publication dans nos colonnes du témoignage J’ai décidé de ne pas travailler pour vivre.
Beaucoup de colère et de rejet de ce mode de vie, sauf pour une personne : Richard, son conseiller au Pôle Emploi, incarné par le fantastique Denis Podalydès, qui le couvrira bien volontiers pour lui permettre de recevoir le RSA. Voici d’ailleurs une petite bande-annonce le présentant.
Un rêve idiot…
Quand Sébastien lui demande s’il a toujours voulu être conseiller Pôle Emploi, un dialogue savoureux s’en suit, que Benjamin Guedj, le réalisateur, a bien voulu m’envoyer pour que je vous le retranscrive (merci à lui) :
— Non. Et en même temps, oui. J’ai toujours voulu aider les gens… Et je suis content de pouvoir le faire. Mais quand j’étais petit, j’avais un rêve idiot… — C’était quoi ? — Je voulais avoir une crêperie. J’adorais les crêpes de ma mère. Quand je rentrais de l’école et que je sentais la pâte à crêpe, j’étais heureux. — C’est bon les crêpes. — Oui. Mais ce n’est pas sérieux… — On s’en fout de ce qui est sérieux ou pas, non? Si vous aimez les crêpes, faites des crêpes. — C’est pas aussi simple que ça la vie… — Ça devrait. Vous vous rendez compte que même pour rien faire, il faut de l’argent ? Je pense que tout le monde, devrait toucher un minimum d’argent chaque mois. Un salaire d’être humain. C’est comme ça que je vois le RSA.
Libre et Assoupi fait donc en passant une référence au revenu de base
, que Sébastien définit sans le nommer comme « un salaire d’être humain ». Ça fait plaisir de voir ce genre de questions soulevé dans un film aussi grand public !
Derrière ces questions « méta-politiques », Libre et Assoupi n’oublie pas qu’elle est une vraie comédie : il y a d’excellentes vannes, de très bons moments qui vous feront sans doute marrer, et ô joie, le film a l’excellente idée d’éviter tous les pièges classiques des comédies « à la française » (même si certains pourront être déçu-e-s par la fin).
Et les acteurs ?
Pour son premier « premier rôle » au ciné, Baptiste Lecaplain est excellent dans un personnage à contre-emploi (le mec est plutôt du genre pile électrique dans la vraie vie — cf ses apparitions sur madmoiZelle ou son Street Style). Félix Moati campe un personnage qui drague Anna en mode bien relou (Bruno, le fameux slipiste), mais qui se fait balader par ses deux colocs ; quant à Charlotte Lebon, elle est parfaite dans son rôle de jeune femme active qui n’en veut.
Ajoutons à ça que Libre et Assoupi est parsemé de petites références fantastiques, notamment un dialogue entre Bruno et Sébastien qui n’est pas sans rappeler les savoureuses saillies des Valseuses, et vous aurez compris que si vous cherchez une comédie sympa mais pas concon à regarder ce week-end au ciné, vous savez ce qu’il faut choisir !
(Merci à Rumplestiltskin de nous avoir signalé que ce film est une adaptation du roman Libre, seul et assoupi de Romain Monnery – éditions Au Diable Vauvert)
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Les Commentaires
Soit tu rentres dans les critères et tu as droit au RSA (ou à n'importe quelle autre prestation) soit non. C'est pas l'assistante sociale qui décide de qui a droit.
Je suis bien au courant, je suis assistante sociale en formation.
Donc le film ne stigmatise pas les bénéficiaires du RSA apparement mais il fait passer les AS pour des incompétentes? unno: