C’est l’incompréhension la plus totale qui nous a saisies en lisant l’information hier soir. Bill Cosby libéré. Sa condamnation annulée.
Prononcée en septembre 2018, un an après le début du mouvement #MeToo, elle représentait un moment charnière dans la lutte contre les violences faites aux femmes et surtout marquait la fin de l’impunité pour les auteurs, aussi célèbres et intouchables soient-ils.
Alors que s’est-il passé ? Si l’acteur, aujourd’hui âgé de 83 ans, a pu tranquillement rentrer chez lui, c’est en raison d’un vice de procédure. Cela signifie que les faits sont toujours là, malgré l’annulation de sa condamnation.
Bill Cosby est libre, mais pas innocent
Lisa Bloom, célèbre avocate spécialiste des affaires de harcèlement sexuel (tant du côté des victimes que des agresseurs, puisqu’elle a aussi conseillé Harvey Weinstein), a réagi sur Twitter :
« Les trois accusatrices de Bill Cosby que je représente et moi-même sommes écœurées de le voir libre aujourd’hui. Il n’est pas libéré car innocent. Il est libéré parce qu’un procureur lui a promis il y a des années qu’il ne passerait pas de nouveau devant la justice, sans même conclure un marché à l’époque. »
Cet accord date de 2005 — suite aux accusations d’agression sexuelle d’Andrea Constand, alors étudiante — et revient donc aujourd’hui comme un crachat aux visages de toutes les victimes de Bill Cosby. Il montre également que le système de justice reste au service des plus puissants, de ceux qui bénéficient de soutiens influents et surtout de moyens financiers importants pour assurer leur défense.
https://twitter.com/_the_memedealer/status/1410293094264852480?s=20
« Les gens en prison pour un gramme de weed en train de voir Bill Cosby en sortir libre. »
Pour cette raison, la Cour suprême de Pennsylvanie a donc tout simplement annulé la condamnation de Bill Cosby, provoquant ainsi la libération de celui qui a été accusé par plusieurs dizaines de femmes d’agressions sexuelles.
Andrea Constand et ses avocats ont fait part de leur déception, mais aussi de leur crainte des conséquences d’une telle décision de justice :
« Cela pourrait décourager celles qui veulent obtenir justice dans le cas d’agressions sexuelles […] de signaler ou de participer à des poursuites contre un agresseur ou de forcer une victime à choisir entre déposer une action pénale ou une action civile. »
Alors oui, on se dit qu’un truc ne tourne vraiment pas rond.
« Tout le monde : “Libérez Britney” »
L’univers : “Le mieux que je puisse faire c’est de libérer Bill Cosby” »
Mais au-delà de l’ironie et de la terrible misogynie de la justice américaine, on s’inquiète de voir qu’il est encore si facile de revenir en arrière.
Après #MeToo, l’heure du backlash ?
Bill Cosby a toujours clamé son innocence et parlé d’une machination contre lui. Au vu de ses quelques célèbres soutiens, dont Timbaland ou Ice T, la thèse de la conspiration a visiblement fait quelques adeptes qui se sont empressés de faire part de leur joie à l’annonce de sa libération imminente :
Notons que le mois dernier, la justice a refusé sa demande de liberté conditionnelle au motif que la star déchue a refusé de participer à un programme destiné aux auteurs de violences sexuelles.
Cette libération est-elle le le signal qu’un retour de bâtons s’opère toujours après plusieurs victoires des féministes ? Les agresseurs sont libres de rentrer chez eux sur un vice de forme, tandis qu’on interdit à des femmes d’être autonomes ?
À peine une semaine après le témoignage poignant de Britney Spears sur sa mise sous tutelle et son calvaire depuis plus de dix ans, on se demande combien de temps sommes-nous condamnées à subir ce « un pas en avant, trois pas en arrière ».
À lire aussi : Retour sur l’affaire Weinstein, le scandale qui a tout ébranlé
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Les Commentaires
Je n'arrive pas à trouver des infos sur ce point ? Et je connais pas le système du droit américain non plus... Mais en France, la cour de cassation peut casser une décision de justice pour vice de forme, ce qui implique un nouveau jugement.
Qu'il soit libéré en attendant un nouveau procès ça peut se concevoir, même si c'est dur pour les victimes de revenir là dessus. Par contre, au vu de tous les éléments, si ça en reste simplement là... ce serait ahurissant quoi.