Il est presque devenu notre petit rituel attendu de début décembre : au moment où déferle dans nos oreilles pour la première fois depuis douze mois All I Want For Christmas Is You et que l’on peut désormais commander du vin chaud au bar sans craindre d’être jugée, débarque aussi le désormais traditionnel Spotify Wrapped.
Poster frénétiquement notre top musical de l’année est devenu si commun, source de memes et d’analyses de notre mood de l’année qui s’est écoulée, et pardon d’avance à toutes celles et ceux qui ont misé sur Deezer ou Apple Music. Vous vous sentez probablement sur le banc de touche, mais pensez à celles et ceux dont le compte Spotify a été hacké par leur mouflet de 2 ans qui ne jure que par les Ogres de Barback et vous vous direz que finalement, vous ne loupez pas grand chose.
Ce que l’on sait moins, ou que certains ont oublié, c’est l’origine de ce succès de Spotify devenu désormais une coutume de fin d’année sur le web. C’est l’histoire d’une certaine injustice qu’a rappelée le compte Twitter musicstruggles : « Spotify Wrapped était sous forme de mail, mais cette ancienne stagiaire a eu l’idée d’en faire une story interactive; Spotify lui a volé l’idée sans la rémunérer pour cela. »
Comment Jewel Ham a révolutionné le Spotify Wrapped (sans en récolter les fruits)
L’histoire de Jewel Ham, la fameuse et créative stagiaire de Spotify, aujourd’hui artiste pluridisciplinaire reconnue et dont on vous recommande chaudement d’aller admirer les œuvres, ne vient pas d’être découverte.
Le 2 décembre 2020, elle prenait la parole sur Twitter pour réhabiliter son rôle dans le développement de Spotify Wrapped. Preuve à l’appui, elle a montré les visuels qu’elle avait conceptualisés en 2019. « Quand j’ai fait la présentation à la fin de mon projet de stage, ça a été très bien reçu. Ils ont beaucoup aimé l’idée. C’était mon dernier jour », avait-elle alors raconté à Refinery29.
Spotify s’est bien sûr défendu d’avoir exploité le projet de Jewel Ham, arguant que le Spotify Wrapped tel qu’on le connaît est le fruit de multiples contributions par nombre de ses employés au fil des années. Reste que la patte créative de Jewel Ham est assez reconnaissable. L’artiste avait pigé ce que voulait sa génération, ce qui allait lui plaire pour optimiser l’expérience et la rendre plus interactive et ludique, et l’avait mis en avant dans sa présentation. Ne restait plus qu’à Spotify de l’appliquer l’année suivante.
Il faut reconnaître une chose : dans le cas où elle aurait effectivement pompé le projet de Jewel Ham, la plateforme n’aurait rien fait d’illégal. « Au bout du compte, le problème n’est pas que Spotify a volé mon idée. C’est que je la leur ai donné », résumait amèrement Jewel Ham. Jeune stagiaire idéaliste, passionnée et motivée versus le géant de la musique en streaming, avait-elle une chance ? L’histoire met finalement en lumière le fait que des entreprises peuvent si facilement tirer profit gratuitement ou à moindre coût de la créativité, de l’audace et du talent de jeunes créateurs et créatrices visionnaires.
Spotify Wrapped, ou le faux cadeau d’une plateforme de streaming
Spotify Wrapped est donc devenu ce moment de culture web incontournable, qu’on le regarde avec dédain ou qu’on l’attende comme le Père Noël. Et en parlant de Père Noël, il faut reconnaître que ce cadeau que Spotify fait a ses utilisateurs est une redoutable et brillante trouvaille marketing qui repose sur notre désir de nous mettre en scène et notre capacité à croire que nous avons des goûts très originaux (alors que clairement, vous écoutez exactement la même chose que tout le monde).
Spotify me qualifie d’aventurière, mais j’ai écouté Beyoncé, Dua Lipa et Rosalia comme à peu près tous les utilisateurs de la plateforme, au lieu d’explorer la discographie de groupes pointus et confidentiels et de m’être nourrie de podcasts très intellos. En vrai, on se retrouve toutes à devoir assumer d’avoir écouté 4517 fois Dernière Danse de Kyo.
Soyons lucides : avec nos tops, notre « artiste phare de l’année » qu’on n’avait pas forcément vu parvenir en haut du classement, nos vertigineuses dizaines de milliers de minutes d’écoute au compteur, Spotify se fait une jolie publicité sur notre dos, en nous poussant à partager ce qui nous a fait vibrer en 2022, et en donnant aux utilisateurs de Deezer et Apple Music l’impression de louper quelque chose (encore désolée).
Pourquoi les récaps annuels nous font-ils autant de bien ? Ça nous rappelle qu’une année vient de s’écouler (et mon dieu, cela passe SI VITE) et qu’on est sûrement un peu différente d’il y a douze mois. La vie nous a roulés dessus, mais il est probable que de deux-trois trucs pas trop moches nous soient arrivés. Faire un bilan, c’est finalement très sain, cela permet d’absorber l’année passée, de la regarder avec plus ou moins de sérénité, et d’espérer que ce qui nous attend ne devrait pas être trop mal.
Jewel Ham avait clairement capté le truc.
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Les Commentaires
Sinon, parler d'un vol d'idée à cette jeune femme pour la création du Spotify Wrapped alors qu'elle était clairement stagiaire pour eux à cette époque n'est pas honnête. Si ce sont les mêmes lois qu'en France, tout ce que tu créés pendant ton stage appartient légalement à l'entreprise pour laquelle tu travaillais. Si elle leur a présenté son projet avant de partir, alors légalement ça leur appartient et il n'y a pas de vol qui tienne. Si elle ne voulait pas voir son idée exploiter sans rémunération supplémentaire que celle accordé pendant son stage, il fallait leur proposer une fois partie (et encore si elle a travaillé dessus pendant ses heures de travail, je ne suis même pas sûre qu'elle le puisse). Je trouve cette partie de l'article mal écrite et mensongère et je commence à me lasser de voir ce type d'article erroné sur cette plateforme que j'aimais beaucoup à l'époque mais qui commence à se vider de sa substance à chaque article écrit...