« Ici on peut être soi ». C’est ainsi que s’intitule la campagne nationale de prévention et de sensibilisation contre les LGBT+phobies en milieu scolaire, lancée mercredi 17 mai 2023 par le gouvernement. Dans son rapport annuel, publié le même jour, l’association SOS Homophobie, qui conduit des interventions dans les écoles depuis 20 ans, révèle en effet que 6 % des signalements qu’elle reçoit concernent des LGBTIphobies en milieu scolaire. Parmi les victimes, 56% sont mineures, et 84 % sont élèves. Dans 74% des cas, les auteur•ices sont aussi des élèves, qui agissent le plus souvent en groupe mixte (40%). Rejet, insultes, outing, violences physiques, harcèlement sur les réseaux sociaux… les méthodes sont multiples et les conséquences dévastatrices, alerte l’association. État des lieux avec Véronique Godet, co-présidente.
Interview de Véronique Godet, co-presidente de SOS Homophobie.
Madmoizelle. Quel rôle peut jouer l’école dans la lutte contre les LGBTiphobies ?
Véronique Godet. Pendant les années collège et lycée, les enfants passent plus de temps à l’école que chez eux. Il en va donc de notre responsabilité en tant qu’adultes d’être des modèles pour leur donner la possibilité de se construire dans la tolérance et l’acceptation de soi. Aujourd’hui, trop peu de professeurs sont formés à cela. Pourtant, si l’on parle des familles plurielles, arc-en-ciel, si l’on célèbre la fête des parents plutôt que la « fête des pères » ou « des mères », si l’on invente des contes avec deux princesses qui vécurent heureuses, que l’on inclut des personnes trans, que l’on explique l’intersectionnalité… Cela donne l’impression aux élèves qu’iels ne sont pas à la marge, qu’iels sont intégré•e•s dans le modèle social. C’est essentiel.
Vous constatez que les LGBTIphobies sont souvent le fruit d’un effet de groupe. Comment l’expliquer ?
Véronique Godet. Cela est lié à l’image de soi. Les années collège et lycée sont charnières pour la construction sociale. On s’interroge beaucoup, et dans ces moments, on a tendance à aller vers la dynamique la plus puissante. Il arrive, par exemple, que l’on ait des élèves qui se posent des questions sur leur orientation, mais qui vont tenir des propos homophobes pour s’intégrer dans le groupe dominant. La classe est un reflet de la société. Les élèves relaient la parole de leurs parents ; on a parfois des noyaux durs, constitués autour de convictions religieuses ou d’une éducation réactionnaire… Mais, on constate lors de nos interventions qu’il y a des positionnements qui se nuancent, quand on ne les juge pas, quand on prend le temps de déconstruire les stéréotypes, quand les élèves prennent conscience de la violence de leurs propos et de l’impact concret qu’ils peuvent avoir.
Quel rôle jouent les réseaux sociaux dans la propagation des LGBTIphobies ?
Véronique Godet. Ce sont des caisses de résonance. Une insulte sur internet est multipliée à l’infini et récupérée par des personnes que l’on ne connait même pas. Le harcèlement est amplifié, on se retrouve sans aucun espace safe : harcelé à l’école, on est pris dans un continuum de violence qui se poursuit en ligne quand on rentre à la maison. Il est très difficile de se construire dans un tel réseau de violence. Et puis, certains influenceurs LGBTI véhiculent des images complètement déformées de nos vécus, avec cette idée que si on ne se démarque pas, on est invisibles. Le rôle de nos interventions est aussi de normaliser l’existence des personnes LGBTI.
Que penser de la campagne « Ici on peut être soi » du gouvernement ?
Véronique Godet. Je suis favorable à ce qu’il y ait des campagnes, si elles sont appliquées dans tous les établissements, accompagnées de discussions, d’apprentissages, de réflexion de groupe, si les professeurs sont formés… Une campagne d’affichage seule ne suffit pas. C’est une mesure de bonne conscience. On a un gouvernement qui n‘ose pas prendre de vraies mesures donc on se retrouve avec une campagne qui ne permet pas une réelle sensibilisation. Il faut que l’état alloue les moyens nécessaires à cette sensibilisation, à la formation du corps enseignant sur ces questions. Il faut qu’il s’assure à tout prix que le sujet ne soit plus tabou… Et, il faut lutter contre la rupture d’égalité sur le territoire en impliquant tous les établissements, et donc tous les élèves, sans exception.
En quoi consistent les interventions en milieu scolaire de SOS Homophobie ?
Véronique Godet. Pendant deux heures, nos bénévoles sont d’abord formés, puis ils réunissent les élèves dans un espace sans adulte extérieur, pour que la parole soit confidentielle. Ensemble, on déconstruit les stéréotypes et les idées reçues, on amène les élèves à réfléchir sur les discriminations, sur comment elles fonctionnent, en commençant par le sexisme qui influence forcément la manière dont on envisage la masculinité par exemple, et qui est donc un terreau pour l’homophobie.
On les fait aussi réfléchir sur les conséquences de leurs paroles, du rejet, de l’homophobie, de la transphobie… On en profite pour faire un rappel à la loi : être gay, bi, lesbienne, trans n’est pas illégal. Être homophobe, lesbophobe, transphobe et le manifester… l’est. Enfin, on leur propose de poser des questions anonymement, et on les rassure sur leur place dans ce monde. Aujourd’hui, un quart des appels de jeunes que l’on reçoit évoquent un mal de vivre qui est lié au fait qu’iels ne peuvent pas être qui iels sont. C’est parce que l’on est dans une société qui ne nous permet pas d’être qui l’on est.
En 2022, SOS homophobie a sensibilisé près de 30 000 élèves dans toute la France grâce à ses bénévoles. Vous souhaitez vous engager à ses côtés et animer des interventions en milieu scolaire ? Inscrivez-vous sur www.sos-homophobie.org
Vous aimez nos articles ? Vous adorerez nos newsletters ! Abonnez-vous gratuitement sur cette page.
Les Commentaires
Il n'y a pas encore de commentaire sur cet article.