Pour cette exposition, dont le titre est une référence au film “Le Magicien d’Oz” (1939), culte dans la communauté LGBTQI+, le Centre Pompidou a été fouillé dans ses propres archives et dans celles de la bibliothèque Kandinsky. En un peu plus de 500 œuvres (revues, livres, photographies, tableaux, archives vidéos et sonores…), elle raconte une histoire de la communauté LGBTQI+, dans ses luttes et ses sexualités plurielles, avec un fil rouge à la fois thématique et chronologique, parfois un peu sinueux.
L’art est militant
La visite débute par le Paris des lesbiennes, avec des peintures datant des années 1910, comme la délicate huile sur toile “Femmes à la colombe” (1919) de Marie Laurencin. L’artiste fréquente le “Salon de l’Amazone”, tenu par l’écrivaine américaine Natalie Clifford Barney, qui réunit la crème des artistes lesbiennes et bisexuelles de l’époque. Ce lieu d’échanges intellectuels, amicaux et amoureux voit passer les écrivaines Colette et Djuna Barnes, l’actrice Greta Garbo ou la collectionneuse Gertrude Stein. La peintre Romaine Brooks, dont on peut admirer l’autoportrait “Au bord de la mer” (1914), portraiture ces visiteuses dans des tenues masculines, qui jouent avec les codes vestimentaires genrés.
Durant la période de l’entre deux-guerres, qui ne pénalise pas l’homosexualité en France, les artistes et les intellectuel·les sont les seul·es à faire œuvre de militantisme. Un espace de l’exposition est dédié à la figure de Jean Cocteau, qui publie en 1928 “Le Livre Blanc”. Dans ce classique de la littérature homosexuelle, il fait le récit poétique de ses premiers émois. S’il ne revendique pas une démarche militante telle qu’on peut l’entendre de nos jours, ses mots le sont, tout comme ses dessins érotiques. D’autres artistes, comme Claude Cahun, Louis Aragon ou René Crevel défendent l’homosexualité, tandis que les Surréalistes ouvre un débat sur ce thème.
Réservée à un public adulte averti, l’exposition fait la part belle aux photographies de nus homosexuels de George Platt Lynes ou Raymond Voinquel, mais aussi lesbiennes avec les clichés de Germaine Krull et Florence Henri. Les poses masculines convoquent l’imaginaire de l’Antiquité grecque tandis que les nus féminins s’affranchissent du male gaze. On croise aussi les dessins érotiques d’Andy Warhol, réalisés dans les années 50. Force est de constater que le phallus tient une place importante dans l’expo, tandis que les vulves se font plus rares.
Sous-cultures homosexuelles
Plusieurs artistes, comme Man Ray ou Brassaï, se saisissent de l’imaginaire de ce qu’on nomme à l’époque les “inverti·e·s”. On découvre des clichés pris lors du légendaire bal de Magic City dans les années 30 et dans d’autres lieux nocturnes du Paris interlope (les lieux de fête gays et lesbiens des années 1900 à 1940), comme le cabaret lesbien Le Monocle. En 1930, la peintre danoise Lili Elbe est la première femme trans connue à mener à son terme un processus de chirurgie de réattribution sexuelle. Sa femme, la peintre Gerda Wegener, en a fait sa muse.
Les années 50, particulièrement répressives, voient se développer un imaginaire homosexuel souterrain, avec le travail d’artistes comme Jean Boullet ou Jean Genet. Ce dernier tourne un film érotique “Un chant d’amour”, rencontre sexuelle entre deux prisonniers, longtemps censuré. Les années 60 voient émerger la culture du cuir dans l’imaginaire homoérotique et lesbien. Cet art de vivre sadomasochiste ouvre le champ des possibles dans les pratiques sexuelles BDSM. Cette section propose des œuvres de Del LaGrace, Volcano ou Robert Mapplethorpe.
Le militantisme est artistique
La dernière partie de l’exposition est dédiée à l’émergence du militantisme dans les années 70 et à l’apport des artistes dans ce contexte. Une grande place est faite aux revues LGBTQI+ qui ont vu le jour au 20e siècle, comme Le Torchon brûle, la publication du MLF, et aux manifestations militantes, comme celles du Front homosexuel d’action révolutionnaire ou des Gouines rouges (dont fait partie la penseuse et militante lesbienne Monique Wittig).
Dans les années 80, l’heure est à l’activisme anti-sida. On découvre la grande richesse créative déployée par les militant·es·s pour alerter l’opinion publique, dans ses banderoles, ses visuels (le poster “He kills me” de Donald Moffett dénonce l’inaction du président Ronald Reagan) et ses happenings. L’affiche de l’exposition, où figure un homme travesti en bonne soeur avec la pancarte “Thank God I’m gay” (“Dieu merci je suis gay”), prise dans le mythique quartier de Castro à San Francisco par Jean-Baptiste Carhaix, fait partie d’une série de clichés sur les Sœurs de la Perpétuelle Indulgence, un mouvement militant de “drag-nonnes” toujours actif.
L’exposition s’achève avec la naissance du mouvement queer dans les années 90, qui trouve un écho dans l’art avec les oeuvres de Pauline Boudry ou Renate Lorenz. Il s’agit de réfléchir à l’expression de genre et à des sexualités libérées des catégories. La suite de l’histoire LGBTQI+ et de ses rencontres artistiques reste à écrire. En attendant, cette exposition plaisante mais un peu décousue, a le mérite de dresser un large panorama, dans lequel chacun·e peut piocher à sa guise.
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