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Cinq lettres anonymes jamais envoyées, mais publiées ici

Y a-t-il des lettres que vous avez toujours eu peur d’envoyer ? La rédac de madmoiZelle s’est elle-même prêtée au jeu des lettres secrètes…

Cet article a été rédigé dans le cadre d’un partenariat avec Bayard. Conformément à notre Manifeste, on y a écrit ce qu’on voulait.

Dans son livre Je voulais juste te dire…, Emily Trunko a réuni les plus belles lettres anonymes qui lui ont été envoyées sur son Tumblr.

je-voulais-juste-te-dire-couvClique sur l’image pour te procurer le livre

Ces lettres sont aussi bien des lettres d’amour vers l’être aimé que des lettres d’enfants à leurs parents, ou même des lettres au monde entier. Elles peuvent être aussi des lettres de douleur, de rupture, de deuil.

Bien qu’elles soient des parcelles de la vie de leurs auteur•es, on y trouve des échos à sa propre vie.

Une certaine EnjoyPhœnix s’est d’ailleurs prêtée à l’exercice et signe l’une des lettres anonymes de cet ouvrage…

Alors voici nos propres lettres secrètes, celles que l’on a jamais osé envoyer, mais qui, ainsi publiées, pourront peut-être vous encourager à le faire.

« Cher Papa, je t’aime fort, même si je te le dis jamais »

Cher Papa,

Ça paraît un peu bizarre de te faire une lettre anonyme, non ?

Après tout, on s’entend bien, on s’appelle tous les 15 jours, et au plus fort de ma crise d’ado j’ai jamais été fâchée contre toi.

Mais même si on parle deux ou trois fois par mois, on ne se dit pas grand-chose, au fond, j’ai l’impression.

C’est que t’es un taiseux, Papa, un pudique, et moi aussi. Maman et toi, vous avez jamais été trop du genre à dire « je t’aime », à être expansifs, du coup ça a déteint sur moi.

C’est pas vraiment une surprise si j’ai plus de facilités à t’écrire, au final.

À lire aussi : Mon père et moi, une relation à entretenir — Fête des pères 2016

Cher Papa, je t’aime fort, même si je te le dis jamais. Tu restes un cap, un genre de repère quand je suis paumée.

T’es l’homme le plus intègre que je connaisse, droit dans tes bottes et dans ton respect de l’autre, et tu m’as transmis ces valeurs. Quand je doute, ça m’aide à me décider.

On se voit plus très souvent, Papa, depuis que je vis à la capitale, que le train est cher et que j’ai tendance à être un peu trop occupée. Alors tu me manques.

Bientôt je reviendrai à la maison pour les fêtes, et j’ai hâte de te faire un de nos micros-câlins gênés de 4 secondes pour sentir l’odeur de tabac et de feu de bois dans le col de ta chemise.

T’as tes défauts, bien sûr, et je les ai aussi un peu je crois. Mais c’est pas grave, je t’aime comme ça.

À lire aussi : Quatre leçons que je tiens de mon père — La leçon de la semaine, par Sophie Riche

Vieillis pas trop vite, cher Papa, t’as encore plein de choses à vivre, des fjords à voir et des aurores boréales à découvrir. Peut-être même que je viendrai avec toi, tiens.

Je t’aime fort, cher Papa. Promis, j’essaierai de le dire, cette fois.

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« Tu m’as donné envie de devenir plus positive »

Salut Paco,

Quand j’avais 15 ans, il y a 9 ans, je suis partie en colo avec toi.

Toi, t’étais animatrice et t’étais sacrément cool. Toujours optimiste, toujours pleine de bonnes idées et toujours à l’écoute.

J’en avais bien besoin, parce que moi, j’étais tout le contraire.

T’étais un poil trop vieille pour faire ce job. Cela dit, je crois que tu ne nous as jamais donné ton âge…

Je sais juste qu’un jour, je me suis levée avant tout le monde et je suis tombée sur un message écrit que tu avais laissé au milieu de la salle commune. Il était adressé au directeur et aux autres animateurs.

Tu disais que tu abandonnais, que tu étais trop fatiguée, que tu étais désolée mais que tu n’y arrivais plus. Que tu t’étais enfuie à la gare pour prendre le premier train et que tu t’excusais encore et encore.

À lire aussi : Les colonies de vacances — Les madmoiZelles témoignent

J’ai averti le directeur qui est parti te chercher. Tu as pris une journée de pause et le lendemain, tu es revenue animer la colo comme si de rien était.

Je ne sais pas s’il t’a dit que c’était moi qui avais trouvé ta lettre, mais j’ai décidé de garder cette histoire secrète.

Je l’ai tenue secrète alors que j’étais la reine des commères parce qu’il y a quelque chose que je ne t’ai jamais dit. Paco, tu as été très importante pour moi.

Tu m’as insufflé l’envie d’être animatrice à mon tour, tu m’as donné envie de devenir plus positive, d’aller au-delà de mes limites.

Tu as créé un vent de courage dans ma vie à un moment où j’en avais besoin, et pour ça, je voulais te dire merci.

« Je ne me rendais pas compte que la vie peut s’arrêter comme ça, sans prévenir »

Keanu, j’ai maintenant 24 ans. Toi tu es resté à 17 ans, pour toujours.

Je pense que la dernière fois qu’on s’est vus, j’avais 14 ans, l’âge ingrat haha ! En fait, la lettre que j’aimerais t’écrire c’est sûrement cette conversation qu’on a jamais eue avant que tu meures.

Ça serait beaucoup de banalités de type : comment vas-tu ? Et les cours, ça se passe comment à New York ? T’as une copine ? Tu compte faire quoi après ton bac ?

Je regrette sincèrement de ne pas t’avoir sorti ces banalités avant ce jour fatal. J’avais la tête prise par mes soucis d’adolescente. Je ne pensais qu’à courir, aller de l’avant sans m’arrêter forcément.

Je ne me rendais pas compte que la vie peut s’arrêter comme ça, sans prévenir.

Il y a plein de choses qu’on a pas pu faire ensemble. Par contre je peux te jurer qu’il y a plein de choses que j’ai faites et que je fais encore en pensant à toi.

C’est con, mais depuis que tu es plus là physiquement, tu es toujours présent quelque part avec moi.

Tu serais ravi d’apprendre que j’ai arrêté de courir et que je prends le temps de partager des banalités, notamment avec ta maman restée aux États-Unis. J’essaye de garder à l’esprit que tout peut s’arrêter, que la vie n’est pas un dû et qu’il ne faut pas hésiter à dire aux gens qu’on aime, qu’on les aime.

Je t’aime Keanu. Tu es toujours là, tant que je suis là, tant que les autres personnes qui t’aiment sont là.

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« Tu n’as pas à aller à l’encontre de ce que tu es »

Salut toi,

Tu as dix-sept ans, et je sais qu’une urgence, une envie de changer de vie et de repartir de zéro t’empoigne férocement le ventre.

Je sais que tu deviens désagréable avec les gens autour de toi, que tu prends tes distances, et que tu cherches à ce que les autres en prennent avec toi.

Je sais que tu vis dans la frustration, que tu n’es pas aussi épanouie que tu devrais l’être.

Je le sais parce que tu es moi. Enfin, j’étais toi.

À travers cette lettre, j’aimerais te dire ce que j’aurais aimé pouvoir venir te glisser à l’oreille : tu n’as pas à aller à l’encontre de ce que tu es.

Si les gens autour de toi ont tendance à se montrer sceptiques devant tes blagues, c’est parce qu’ils ne savent pas apprécier ton humour.

S’ils te font des remarques sur le moindre changement que tu opères sur ton apparence, c’est qu’ils ne sont pas véritablement bienveillants.

S’ils se moquent de ceux pour qui ton cœur bat, c’est qu’ils n’ont peut-être pas particulièrement envie de te voir heureuse.

Tu sens un malaise au creux de toi, tu n’arrives simplement pas encore à mettre le doigt dessus. Mais rassure-toi, le changement que tu espères va avoir lieu.

D’autres vont se rendre compte que tu es drôle, et vont en plus te faire rire. Tu vas te rendre compte à quel point l’humour était si primordial pour ton bien-être.

Tu auras toutes les libertés pour t’habiller, te maquiller, arriver le matin en jolie robe ou en gros sweat, sans que personne ne viennent te faire la moindre remarque.

Tu vas te rendre compte à quel point cette liberté t’est précieuse.

Tu pourras mener ta vie affective comme tu l’entends, chercher à être attirante et faire le premier pas sans sentir des yeux rivés sur toi. Tu vas te rendre compte à quel point ta vie privée est un trésor que tu vas avoir envie de garder jalousement pour toi.

Et tu vas constater comment la vie va, naturellement, t’éloigner des personnes emprisonnantes pour ne garder que les meilleures, celles qui vont t’aider à t’épanouir et à montrer qui tu es vraiment.

Alors à défaut d’avoir pu t’aider au moment où tu en aurais eu besoin, je t’en prie, prends patience. Et puisse cette lettre être utile à d’autres.

À lire aussi : Comment j’ai appris à sortir sans maquillage

« Je comprends des choses que je n’ai pas comprises quand j’étais plus petite »

Papa, Maman,

Je ne vous le dis pas souvent, je ne vous le dis pas assez, mais je vous aime. Je vous aime grand comme moi.

Même si je me remettrais certainement jamais de votre séparation malgré les quinze années qui se sont écoulées, parce que j’ai toujours ces souvenirs qui me reviennent en tête, qui me brisent et qui me font fondre en larmes chaque fois que j’en parle ou que j’y pense.

Mais je grandis, alors je comprends.

Je comprends des choses que je n’ai pas comprises quand j’étais plus petite. J’ai appris à vous voir comme des personnes à part entière, avec une histoire (que je ne connais pas forcément), pas simplement comme mon papa et ma maman.

C’est bête à dire, mais c’est un pas énorme.

Je réalise aussi tout ce que vous avez fait pour moi, je réalise tout ce que vous m’avez aimée et tout ce que vous m’aimerez encore pendant des années.

Je prends conscience que ça ne doit pas être facile tous les jours d’être mes parents. Je me rends compte comme ça doit être compliqué pour vous par moments, parce que j’appelle trop peu et que je ne suis pas très bavarde.

Alors, je vous écris. Vous m’avez tellement appris et tellement donné, j’ai l’impression de n’avoir jamais dit merci. Peut-être ne l’ai-je jamais dit après tout.

Papa, merci de m’avoir fait écouter de la bonne musique, d’avoir été si honnête avec moi et de m’avoir autant parlé — même si je te dis que tu radotes.

Merci de m’avoir laissé cette liberté délimitée. Merci pour cette petite soeur qui n’a pas de prix.

Maman, merci pour ta force d’esprit incroyable, merci d’avoir supporté mes crises de larmes. Merci de m’avoir transmis ton sourire, ton amour de la culture, tes idées sur la solidarité et le respect.

Merci de m’avoir fait découvrir Poudlard. Merci de m’avoir soutenue.

Merci à tous les deux pour les souvenirs merveilleux que je garde des dix années que vous avez passées ensemble, de vos disputes, des jours où je venais vous réveiller dans votre lit, des matins de Noël où le salon était en bordel.

Merci pour la balançoire, merci de m’avoir laissée grimper au cerisier pour manger toutes les cerises mûres, merci de m’avoir laissée complètement libre de mes mouvements, merci de m’avoir remis sur un vélo, merci d’avoir si bien accueilli mes ami•es, merci d’avoir toujours été les meilleurs parents du monde.

Je vous aime très fort.

À lire aussi : Papa, Maman, je ne serai jamais celle dont vous rêviez

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Bayard organise un concours de la plus belle lettre anonyme : le ou la grande gagnante se verra publié•e dans le tome 2 de Je voulais juste te dire... Pour participer et espérer découvrir tes mots sur papier, ça se passe sur Instagram !

Pour te procurer Je voulais juste te dire…, rendez-vous sur Place des libraires, Amazon ou la Fnac

Et toi, à qui aimerais-tu envoyer une lettre sans oser le faire ?


Écoutez Laisse-moi kiffer, le podcast de recommandations culturelles de Madmoizelle.

Les Commentaires

8
Avatar de Mullipa
20 novembre 2017 à 08h11
Mullipa
@Lanfear C'est un super format je trouve, ça te permet de t'exprimer auprès de gens quand tu n'oses pas leur parler directement (ou que tu sais que ça ne sert à rien car ils ne t'écouteront pas), mais ça te permet aussi, une fois que tu l'as écrit, d'affiner ta pensée, de te dire "non, en fait c'est pas vraiment ça que je pense" ou "ce terme ne représente pas exactement mon ressenti" et le jour ou tu en parles vraiment, tu sais un peu mieux où tu en es. Et quand tu les relis plus tard, tu vois comment tu as avancé

Je me lance, je publie la mienne :

Maman,

Tu ne liras probablement jamais cette lettre, mais j’ai besoin de te l’écrire. Ceci résume bien notre relation je trouve, les besoins que j’attendais que tu combles, j’ai dû m’en débrouiller. Tu n’as pas de place dans ma vie parce que tu ne l’as jamais prise. Tu n’as jamais vraiment joué avec moi. Tu n’as jamais écouté ni été là quand j’avais mal au cœur ou à l’esprit. Certes, pas par méchanceté, ni par mépris, ni par désinvolture, tu as ta propre histoire qui t’a éloigné de toi, de ce que tu es réellement, et aujourd’hui tu n’es plus capable de tout ça, plus capable de revenir en arrière. Je ne t’en veux pas Maman, j’ai beaucoup de peine pour toi et pour ce que tu as du vivre, mais j’ai mal parce qu’on m’a privé de toi. La personne que j’ai face à moi aujourd’hui n’est liée à moi que par le sang, une moitié de gènes, un nez qui bouge quand il parle. Plus par des émotions.

Je ne suis plus une petite fille, Maman. Je n’ai plus besoin et je n’ai plus envie que tu me nourisses, que tu décores mon intérieur à ma place, que tu te permettes de parler à mes amis et collègues comme tu parlerais à la maîtresse ou aux parents de mes copains de classe. Tu t’imposes dans ma vie sans me demander ce que je veux, ce dont j’ai envie, ce dont j’ai besoin. Et j’aimerais que cela cesse. Mais je ne pourrais jamais te le dire tout ça. Tu as déjà vécu ça avec ta propre mère, tu ne pourrais pas supporter d’endosser son rôle à ton tour.

Sais-tu ce dont j’aurais eu besoin, Maman ? J’aurais voulu qu’on parle ensemble. Que tu m’apprennes à cuisiner. Que tu m’apprennes à me maquiller, plutôt que simplement me dire ce qui te paraissait vulgaire. Que tu me consoles de mes premiers chagrins d’amour, de mes chagrins d’amitié. Je voudrais pouvoir te parler de mes peurs sans sentir la tienne. Je voudrais pouvoir te dire que je souffre du trouble dysphorique prémenstruel (TDPM, pour les intimes) qui me fait croire que je n'ai plus envie de vivre, quelques jours par mois. Je voudrais qu’on puisse se parler de ce que l’on est, de nos doutes, de la vie dans l’absolu, qu’on ne se contente pas de se donner les nouvelles du front. Du fond, plutôt que de la forme. Mais tout ça je ne l’aurais jamais. Alors je m’éloigne de toi, irrémédiablement. Je ne le veux pas, mais rien ne m’attache plus à toi que de la théorie d’amour maternel qui voudrait nous faire croire qu’une mère aime naturellement ses enfants de la meilleure façon qui soit. Et que donc il ne faut pas s’en détacher. Tu es la première à savoir que c’est faux, n’est-ce pas ?

Je renonce à toi Maman, je ne veux plus attendre cet idéal maternel que je n’aurais jamais. Je veux apprendre à le combler seule, parce que je n’aurais pas le choix. Je te souhaite plus que tout d’être heureuse un jour. Et je te le promets, je le serai aussi.
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