Chère solitude,
Tu vas peut-être trouver ça drôle que je t’écrive alors que je t’ai longtemps fuie voire même détestée. Mais on va être coincées toutes les deux pendant un moment, alors, autant que je te parle, non ?
Solitude, je t’ai souvent détestée
C’est vrai que je ne t’aimais pas trop avant.
T’as toujours été là quand je n’avais pas besoin de toi, à vrai dire. Ben oui, quelle idée de débarquer quand (bon ok, par ma faute) je fais face à des situations gênantes ?
Tu en as même créé un concept tellement tu trouves ça drôle : les moments de solitude. Le malaise que tu produis dans ces cas-là, merci, mais non merci.
Tu débarques même quand j’ai besoin d’être entourée dans les moments les plus difficiles, et tu me fais croire que personne ne sera jamais capable de me comprendre. Et je dois avouer que tu es plutôt convaincante.
Le pire que tu puisses faire, c’est m’accompagner (enfin me coller au cul, oui !) face aux épreuves les plus difficiles que j’ai pu traverser. Tu te crois mieux placée qu’une amie, une sœur ou une mère pour m’aider à remonter la pente, peut-être ?
Enfin bref, tu vois bien que je ne faisais pas de toi une alliée pour la vie. Tu dois rire aux éclats, là.
Bon, ne te marre pas trop quand même.
Solitude, j’ai cherché en toi mon indépendance
Ben oui, si je ne t’aime pas, pourquoi j’ai décidé de partir vivre toute seule dans une petit studio, livrée à moi-même, aux factures, aux impôts, et à l’indiscutable dilemme du « putain, je vais bouffer quoi ce soir » ?
Et bien tout simplement parce qu’à mes yeux, tu te conjuguais très bien avec indépendance et liberté. Et ça n’avait pas de prix pour moi.
Je me souviens de ma première nuit dans mon 20 m². Atroce.
Tu m’as rendue si triste. Mais il faut bien que je l’admette, tu m’as vite montré tous les avantages que tu allais pouvoir m’offrir.
Faire ce que je veux sans rendre de compte à personne. Rentrer ronde sans personne chez moi pour me juger (promis maman, c’est pas arrivé si souvent que ça).
Ou encore me goinfrer en culotte devant High School Musical sans qui que ce soit pour me gâcher ce moment de pur plaisir.
Solitude, j’ai essayé de t’évincer
Mais malgré ces bons côtés, ta présence me pesait de plus en plus. Alors j’ai multiplié les sorties et même fait en sorte de trouver des petits boulots qui me permettaient d’être entourée au quotidien.
Avec cette vie-là, j’appréciais alors quelque fois ta compagnie quand j’avais besoin de calme et de me retrouver un peu. Mais jamais trop longtemps.
Dès que tu t’installais un peu trop et que tu me faisais ressentir tristesse et remise en question puis que l’introspection devenait trop profonde, je cavalais vers compagnie pour me sentir un peu mieux.
Et, compagnie, elle est vachement plus cool que toi. Enfin, quand elle est bonne.
Solitude, je dois vivre avec toi pendant la pandémie
Quand la crise sanitaire est devenue une réalité et que j’ai compris que le confinement était inévitable, tu m’as foutu une peur bleue.
Qu’est-ce qu’on allait bien pouvoir faire toutes les deux pendant autant de temps ? Surtout, pendant combien de temps allais-je réussir à te supporter ?
Je dois bien avouer que les premiers jours ont été particulièrement compliqués. Quel ennui.
Je t’entendais me parler au loin. Tu me disais que cette période serait parfaite pour enfin me poser les bonnes questions sur ce que je suis, ce que je veux, et tout reprendre à zéro.
En plus, tu m’as fait un sacré cadeau empoisonné. Tu étais vraiment obligée d’inviter ta copine anxiété dans notre coloc ?
Tu sais très bien que je la déteste plus que toi.
Elle n’a vraiment pas été cool, en plus. Elle était là, à me pousser dans les bras de la peur
.
La peur de tomber malade, la peur de ne pas savoir comment j’allais reprendre ma vie à la fin de cette période, la peur de devenir folle, mais surtout, la peur de ne faire plus qu’un avec toi.
Alors les deux premiers jours, j’ai préféré végéter et tuer le temps devant des séries pour t’oublier au maximum et faire comme si tu n’étais pas là.
Mais je vais être honnête, c’était une grosse erreur. On allait devoir cohabiter toutes les deux pendant un bon bout de temps, il fallait bien que j’essaie d’apprendre à te connaître un minimum.
Solitude, ma partenaire pour prendre soin de moi
Et puis tu as fini par devenir intéressante. Tu m’as fait comprendre que même si tu étais là et que je n’allais pas me débarrasser de toi de si tôt, j’étais entourée, même à distance (apéro-visio tmtc).
Tu m’as aussi fait réaliser que même si tu étais propice à l’introspection profonde et à la remise en question perpétuelle, je n’étais pas obligée d’y plonger la tête la première, et que j’avais le droit de ne PAS apprendre à connaître mon moi profond en passant trop de temps avec moi-même.
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Alors je me suis dit que si je voulais vivre cette période sereinement, il fallait que je coopère avec toi.
Je me suis posée deux secondes (avec une bière, quand même, faut pas déconner), et j’ai fait une liste de toutes les choses que je pourrais faire durant tout ce temps.
Lire, trier, ranger, écrire, apprendre des trucs que je n’avais pas encore appris. Construire de nouveaux projets, réfléchir doucement mais sûrement à mon avenir.
Mais tu as surtout fait quelque chose dont je te serai éternellement reconnaissante. Tu m’as appris à profiter de ce temps pour prendre soin de moi.
C’est grâce à toi que j’ai commencé à changer mes habitudes et à enfin prendre les décisions qui s’imposaient pour m’aimer à nouveau.
Car comme tu l’as remarqué, mon corps et moi, nous ne sommes pas de grands copains. Et à cause de ça, mon quotidien était ponctué de séquences du style :
« Mon dieu, regarde moi ce merdier, ça ne va pas du tout.
Bon bah go Netflix avec du chocolat pour me détendre. »
Sacré cercle vicieux.
J’essaie donc de faire ce qu’il faut, à mon niveau, pour me réapproprier mon corps, afin que l’on devienne de bons amis, lui et moi.
Et tu es une incroyable acolyte.
Qui de mieux que toi pour réfléchir à ce que je peux faire et prendre le temps de mettre ces changements en place ?
Étonnamment, tu m’as ramenée miss sérénité pour démarrer ce processus, qui ne m’effraie plus du tout.
La grande dame confiance a pointé le bout de son nez, et crois moi, ça fait un bien fou.
C’est grâce à toi que j’apprends enfin à m’écouter et à suivre mes envies sans culpabiliser.
Je ne m’oblige à rien et je prends le temps de me regarder d’un œil beaucoup plus bienveillant. Et je vais retenir la leçon pour quand on sortira !
+15 points dans mon compteur de like pour toi.
Solitude, finalement, je t’aime bien
Dans tout ça, anxiété s’accroche, quand même. Jamais loin, celle-là. Surtout quand je dois penser à mon avenir, sa sœur angoisse débarque. Pour anxiété et elle, c’est la fête du slip.
Et encore une fois, tu es venue à la rescousse. Ne commence pas à devenir trop indispensable, hein.
Tu m’as permis de prendre le temps de travailler à la gérer, de la tempérer, et je ne t’en remercierai jamais assez. Grâce à ça, je sais que tout finira par s’arranger, et que ça ira pour moi.
Alors tu vois, finalement, je crois que je t’aime bien. Mais je te préviens, quand le confinement sera terminé, je te mettrai un peu de côté.
Compagnie me manque beaucoup et puis bon, je vais avoir besoin d’un peu de soleil.
Je vais te faire une place dans ma vie, et chaque fois que tu t’imposeras à moi pour je ne sais encore quelle raison, j’essaierai au mieux de gérer avec toi.
Il se pourrait que quelque fois, compagnie prenne le pas sur toi, car je n’aurai pas du tout envie d’être avec toi en permanence. Malgré toutes tes qualités, dans certaines situations, tu ne seras pas celle dont j’aurai besoin.
La fête et les amis feront très bien l’affaire. Et comme grâce à toi, maintenant, je m’écoute mieux, ben je te swiperai vers la gauche si j’en ai envie. Sois patiente, je finirai par avoir besoin de toi, c’est sûr.
Ne t’inquiète pas, je ne te garde pas loin de moi, juré. Merci d’être toi.
Pour lire plus de textes de Bettina et la suivre, tu peux aller faire un tour sur son blog, Les Humeurs de Betty !
À lire aussi : La solitude, à la fois l’amie et l’ennemie des madmoiZelles
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