Mise à jour du mardi 10 octobre 2017 — À l’occasion de la journée mondiale de la santé mentale, je ressors cet article écrit pendant mes #62jours d’introspection.
J’y ajoute ce témoignage, qui revient plus en détail sur mon propre parcours face à mes problèmes de santé mentale, dont la dépression est l’un des avatars.
— Publié le 23 juillet 2017
Précédemment dans #62jours : La martyre et la super-héroïne qui sommeillent en moi
Je suis sur une série de réflexions où je me regarde moi-même. Ça m’a permis d’identifier le filtre de la colère, qui brouille ma vision du monde, mais aussi à quel point la façon dont je me vois influence le potentiel que je me donne.
Toujours dans cette lancée, je vois mieux mes forces, et mes faiblesses. C’est pourquoi, aujourd’hui, quand je me suis assise devant mon clavier, c’est cette lettre qui m’est venue (20 minutes d’écriture).
(Aussi, j’avais du mal à trouver l’inspiration ces jours-ci, mais vu ce que je viens de lâcher, ça devrait revenir !)
Lettre de rupture, à ma dépression
Il faut qu’on parle. Toi et moi. Mais il faut que tu m’écoutes, cette fois. Parce que ce sera la dernière. Il le faut.
Il le faut parce que j’en peux plus qu’on se sépare et qu’on se remette ensemble. Je suis pire qu’une caricature de tragédie romantique. Je suis la mijaurée qui se veut être une femme forte et indépendante, mais qui revient sans arrêt pleurer dans les bras de son connard d’ex.
Il ne lui apporte rien de bien, mais à ses yeux à elle, il est indispensable. T’étais un peu comme ça, à mes yeux à moi, tu sais. Une partie de moi, sans laquelle je ne tiendrais pas debout.
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Mais j’avais tort, tu sais. Tu n’es pas une partie de moi, tu viens combler un vide qui fait partie de moi. Nuance. Et elle est de taille, cette nuance. Elle signifie que je peux combler ce vide autrement. Je peux accepter que ce vide existe, aussi. Peut-être qu’un jour j’arriverais à l’accepter.
En attendant, je commence par accepter ça: tu ne fais pas partie de moi. Et je ne veux plus que tu fasses partie de ma vie.
J’ai le droit d’être triste sans toi
Je suis à la fois soulagée et paniquée à l’idée de tourner cette page, enfin. Je sais que ce n’est pas la première fois qu’on se sépare, mais je veux que celle-ci soit effectivement la dernière. Je ne veux plus que tu reviennes. Je veux continuer sans toi.
Je peux continuer sans toi.
Je sais ce que tu vas me dire. On ne guérit pas de la dépression, on est dépressive, c’est pour toujours, les épisodes vont et viennent… Oui mais non. J’en ai décidé autrement.
J’ai décidé que j’avais le droit d’être triste, d’être fatiguée, de manquer de motivation et d’énergie. Mais tu n’as plus le droit de me convaincre que c’est normal, de m’entraîner plus bas encore, me voler le repos que je prends… transformer ce repos en poison qui me paralyse.
On est en pause, mais je décide que ce sera définitif
Je t’écris cette lettre pour prendre le monde à témoin, non pas pour me donner du courage, mais pour en donner, je l’espère, à toutes celles et ceux qui se reconnaîtraient dans l’image de notre couple toxique.
Tu sais, ça fait un mois déjà que notre relation a pris fin. J’étais pas sûre. Mais je sens que tu essaies de revenir, alors je préfère faire cette mise au point maintenant, pour que ce soit clair entre nous : c’est fini.
Voilà un mois déjà que j’ai arrêté de manger pour deux, de boire pour deux aussi. J’ai arrêté de te porter sur mes épaules, j’ai arrêté aussi de sentir ta présence, calme et permanente, au fond de mon esprit.
Quand je suis triste, c’est juste moi, c’est juste la tristesse des moments qui me touchent, et ce n’est plus un gouffre qui s’ouvre sur tous les malheurs du monde, toutes les larmes de mon coeur, dans lesquelles je me noie.
Quand je suis fatiguée, c’est juste la fatigue d’une journée intense. Quand j’ai mal aux jambes et au dos, c’est juste le poids de mon propre corps, et les séquelles du sport que j’ai repris depuis que je t’ai quittée.
Quand je suis seule avec moi-même, je n’ai plus besoin de mettre de la musique ou d’allumer la télé pour que leur bruit couvre celui de tes paroles, du flot incessant de tes reproches décourageantes.
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Tu vas revenir, mais je ne te laisserai plus revenir
Je te vois, tu sais. Tes messages intrusifs, tes tentatives de flirt sur le pas de la porte. Tes appels en absence. Tu n’es pas loin. Tu ne seras jamais bien loin, je pense. Mais j’ai fini de céder. Je le sais, parce que j’ai compris pourquoi tu avais autant d’emprise sur moi.
Tu es finalement l’archétype d’une relation toxique et abusive. Tu me faisais croire que je ne pourrais pas vivre sans toi, que le monde est trop dur, trop cruel, trop violent pour une personne sensible et vulnérable, comme moi.
Tu étais censée me protéger, en fait. C’est pour me protéger que tu m’empêchais de sortir, qu’on passait le plus clair de notre temps enfermées. Jusqu’au jour où j’en avais marre, je retrouvais la force d’affronter le monde.
Alors, j’en profitais à fond, j’en faisais des caisses, je m’épuisais à vivre. Il finissait par se passer quelque chose qui m’affectait plus que d’habitude. Et tu me ramassais, au bord de l’implosion.
Je te donnais raison : le monde était trop violent, et j’étais trop faible pour avancer sans toi. La convalescence était longue…
Aujourd’hui, je sais que tu as tort, parce que j’ai enfin compris ça : tu ne fais pas partie de moi. Tu combles un vide en moi, et c’est ça qui me déséquilibre. C’est toi qui me déséquilibre.
Ce vide, je peux vivre avec. Je peux accepter qu’il soit là. Je peux le combler autrement. Mais pas avec toi. Plus avec toi.
J’ai déjà commencé à vivre sans toi
Adieu, ma dépression. Il n’y a plus de place pour toi dans ma nouvelle vie. Et quand tu reviendras frapper à ma porte — parce que je sais déjà que c’est pas grâce à une simple lettre que j’en aurai fini avec toi —, je saurai me souvenir que tu n’es pas la solution aux problèmes que j’affronte.
Ton retour sera le signal que j’ai besoin d’aide, que j’ai sans doute trop de poids sur les épaules, trop de peur dans le bide et que je suis sans doute trop seule. Je le saurai, la prochaine fois.
Et j’irai chercher de l’aide, du soutien, de la chaleur pour surmonter ce que j’aurai à surmonter. Sans toi.
Quinze ans de vie commune, c’est long. Je te vois, incrédule et ironique, penser que je suis incapable de vivre sans toi. Mais j’ai confiance, tu sais. Parce que j’ai déjà commencé.
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