Ces dimanches 6 et 13 décembre, la démocratie française est en marche. Ces dimanches 6 et 13, nous, citoyen•ne•s, sommes appelé•e•s aux urnes. Et si ce dimanche 6 s’est passé comme un jour d’élection normal malgré le scénario catastrophe des résultats, il n’en sera pas de même pour le 13. Dimanche prochain, en effet, l’habitude de la sortie dominicale à la maison de quartier du coin pour voter ne sera pas pleinement actualisée.
Car mon père, ce dimanche 13, ne votera pas.
Mon père, ce modèle d’esprit critique
J’aurais aimé te dire, papa, que tant qu’on a des droits, profitons-en. L’abstention est forte, pourquoi y participer ? Tu fais partie des « râleurs » en politique, de ceux qui rechignent pour tout, mais aussi et surtout de ceux qui ont leur avis bien forgé, et qui s’y tiennent coûte que coûte. Tu m’as appris à penser politiquement, à reconnaître les bons et les moins bons, voire les très mauvais. Tu m’as appris à avoir un esprit critique sur tout, sur chaque mesure entreprise, sur chaque parole prononcée. Tu m’as appris à m’affirmer politiquement, et ça, je t’en serai à jamais reconnaissante.
Tu m’as aussi et surtout appris à voter. Et c’est là que ça déraille. Petite fille, j’aurais sûrement compris, je me serai sûrement dit : « Si mon papa fait ça, c’est qu’il doit avoir de bonnes raisons, c’est qu’il sait ce qu’il fait ». Tu sais sûrement ce que tu fais aujourd’hui, le contraire m’étonnerait bien de toi. Mais pour moi ça ne correspond pas aux valeurs que tu m’as enseignées, ça ne correspond pas au papa combattant que j’ai toujours vu.
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L’élection est un champ de bataille, le vote une arme. C’est la seule guerre aujourd’hui sur notre territoire, sur notre France, et nous avons la chance qu’elle soit pacifique. Une guerre pacifique, c’est magnifique. On a pas besoin de laisser notre famille, de risquer notre vie et d’en revenir traumatisé•e pour gagner. Il suffit de bouger de notre canapé calé au coin du feu, de glisser un papier dans une enveloppe, et de rentrer regarder les résultats.
La politique, ses frustrations… et notre pouvoir
Je comprends la frustration de l’échec. Depuis que je vote, je n’ai moi aussi connu que des déceptions. Le Front National prend de plus en plus d’importance, le Parti Socialiste en perd et se dégrade. Le multipartisme français a beau exister, on sait que ce sera toujours les mêmes partis en compétition. Et l’abstentionnisme, encore et toujours, plane dangereusement sur chaque élection…
Mais, rappelle-toi papa, quand le PS est passé en 2012, rappelle-toi comme on était contents ! Ça, c’était une victoire, même si ça c’est vite avéré être un échec. Mais recommençons, recommençons à montrer notre mécontentement, à montrer qu’on est pas d’accord avec cette politique. Recommençons à montrer que, même s’ils nous écoutent pas, nous on les entend.
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Mais ne nous abstenons pas. Si l’abstention permet de montrer un désaccord, les limites de notre système font que tous les types d’abstention sont mis dans le même bateau. Alors en t’abstenant papa, tu prends l’étiquette du désintéressé politique, de celui qui ne s’y intéresse pas. Mais c’est pas toi, ça. Va donc voter ! J’en viens à me dire que même un vote blanc serait mieux, parce qu’il ferait au moins entendre ta voix… mais ce dimanche, je pense qu’il faut voter « tout court » pour défendre notre démocratie.
Il a été dit par Hobbes que la démocratie n’était qu’une aristocratie d’orateurs. Oui, on peut se dire que ce seront toujours les mêmes, les meilleurs beaux-parleurs et pas forcément les plus investis en politique qui dirigeront notre pays… Mais essayons de limiter cet aspect en élisant les moins mauvais ; honorons le vote pour ce qu’il représente, pour ceux qui ne l’ont pas et qui aimeraient avoir ce droit, pour ceux qui se sont battus pour qu’on l’ait tous ce droit, nous, aujourd’hui.
Ne pas déserter pour résister
Dans cette bataille pour la démocratie, l’abstention n’est pas courageuse. L’abstention, c’est la désertion. En restant chez nous ce dimanche, tu sembles renoncer à tout : renoncer à ta libre-parole, renoncer à la démocratie, et renoncer à un semblant d’espoir. Car c’est notre France, cette France du futur dans laquelle ma génération va évoluer qui se dessine derrière chaque élection. Si tu ne te sens plus concerné, s’il te plaît, vote pour moi ta fille, ainsi que pour tous ceux, toutes celles de ma génération qui perdent espoir mais continuent de voter pour se battre et résister.
S’il te plaît papa, ne t’abstiens pas.
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