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Vie quotidienne

Lettre d’amour à mon généreux papa, dont les organes ont sauvé des vies

Le père de Romane est décédé en octobre, et il a fait don de ses organes et tissus. Elle lui adresse cette lettre ouverte pour lui dire ce qu’elle n’a pas eu le temps d’exprimer avant.

Vendredi 22 juin 2018, c’est la journée nationale de réflexion sur le don d’organes et la greffe et de reconnaissance aux donneurs (à ne pas confondre avec la journée du don d’organes).

Le but de ce jour particulier est de rappeler que le don d’organes est un choix mais que depuis janvier 2017, nous sommes toutes et tous donneurs d’organes présumés.

Si on ne souhaite pas être donneur, il faut l’exprimer auprès de ses proches, mais aussi s’inscrire sur le registre national des refus.

— Article publié le 30 novembre 2016.

À l’attention de mon vieux crapaud,

Aujourd’hui j’ai décidé de t’écrire, mon cher papa, une lettre pour m’aider à faire mon deuil, mais aussi pour te dire tout ce que je n’ai pas eu le temps de te dire avant…

Ton alcoolisme et notre relation père/fille

Tu as quitté ta compagne pour te mettre en couple avec maman en 1992. Je suis arrivée en 1995, puis vous vous êtes mariés en 1996. Seulement, à cause de ton alcoolisme, maman a demandé le divorce, qui a été prononcé en 1999.

À partir de ce moment je suis allée un week-end sur deux chez toi, puis chez ta nouvelle compagne que je détestais comme tu le savais… Mais tes problèmes d’alcool étaient toujours présents, et un jugement a prononcé ton interdiction de garde en 2005.

Avec le temps, j’ai appris à t’accepter avec ta maladie.

Après cela, je t’ai donc proposé des sorties, comme aller au cinéma ou aller voir un humoriste sur scène. C’étaient nos moments, et avec le temps, j’ai appris à t’accepter avec ta maladie.

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Puis tu t’es enfin mis avec une autre femme, ta compagne actuelle. Malheureusement, il y a un an tes problèmes d’alcoolisme t’ont rattrapé lorsque tu es venu faire des petits travaux dans notre nouveau chez nous, à maman et moi. Tu as fait un grave malaise (une hémorragie méningée, suite à un traumatisme crânien la veille lors d’une bagarre), toujours à cause de ce poison, l’ALCOOL. J’ai eu tellement peur, j’ai cru que c’était fini…

Aux urgences, nous avons appris que tu souffrais d’une insuffisance cardiaque et qu’il fallait que tu arrêtes de fumer et, surtout, de boire.

Je me suis renseignée à ton insu et je t’ai trouvé une place dans un centre de désintoxication.

On s’est beaucoup pris la tête et on s’est fait la gueule, mais comprend-moi, j’étais dans une impasse : soit je te disais tout ce que je pensais en espérant t’ouvrir les yeux, soit on se fâchait.

Tout ça, je l’ai fait pour te garder le plus longtemps possible auprès de moi.

Sauf que je devais tenter quelque chose, car ne rien faire voulait dire te regarder mourir à petit feu. Je ne te jugeais pas : tout ça, je l’ai fait pour te garder le plus longtemps possible auprès de moi.

Tu n’es cependant pas allé dans ce centre, et les médecins t’ont posé un pacemaker et un défibrillateur, ce qui m’a fait prendre conscience de la grande fragilité de ton cœur.

Ton décès et ton don précieux

Et ce n’était pas fini : tu étais en attente pour te faire poser un bouchon au niveau du cœur pour éviter qu’un caillot ne se forme et qu’il ne remonte jusqu’à ton cerveau.

J’avais très peur de cette opération car, comme je te l’ai dit, je ferais mon stage en Martinique à ce moment, et je n’avais qu’une peur : que tu ne survives pas à l’anesthésie, ou qu’il t’arrive quelque chose de grave durant mon absence.

Mais tu es décédé avant. Tu as fait un AVC (Accident Vasculaire Cérébral), probablement sur un coma éthylique dans la nuit du mercredi 5 au jeudi 6 octobre 2016 chez ta compagne.

Je n’ai été prévenue que le jeudi soir, et tu ne peux même pas imaginer ce que j’ai ressenti.

Ça n’a jamais été facile entre nous, mais tu étais mon vieux crapaud chéri…

Je savais pourtant qu’il n’y avait pas d’espoir, et, au fond de moi, je m’attendais à ce genre d’appel avant la fin de l’année — mais cela n’empêchait pas la douleur.

Je suis allée te voir en réanimation et je suis restée avec toi jusqu’au bout. Sache que je ne t’ai pas abandonné. Tu as été déclaré mort le vendredi à 14h30, à seulement 54 ans. Même si je savais que tu étais déjà parti, l’entendre a été horrible.

C’est moi qui ai parlé du don d’organes car je suis pour, et ta compagne m’a confirmé que tu l’étais aussi.

Te connaissant, tu as sûrement dit quelque chose comme :

« De toute façon autant que ça serve à quelqu’un, car moi je n’en n’aurai plus besoin ! »

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Sache qu’une personne revit avec tes poumons, et que grâce à toi, deux autres personnes n’ont plus à supporter de longues dialyses…

Dans un mois, je pourrai également savoir ce que sont devenus tes tissus qui ont eux aussi été prélevés (cornées, coronaires, quelques vaisseaux ainsi que de la peau dans le dos).

Une personne revit avec tes poumons, et grâce à toi, deux autres personnes n’ont plus à supporter de longues dialyses.

Je vais te faire une confidence, je ne pensais pas que tes poumons étaient prélevables vu tout ce que tu leur as fait subir.

Pourtant, l’infirmière coordinatrice du don d’organes a même pensé un moment à ton foie, car les analyses n’étaient pas si mauvaises !

Mais après l’avoir examiné au scanner, ils ont abandonné cette idée…!

Sache que dans ce long parcours qu’est le don d’organes, je n’ai pas été seule.

Ta compagne était là, maman me soutenait et tu avais cette infirmière qui est restée du début à la fin avec toi, et avec moi.

Elle est même venue me soutenir pour ta mise en bière.

Mon super papa

Ton incinération ne pouvait pas se faire avant le vendredi suivant. Je suis donc venue te voir tous les jours à la morgue.

Tu étais beau, tu avais dégonflé, tu étais en marinière avec ton costume de marié qui est trop grand depuis bien longtemps mais que tu aimes — et surtout c’est ta seule tenue de grande occasion.

Pour que tu ne partes pas seul, j’ai disposé dans tes poches et autour de toi des photos, des petits mots, une licorne en bois (car tu ne le savais pas mais je suis fan de licornes)…

Tu avais sur le torse une casquette disant « Super papa ».

Je ne savais même pas que je t’avais offert cette horreur, mais avec le geste que tu as fait, le don de tes organes et tissus, tu es réellement un super papa.

J’ai préparé la cérémonie comme j’ai pu avec mes 21 printemps, car ce n’est vraiment pas facile, surtout quand on m’a demandé de choisir ton cercueil…

J’ai tout décidé sauf la musique et ta tenue, que j’ai laissées au soin de ta sœur et de ta compagne.

J’ai donc choisi un cercueil avec des poignées en corde (étant donné ton amour pour la pêche).

Je n’avais aucune idée pour les fleurs, puis j’ai pensé aux « bonny », car c’est notre nom à tous les deux.

J’ai réussi à faire une jolie cérémonie, et j’ai lu sans m’effondrer mes deux textes en faisait part de quelques anecdotes, comme la fois où tu as été appelé sur scène lors d’un plateau d’humoristes pour qu’on te déguise en lapin de Pâques… j’en ai pleuré de rire !

J’ai fait moi-même le registre de condoléances, et j’ai créé un grand montage photos que j’ai disposé près de ton cercueil.

Et avec le maitre de cérémonie, nous portions une marinière, comme toi… Enfin, sache qu’il y avait une soixantaine de personnes à la cérémonie en ta mémoire.

Parmi ces gens, j’ai rencontré Mickaël, le fils d’une de tes anciennes compagnes que tu avais en partie élevé avec elle.

Avant la dispersion de tes cendres, nous sommes tou•tes allé•es boire un verre en ton honneur à ton bistrot préféré.

J’ai ensuite dispersé tes cendres dans le socle prévu à cet effet.

Pour toujours dans mon cœur

Aujourd’hui, je t’écris cette lettre de Martinique où je fais comme prévu mon stage de deuxième année d’ergothérapie.

Je me sens seule loin de toi, loin de maman et loin de Mickaël.

Je suis déçue qu’on n’ait rien fait tous ensemble car j’ai l’impression d’avoir rencontré un grand frère.

Mais à mon retour, je vais lui faire découvrir nos sorties que j’aimais tant.

Je me rends compte que tu étais très secret.

J’ai découvert tes albums photos aussi ; tu ne m’avais jamais rien montré, je me rends compte que tu étais très secret.

Et surtout, tu gardais tes sentiments pour toi, car quand je vois tout ce que tu as gardé de moi (cette fameuse casquette horrible, cette lettre de moi quand j’étais petite, ce papier cadeau d’un présent que je t’avais fait, toutes ces cartes…), j’ai l’impression qu’on a raté plein de choses et je m’en veux tellement, si tu savais…

Malgré tous tes défauts, tu étais un super papa et un homme généreux.

Je resterai à jamais ta petite grenouille, mon vieux crapaud !

Tu resteras pour toujours dans mon cœur, et bientôt tu seras sur ma peau…

Je t’aime, papa.

À lire aussi : En France, tout le monde est donneur d’organes par défaut

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Les Commentaires

6
Avatar de Rhea16
23 juin 2018 à 20h06
Rhea16
Mince, je crois que j'ai du pollen dans les yeux ...
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