Cette lettre ne s’adresse pas à un prof en particulier, mais à tous ceux que j’ai pu croiser au cours de ma scolarité. Quand on est ado, on nous dit souvent que nos professeurs, figures d’autorité, ont toujours raison. Alors, quand vous entendez que vous n’êtes pas bon•ne à grand-chose, vous avez tendance à le croire… Près de dix ans plus tard, je sais aujourd’hui que les enseignant•e•s sont des êtres humains, qui font parfois des erreurs.
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Je suis consciente que tout le monde ne vit pas sa scolarité de la même manière. Ce qui m’a touchée, blessée n’aurait pu être qu’un simple détail dans la vie de quelqu’un d’autre, certes. Mais je tenais à répondre à ceux et celles face auxquel•le•s je n’ai jamais eu le droit de me défendre.
Cher•e ancien•ne prof de lycée…
Aujourd’hui je vais bien, je suis une fille intelligente, je m’épanouis dans mon travail… et ça n’est pas grâce à vous. Je sais bien que votre rôle n’était pas exactement de faire de moi une adulte épanouie, ni de faire de moi une adolescente heureuse d’ailleurs. Mais je crois que votre indifférence face à la souffrance de vos élèves m’a marquée à tout jamais.
Je m’en veux aujourd’hui de ne pas avoir pris la défense de certain•e•s de mes camarades, que vous preniez un malin plaisir à ridiculiser devant un public conquis. Après tout, on vous devait le respect, non ? Vous étiez une grande personne qui savait ce qu’elle faisait, et moi une enfant qui ne comprenait rien…
Je vous en veux de ces mises à mort publiques, pour certain•e•s camarades de classe mais aussi pour moi, que vous preniez souvent à partie. Timide et introvertie, je n’étais pas du tout une élève à problèmes. Ça ne vous a jamais empêché•e• de me rabaisser, de crier haut et fort ce que vous pensiez de moi :
« De toute façon, vous êtes là au fond, mais vous vous en foutez, autant rentrer chez vous. »
Non, je ne m’en fichais pas. Sachez qu’un.e adolescent•e qui n’a pas de bonnes notes et qui sèche les cours n’est pas forcément un•e élève en rébellion qui rêve de devenir caissier•e. Je voulais bouffer le monde, moi, autant que Sylvie, ma voisine première de la classe ! Sauf que moi, je n’y arrivais pas… Je n’arrivais pas à me concentrer sur ce que vous m’enseigniez. Mon cerveau était déjà rempli d’autres soucis, des problèmes qui m’attendaient chez moi — alors non, je n’arrivais pas à me focaliser sur ce que Pythagore avait à dire, même si je suis sûre que c’était très intéressant.
Je n’étais pas moins intelligente qu’un•e autre, au contraire : j’avais toujours eu les meilleurs résultats jusqu’à mon adolescence… mais ça, le saviez-vous ? Vous-y êtes vous intéressé•e un tant soit peu? Avez-vous essayé de comprendre pourquoi j’étais en chute libre, pourquoi je me cachais au fond de la classe, pourquoi je n’étais présente qu’une fois sur deux ? Avez-vous déjà dépassé votre ego refusant l’idée d’être un•e mauvais•e prof ? Avez-vous levé le nez de vos bouquins théoriques pour savoir ce qui nous intéressait, nous ? Non, mais après tout, nous n’étions pas grand-chose…
Je me souviens que vous assistiez parfois au harcèlement scolaire, mais que la plupart du temps, vous ne faisiez rien. C’est normal, me direz-vous : vous n’êtes pas formé aux problème sociaux. Savez-vous que ne rien faire pour venir en aide aux victimes de violences morales peut être puni par la loi ? Je suis sûre que non. Car personne ne remettait en cause votre façon de gérer vos élèves, vous étiez l’adulte, et nous une masse à gérer, tout simplement.
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Vous devez m’en vouloir, penser qu’à votre place, je n’aurais pas fait mieux. Vous devez vous dire que vous n’avez fait qu’appliquer le règlement, ni plus ni moins que ce qu’on vous demandait. Cela ne m’empêchera pas de croire que vous avez été complètement à coté de la plaque. Lorsque vous ne me rabaissiez pas, vous m’ignoriez, j’étais invisible à vos yeux.
Les mauvais•es profs… et les autres
Heureusement, j’ai eu l’opportunité de rencontrer des profs qui m’ont redonné confiance en moi et en mon potentiel.
Je me souviens de vous, ma prof de français de seconde : vous aviez les cheveux courts et le sens de l’humour, vous ne ridiculisiez jamais personne, mais répondiez toujours avec les bons mots. Votre répartie me manque.
Parfois, je me demande si vous vous souvenez de moi. Parce que moi je me souviendrai toujours de vous : c’est grâce à vous que je fais le métier que je fais, c’est vous qui m’avez permis de ne pas croire que j’étais irrécupérable. Je me remémore encore parfois ce lundi où vous rendiez nos premiers devoirs corrigés. Vous m’aviez retenue à la fin des cours, et aviez répondu à mon visage grimaçant par un sourire et des yeux amicaux :
« Vous êtes faite pour ça, Vous écrivez avec beaucoup de maturité, c’est toujours très agréable ; je pourrais vous donner des livres moins « scolaires » qui pourraient peut-être vous intéresser ? Je suis sûre que vos prochaines copies pourraient être dix fois meilleures, je ne m’inquiète pas. »
Je n’avais eu que 8/20 à ce devoir mais vous aviez raison : mes copies sont devenues meilleures, de semaine en semaine. J’aimerais que tous les jeunes puissent trouver des personnes qui croient en elles, comme vous, qui les poussent à voir le meilleur en eux et elles. Je n’ai eu cette chance qu’avec très peu de profs. Alors merci à vous, parce que, mine de rien, vous m’avez permis de croire en mes capacités.
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À tou•te•s les profs, je voudrais dire : dans la mesure du possible, de vos moyens, soyez patient•e•s, n’enfermez pas les élèves dans des cases selon leur niveau scolaire. Venez-leur en aide quand ils sont désorientés, seuls, perdus.
À toi, l’élève au fond de la classe, qui croit qu’il n’est bon à rien… sache que le jugement de tes profs n’est pas une vérité établie. Le collège, le lycée ne sont que des périodes brèves de ta vie, alors fais du meilleur que tu peux. Un jour ou l’autre, je l’espère, tu te rendras compte à quel point ce qui te semblait insurmontable hier te pousse à te surpasser aujourd’hui !
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Les Commentaires
Je pensais faire de même après ma thèse en bio. C'est un comportement puéril, mais j'ai passé 10 année a être persuadé que je n'y arriverais pas à cause de ce prof de bio taré.