Article publié le 3 novembre 2016
Ma chérie,
Il y a dix ans jour pour jour, tu venais de passer le brevet. Tu n’avais pas de copines, pas dignes de ce nom en tous cas. À l’époque tu croyais que si, mais maintenant que je connais la vraie amitié, je sais faire la différence.
Tu m’as donné de l’élan
Je t’écris cette lettre avec le sourire aux lèvres, pourtant ces dix dernières années n’ont pas été de tout repos. Tant mieux. On mérite mieux qu’une vie plan-plan qui ne nous ressemble pas, n’est-ce pas ? Comme tu peux le remarquer, je continue d’écrire, je continue ce que tu as commencé. J’ai même des lecteurs maintenant, tu le crois ça ? Des gens qui m’ont dit que c’était beau, qu’il fallait que je continue.
Je n’ai pas arrêté de progresser, et c’est grâce à toi qui m’as donné de l’élan. Ne te méprends pas, je n’ai pas été publiée, et je n’ai jamais fini un roman non plus. Mais qui sait ? Peut-être quand j’aurais 34 ans, dix ans de plus, on pourra rayer cet objectif de ma liste. De notre liste.
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Voyons un peu, si on faisait le point sur nos objectifs ? Aujourd’hui, je sais jouer quelques trucs à la guitare, j’ai pris l’avion, je suis tombée amoureuse, j’ai eu le bac et j’ai continué mes études pendant six ans après (j’ai fait de la sociologie, tu ne sais pas encore ce que c’est). J’ai rencontré des gens très chouettes et d’autres beaucoup moins (ne t’en fais pas, je les ai écartés de notre vie depuis), j’ai pris quelques cuites.
Tu vas avoir des moments difficiles, mais ça ira
Je dois t’avouer quelque chose par contre, promis tu ne t’énerveras pas, d’accord ? Je fume… Oui je sais, là pour le coup, je n’ai pas tenu notre promesse, pardon. En ce moment je donne des cours de théâtre, je suis retournée au collège pour panser un peu les blessures de ces dernières années. Pas notre collège, mais un autre.
Bien sûr, tu sais mieux que moi de quoi je parle, c’est encore tout frais dans ta mémoire et tu vois ma chérie, le poids que tu ressens sur ton cœur, ça vient de là. Tu vas mettre plusieurs années à le comprendre, et je te mentirais si je te disais que maintenant, ça ne te fait plus du tout pleurer, mais le positif c’est que ça ne t’a pas empêchée de faire plein de trucs cool.
Ces deux mois que tu t’apprêtes à passer, ils vont être très difficiles ma puce, mais tu as une super famille qui sera là pour t’épauler. Et je vais te dire ce que tu voulais entendre à cette époque-là : ce n’est pas ta faute. Répète-le toi aussi souvent que possible ma puce, ce n’est pas ta faute. Et tu as raison de t’énerver.
Je sais que ça fait mal, que leurs rires résonnent dans ta tête et que tu avances tête baissée pour ne plus les entendre. Mais tu sais quoi ? Un jour tu arriveras à en rire, si si, je te jure.
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J’ai su rester forte
J’ai fait du chemin, ne t’inquiète pas. J’ai su rester forte, même si j’ai desserré les poings. Parfois je me regarde dans le miroir, et je me trouve jolie. Tu le crois, ça ?
Je mets des jupes, je me maquille (oui un jour tu arriveras à appliquer correctement de l’eye liner, ne désespère pas), et je souris.
Ça aussi c’est nouveau : je souris aux gens que j’aime, et je souris même aux cons en les insultant entre mes dents. C’est ma nouvelle parade, c’est mieux que le regard noir que tu leur lances pour l’instant.
Je ne te le reproche pas, on sait toutes les deux combien c’est difficile pour toi. Il y a même des garçons qui m’ont dit qu’ils me trouvaient belle, qui m’ont serrée dans leurs bras et auprès de qui j’ai partagé quelques nuits.
Et oui, tu sais embrasser, ils ne s’en sont pas plaints ; qui tu sais est un crétin, je le croise encore quelque fois et il est devenu moche. Je ne blague pas, il est vraiment pas top. Quant à qui tu sais n°2, je ne le vois que très rarement.
Ça fait encore un peu mal au ventre, mais ça fait partie de moi, et je travaille pour apprivoiser ces démons.
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Tu as fait du mieux que tu as pu et je suis fière de toi
Tu vois, il me reste encore plein de défis à relever mais tant mieux, au moins je vais pas m’ennuyer. On est amies toutes les deux, tu as fait du mieux que tu as pu et je suis fière de toi.
Si tu savais tout le chemin que j’ai parcouru depuis. J’ai pas encore rencontré l’homme de notre vie, on n’a pas encore la maison avec les labradors, mais tu sais, j’avais pas mal de choses à régler alors ça prend du temps.
Mais bonne nouvelle : plus le temps passe, plus je suis prête à l’accueillir.
À l’heure où je t’écris, c’est une période un peu difficile, parce que le garçon qui m’a fait tourner la tête est en couple avec une autre. Mais on va s’en sortir, comme on l’a toujours fait.
Parce qu’on a des parents qui nous agacent mais qu’on aime terriblement, et un frère qui est encore plus beau qu’avant. Si tu nous voyais tous les deux, on ne se bagarre plus, on s’adore. Je suis sa petite sœur chérie, comme tu l’es déjà même s’il n’ose pas te le dire.
Et pour ce qui est de la famille, profite de ton papy ma puce, je n’ai que ça à te dire. Ah oui, au fait, je dois te prévenir, on vit encore chez nos parents, dans le même village.
Ne t’énerve pas, je sais la promesse que tu as faite de déguerpir aussi vite que possible loin de tous ceux qui te font souffrir. C’est ce que j’ai fait.
Et puis je suis revenue quelques années plus tard, parce qu’on n’est pas du genre à fuir : on affronte les choses, on prend la vie à bras le corps.
Et parce qu’il y a plein de gens chouettes que tu ne fais que croiser et que je connais maintenant, alors je suis restée pour eux. Ça va mieux dit comme ça, pas vrai ?
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C’est plus facile aujourd’hui
Oui, bien sûr, il faut que je te dise, c’est plus facile aujourd’hui. Parce qu’avec le temps, j’ai renforcé mon sens de l’humour, j’ai appris à prendre des risques, et à avoir confiance.
Je ne rougis plus quand on me parle, ou alors très rarement ; je plaisante avec des inconnus et je prends la parole devant plusieurs personnes sans stresser.
Je crois que tu serais fière de moi si tu pouvais me voir. Je conduis même ma voiture. J’ai gagné en confiance, en moi-même et en les autres. Oui, je sais, on s’était dit qu’on compterait que sur nous-mêmes, mais la vie m’a surprise et m’a apporté une meilleure amie. Elle est géniale, mais je ne t’en dis pas plus, tu verras quand tu la rencontreras.
On est un peu comme elle, et un peu différentes aussi, et ça fait des années qu’on s’accompagne, qu’on se lâche la main sans se quitter des yeux.
Patience, plus que deux ans et quelques mois à attendre. Notre cousine est là aussi, elle est amoureuse d’un garçon qui l’aime et que toi, du haut de tes 14 ans, tu ne connais que de vue.
On ne se dit plus « je t’aime » comme avant, mais peu importe, on le sait. Elle est belle, elle est en colère, et on rigole toujours comme des gamines. Non, ça n’a pas changé, l’essentiel est resté.
Ce sera cent fois mieux que ce que tu imagines
Aie confiance ma chérie. Je te laisse un peu de suspens, mais si tu savais toutes les belles chansons que tu vas découvrir et aimer, les livres qui vont te faire aimer la vie, les films qui vont te faire pleurer et rire… Imagine le mieux que tu peux, et dis-toi que ce sera cent fois mieux que ça.
Tu sais, on n’est pas infaillibles, même toi tu vas blesser des gens. Pas intentionnellement, je te rassure, on n’est pas comme ça. Tu t’en voudras, et puis ça passera, parce que le temps c’est quand même bien fichu, ça guérit de plein de trucs.
Une dernière chose : tu te rappelles de la promesse de travailler avec des adolescents pour les réparer ? J’y travaille. Ça prend du temps, quand je pense qu’il y a dix ans j’étais à ta place, c’est court et long en même temps. C’est fou.
Je te murmure une dernière phrase : garde espoir ma chérie, on y est arrivées.
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