Bonjour.
Aujourd’hui je mets la forme. J’aurais pu commencer par un sympathique « Yo Riri, bien ou bien ? », mais j’ai préféré éviter. Parce qu’Henri, tu es un grand monsieur. Le genre de personne à qui on devrait faire une courbette avant d’ouvrir la bouche — que dis-je, on devrait s’aplatir par terre comme des paillassons. On devrait passer devant toi pour t’ouvrir les portes et même te ventiler avec des feuilles quand il fait un peu chaud.
T’éponger le front avec un mouchoir en soie, aussi.
Tu sais, aujourd’hui j’ai un peu l’impression d’écrire ma lettre au Père Noël, sauf que je me contrefous des cadeaux. Alors pardonne-moi si je tremble un peu. C’est une grande première pour moi et c’est encore pire que si je rencontrais Bill Kaulitz, ou que Karim Debbache m’envoyait un mail qui aurait comme objet « Fuyons ensemble à Mourmelon-le-Grand ».
Tu sais, tu es un peu comme un rêve pour moi. Le genre de truc que tu gardes dans un souvenir si lointain que tu n’es plus vraiment sur-e que ça a vraiment existé (pourtant je suis sûre que si : tu as une page Wikipédia).
Aujourd’hui je me rends compte que tu as soixante-douze ans. Tu es un peu vieux mais pour moi, t’es comme une légende, tu n’as pas d’âge. Et puis je pense à ta voix, toute douce et suave, comme un brownie qui sort du four vers seize heures. Je me dis que ça, c’est totalement intemporel.
C’est marrant, je t’imagine un peu comme les gens qu’on croise dans les voitures qui vont à Disneyland (tout le monde a l’air au comble de l’ataraxie chez Mickey) : j’ai du mal à t’imaginer en rogne contre quelqu’un.
Je suis sûre que tu souris tout le temps et que tu fais des blagues aussi drôles que le poste de radio d’Adibou. Pour moi, tu es le genre de mec qui prendrait tout le monde par la main pour une grande farandole quand y a trop de monde dans le métro. Et qui dirait d’un air malicieux « Camion sur la route, camion ça fait prout prout prout » dans les bouchons sur la route des vacances.
Je suis sûre que quand tu pousses une gueulante, tout le monde doit te regarder de haut en bas avec de grands yeux ébahis. C’est un peu comme quand Avril Lavigne chante juste en live : totalement incroyable.
Parce que bon, Henri, tu dois pas t’en rendre compte, mais tu es un mythe. Je suis sûre que tu es l’homme au plus discret fandom de France, mais aussi le plus conséquent. C’est vrai, c’est pas facile de répondre « les comptines » à la question « c’est quoi ton style de musique ? » lors d’un premier rendez-vous. Cependant, avec le recul, je trouve ça très con. Parce qu’on devrait être fiers d’avoir été élevé à coup de glaces au citron et autres tagadagada.
Aujourd’hui j’aimerais donc ériger un (petit) monument sur ce merveilleux site qu’est madmoiZelle, pour te prouver toute ma dévotion et ma reconnaissance. Mais avant, j’aimerais que tu saches vraiment pourquoi.
Henri Dès, dans ma vie depuis toujours
Je ne me rappelle pas de moi sans toi. Je pense que mes parents devaient déjà diffuser en boucle tes chansons dans mon berceau ; je pense même que toute ma famille avait décidé de me diriger sur le chemin de ton vibrato, puisqu’il y avait un exemplaire de tes cassettes chez toutes les personnes qui ont dû voir mon mini-postérieur sur une table à langer. J’avais aussi la cassette de Petit Ours Brun – dont tu as fait le générique – que je me passais en boucle.
https://youtu.be/LP3NNDLFuyI
Bref. C’était soit je faisais une overdose à cinq ans et on en parlait plus, soit je devenais une fan incontestée, ne vivant que dans l’ombre colossale de son idole. J’ai choisi la deuxième option.
Mon premier concert…
À cinq ans, ma mère m’a emmenée te voir en concert. Je ne me rappelle plus du nom de la salle (je crois que c’était l’Olympia), ni si j’avais mis ma robe à fleurs ou le short orange que je détestais. Par contre, le concert est quasi limpide.
J’étais au centre, un petit peu trop loin à mon goût. T’es arrivé, t’as chanté et tu as fait des blagues. Un méchant monsieur déguisé venait pour t’embêter, mais nous, on faisait en sorte que tu puisses continuer le concert. Tu n’as pas fait la chanson sur le chien qui reniflait les crottes, alors j’étais un peu triste. Mais qu’importe, cet après-midi là tu m’as transportée. Tu étais mon premier concert.
…ma première terreur…
Jusqu’à environ huit ans, j’avais un rituel bien précis pour m’endormir : il me fallait un bisou, une histoire, la porte entrouverte, une veilleuse et une cassette dans mon lecteur. Au choix j’avais une compil’ des balades de Disney magistralement enregistrée par mon père, La p’tite Josette par Anne Sylvestre et plusieurs comptines de toi.
Un jour, dans le magazine Pomme d’Api, y avait une cassette avec des histoires contées par toi, Henri. Mes parents ont dû se dire que c’était une bonne occaz’ pour ne pas avoir à me lire pour la énième fois un conte de Grimm.
C’était une très mauvaise idée.
La dernière histoire s’appelait Chouette Soirée et elle était particulièrement atroce. L’idée du petit hibou qui se perd, du fantôme et ce bruit de vent qui me glaçait le sang… Je me rappelle m’être enfoncée sous ma couette. Tu étais mon premier cauchemar.
…et mon premier fou rire
Les grands-mères, c’est cool. C’est un peu fait pour faire des câlins, des bisous qui piquent et offrir des glaces. Avec la mienne on allait très souvent au parc, mais il était loin. Pour faire passer le temps dans la voiture, tu étais toujours là.
Ma préférée était sûrement Les bêtises à l’école : à mon âge, je trouvais le mot « poil » particulièrement hilarant. Alors imaginer une chaise à la pilosité surdéveloppée me paraissait être le comble du comique. En plus, les grands-mères, c’est aussi fait pour rigoler de toutes les idioties de leurs petits-enfants. Tu étais donc mon premier fou rire.
Même que quand elle s’assoit, on lui voit sa culotte. E.X.P.L.D.R.
Henri Dès, tu es un sorcier…
…ou une évolution d’Alakazam (mais sans la cuillère). En fait, c’est comme si tu avais lancé une immense rafale psy contre tous les gamins. Du coup, tu arrives à transformer n’importe quel moment chiant en partie de rigolade et de claquage dans les mains (en rythme).
C’est vrai, à ton concert, je ne me rappelle pas avoir vu un seul enfant se barrer parce qu’il en avait marre. Je trouve ça assez fou, que tu arrives à captiver une assemblée aussi indisciplinée et crétine, juste avec ta voix. Tu es vraiment un sorcier, Henri Pott… Non, c’est nul.
J’ai dit non.
Henri, tu es un être transgénérationnel
Ce qui est fou, c’est que je suis sûre que tes chansons marchent encore, et qu’elles marcheront encore longtemps. C’est un peu comme du Claude Ponti, ça vieillit pas. Parce que ce genre de truc est tellement culte et fait tellement partie de toi que tu ne peux pas t’empêcher de le transmettre à ta progéniture. Crois-moi qu’ils en boufferont, mes arrière-petits-enfants, des piqûres de miettes de pain et de crocodile. Et dans cent cinquante ans, on s’en souviendra, crois-moi.
Tu vois, Henri, je t’aime bien et je suis certaine que je ne suis pas la seule. T’es un peu comme un dragon imaginaire : toujours là quand on a besoin de se rouler en pyjama dans un plaid qui sent le grenier, pour revenir aux sources.
T’es un mec bien, Monsieur Dès. Je voudrais te faire un câlin mais apparemment la mode est au check. Alors ce sera un check… mais un gros, et plein d’amour.
Veullez agréer, Henri Dès, mes sincères salutations et ma très loyale courbette (parce que la forme c’est jusqu’au bout).
Edit : ce cher Henri a répondu à Amélie. Quel homme.
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Deal.