Cancer (je ne dirai pas « Cher cancer » car je n’utiliserai pas de marque de respect pour toi, qui n’en as pas pour les gens que nous aimons),
Cette nuit, tu as emporté mon grand-père, après presque sept ans de lutte. Tu as plongé ma famille et ses proches dans une peine immense. Chacun·e porte son deuil à sa manière, c’est une grande première pour nous : c’est la première fois que nous perdons un être cher. Certains pleurent et d’autres non. Certains parlent et d’autres non.
Mais tu sais quoi, cancer ? Nous ne sommes pas que tristes, nous sommes soulagés. Soulagés que la douleur dans laquelle toi, maladie vicieuse, tu avais entraîné l’élément central de notre famille ait enfin disparu. Les liens qui nous unissent sont plus forts que jamais, et cela, cancer, tu ne pourras jamais nous le prendre. On grandit ensemble, on rit ensemble, on pleure ensemble.
Et on s’aime tous très fort.
Une famille pleine d’amour
En tant que scoute
, je n’ai pas pu m’empêcher de penser que fonder une famille, c’est comme monter une tente. Au début, il faut deux personnes pour tenir les piquets bien droits. Mais une fois que tous les tendeurs sont en place, elles peuvent partir tranquilles : la tente tient toujours debout. Et une tente solidement plantée résistera à toutes les tempêtes.
Car aujourd’hui, j’ai vu une famille forte, unie, pleine d’amour. J’ai vu des mains se tendre, j’ai vu des bras se resserrer sur des corps agités par les sanglots, j’ai vu des baisers se poser sur des visages rougis par l’émotion, j’ai vu des doigts essuyer des larmes. Ah ça, j’en ai vu, des larmes. Sans doute plus que jamais. Mais ces larmes ne sont pas une fatalité, elles sont des perles précieuses offertes par l’amour. Si nous pleurons autant aujourd’hui, c’est parce que nous aimions mon grand-père très fort et qu’il nous aimait aussi. À nous maintenant de faire vivre cet amour et de le donner à qui en a besoin.
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Il reste en chacun de nous
La mort ne l’emporte pas loin, il est là, bien vivant, en chacun de nous, dans chacun de nos gestes. Pour moi, il est là quand je parle espagnol, je le sens vibrer dans mon ventre quand cette belle langue résonne en moi. Il est là quand je vais me promener en forêt, il est là quand je vois une toute petite main de bébé, il est là quand je bois un cappuccino ou du vin de noix, il est là quand je mange des olives, il est là quand je vois un champ de blé, il est là quand je respire. J’ai en tête cette phrase de Victor Hugo et qui fut mon mot d’adieu pour lui :
« Tu n’es plus là où tu étais, tu es partout là où je suis. »
Aujourd’hui, je n’en veux pas à la mort de l’avoir libéré : c’est à toi, cancer, que j’en veux. Tu as bouffé son corps de l’intérieur jour après jour, le faisant souffrir chaque jour un peu plus. Mais son esprit a toujours été aussi vif ; mon grand-père a été, jusqu’à son dernier souffle, cette personne intelligente, drôle, émouvante. Et nous, ses enfants, ses petits-enfants, ses arrière-petits-enfants, ainsi que ses innombrables ami•e•s, nous avons tous été là, pour l’accompagner, le remercier, le féliciter. Nous admirons son courage : il a traversé des épreuves très difficiles sans jamais se plaindre, avec toujours la même gentillesse, et un amour inconditionnel pour chacun de nous.
Un courage qui nous rend fiers
Et moi, comme je le lui ai dit, je suis fière. Fière de ce que mon papy a accompli à la suite du diagnostic de la maladie. Car oui, ta présence dans son corps lui a permis de trouver le courage de renouer avec son passé, de découvrir son histoire et de faire la paix avec elle. Les sept années que tu pensais lui prendre petit à petit ont été tellement riches qu’elles ont compté double ! Je ne peux m’empêcher de me dire que sans toi, la vie de mon papy aurait été certes plus longue, mais qu’il aurait gardé sur lui le fardeau de son passé.
Aujourd’hui, il est parti le cœur léger et l’âme en paix. Ça t’en bouche un coin, non ?
Alors cancer, pour lui, pour toutes les personnes à qui tu enlèves la vie et pour leurs familles, va te faire foutre.
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