Le 10 juillet 2021
Coucou Jean-Michel !
Oui, je sais que tu ne t’appelles pas Jean-Michel. Mais ceci est un message collectif qui ne t’es pas seulement adressé, et il fallait bien que je vous trouve un pseudonyme un peu neutre. Ne t’inquiète pas, tu devrais te reconnaître assez rapidement dans les paragraphes qui suivent.
C’est moi, la « pote chiante » de ta meuf. Allez, ne fais pas semblant de ne pas me remettre : on se connaît bien toi et moi. Juste assez pour se détester cordialement, mais pour faire l’effort de se sourire en soirée et éviter de casser l’ambiance.
Mais si, souviens-toi. C’est moi, qui ai offert Les Sentiments du Prince Charles à ta dulcinée pour ne pas avoir à lui dire frontalement que tu étais un gros naze. C’est auprès de moi qu’elle bitche sur toi quatre fois par semaine parce que tu n’oublies jamais tes entraînements de muscu quotidiens, mais que tu es trop fatigué pour penser à payer les factures. Et c’est toujours moi qui l’ai ramassé à la petite cuillère quand tu lui as offert une poivrière pour ses 25 ans, alors qu’elle venait de t’offrir un voyage aux Caraïbes pour vos 3 ans 1/3. Sérieux, j’exagère à peine.
Quand j’étais célibataire, tu m’accusais de vouloir briser votre couple par jalousie. Comme à ton habitude, tu n’aurais pas pu être plus à côté de la plaque. Maintenant que je suis moi-même en ménage et que cette excuse misogyne ne fonctionne plus, tu dis juste que je suis une emmerdeuse. Là-dessus, je te l’accorde, tu n’as peut-être pas tort.
Je sais bien qu’entre toi et moi, ce n’est pas simple. Je te tombe dessus quand tu rabaisses ma pote pour essayer de faire rire l’assemblée, et je t’ignore quand tu passes ta tête derrière sa caméra pendant les visios.
Mais comprends-moi un peu, Jean-Mi. Je l’aime fort moi, ma pote. Et contrairement à toi, je ne l’ai pas trompée pendant quinze ans avant de m’excuser avec un vague « Déso, je vais aller voir un psy ».
Je suis aussi celle dont tu te plains parce qu’elle est trop féministe, trop vulgaire, trop bruyante. À cela, j’ai envie de te répondre des choses très bruyantes féministes et vulgaires. Mais dans un effort de communication, je vais rester raisonnable et passer au point suivant.
Si je prends la plume aujourd’hui, ce n’est pas par espoir d’arranger les choses entre nous, bien au contraire. Je t’écris pour te dire que tu me les brises très sérieusement.
Crois-moi, tu n’es pas le seul à rêver d’un monde où les choses se passeraient autrement. Toi, tu aimerais que je t’adore et que j’arrête de t’empêcher de manipuler ma BFF. Moi, j’aimerais vivre dans un monde dans lequel il serait légal de te rouler dessus avec un Monster Truck juste pour le fun. Non, je rigole ! Mais imagine quand même.
Parce qu’il faut que je te dise, Jean-Michel. J’en ai marre de passer mon temps libre à faire le courrier du cœur de toutes mes copines hétéros en couple avec des mecs médiocres.
Il faut dire que vous êtes assez nombreux, il paraît même que vous avez été socialisés comme ça. Mais à ce point, vraiment ?
Au point d’oublier de faire la vaisselle depuis 2008 ? De ne jamais, ô grand jamais rien proposer de nouveau avant de vous plaindre que quand même, c’est un peu la routine ? De leur faire croire qu’elles ne vous méritent pas et que vous êtes les seuls qui pourront jamais les aimer dans cette vie, alors que vous ressemblez à des pouces et que mes potes sont des êtres de lumière ?
J’en ai marre devoir leur rappeler en permanence qu’elles méritent autre chose qu’un partenaire qui les saoule parce qu’il a sorti les poubelles une fois il y a 4 ans, et que du coup les tâches ménagères sont réparties équitablement dans leur couple.
Je suis épuisée de devoir leur énumérer vos red flags gros comme le trou dans la couche d’ozone, qui vont de « ne sait pas à quel jour vous prenez l’avion pour votre départ en vacances » à « rigole aux blagues grossophobes de son pote».
Je t’écris aujourd’hui, Jean-Michel, pour te dire que même si tu penses que je suis dans l’équipe adverse, je viens de réaliser que je jouais contre mon camp depuis le début.
Parce que les efforts que j’ai l’impression de faire pour ma pote, quand on y pense, est-ce qu’ils ne finissent pas par te bénéficier à toi, inlassablement ?
Qu’est-ce qui fait tenir ton couple, si ce n’est ma présence et celle de toutes les autres meufs qui soutiennent ta copine ?
Celles qui l’écoutent quand elle a un problème, alors que tu lui réponds qu’elle « se prend la tête pour rien » avant de passer à autre chose ; qui l’accompagnent faire tous les trucs auxquels tu ne t’intéresses jamais ; qui prennent sur elles pour lui remonter le moral quand tu te comportes comme un con, au point qu’elle arrive à rentrer chez vous avec le sourire ?
En fait, un peu comme si j’étais ta mère, je me retrouve à laver ton linge sale. Et honnêtement, je n’ai plus trop le temps. Moi aussi j’ai un travail, des impôts à payer et un chat à nourrir. Je ne peux pas m’épuiser indéfiniment à faire ton taf à ta place par pure affection pour mes copines.
Tu me saoules, Jean-Michel. Tu ne coûtes pas seulement trop d’énergie à ma pote qui se tape toute la charge mentale que tu as réussi à lui imposer. Tu me coûtes aussi trop d’énergie à moi.
Mais heureusement, j’ai trouvé une solution à tous nos problèmes : je vais arrêter de faire des efforts !
Tu me considérais déjà comme une écharde désagréable dans ta vie ? Prépare-toi à me voir arriver chez toi avec un t-shirt « Dump him » à tous les apéros. À ne plus rien conseiller d’autre que « Jette ses affaires dans la cheminée » à ma pote. À la mettre mal à l’aise aussi, parfois, chose que j’ai soigneusement évité de faire jusqu’ici.
Parce qu’en vrai, Micheline, c’est un peu de ta faute aussi. Je sais qu’une relation de couple est faite de dynamiques complexes, qui réclament plus de nuance que ce que me permet mon seum contre ton +1. Mais c’est franchement pas sympa de me raconter que ton mec a envoyé une dickpic non sollicitée à la voisine, et d’attendre de moi que je lui tape la bise avec enthousiasme le vendredi.
Je vous propose donc de respirer tous les deux, et de commencer ensemble une nouvelle ère de notre vie : celle où vous allez vous débrouiller tous seuls avec mes émotions à moi, au lieu de m’imposer les vôtres !
Mais pour l’instant, je dois aller boire des mojitos avec des potes célibataires.
À samedi pour le dîner chez vous !
À lire aussi : Help, je ne peux pas blairer le mec de ma meilleure pote !
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Les Commentaires
Pour moi, pas sûr qu'il y ait causalité.
C'est difficile de quitter quelqu'un, pour mille raisons. On peut souffrir énormément d'une relation, songer à franchir le pas, sans pour autant y parvenir.
Ce serait un peu la double peine de souffrir énormément dans sa vie de couple et de ne pas être légitime à se confier parce qu'on ne parvient pas à partir.
Se confier, ça aide à se sentir comprise, soutenue. Je ne sais pas si ça joue un rôle dans la prévention du suicide, mais je me pose la question.
Je conçois que ça énerve l'amie en question, mais il ne faut pas oublier que c'est toujours plus facile de l'extérieur de dire "Quitte-le!". Et puis, rajouter de l'isolement aux personnes déjà isolées, bof.