Je me sens un peu triste à chaque fois que j’allume la télé, que je vois un énième reportage ou lis un énième article expliquant que la nouvelle génération passe beaucoup trop de temps devant son écran (alors qu’elle pourrait faire l’effort de sortir écouter le chant des pigeons et respirer le bon air de la pollution, mais où va le monde ma bonne dame ?). Cela me rappelle les discours moralisateurs de mes parents sur le temps que je « perdais » devant l’ordinateur…
Je suis fatiguée de voir à quel point Internet et les nouvelles technologies en général sont diabolisés. Je vous propose donc de vous raconter mon expérience avec le joyeux monde du Web, afin de vous montrer que non, cet univers virtuel n’est pas forcément néfaste… bien au contraire !
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Internet m’a forgée
À mes yeux, Internet est un endroit fascinant. Et quitte à faire plaisir à ses détracteurs, je ne me gêne pas pour le clamer : moi, je ne pourrais pas vivre sans ! Internet m’a permis de me construire, m’a fait découvrir une autre culture, un autre univers, une autre personne que j’ai pu peu à peu forger selon les rencontres et les mondes virtuels dans lesquels je me suis réfugiée. Internet m’a donné une voix à une époque où j’étais incapable de m’exprimer. Internet m’a permis de rencontrer des personnes à qui je n’aurais jamais osé parler sans le confort rassurant d’un clavier.
C’est bien facile de dire que caché•e•s derrière un écran on ne devient qu’une ombre, de lâches versions numérisées de nous-mêmes, incapable de parler ou de voir… sans Internet, la timide maladive que je suis serait toujours en train de raser les murs !
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Pour résumer mon vécu avec Internet : le déclic se fit vers mon adolescence. Après une période passée à écumer le monde de Skyblog et à poster diverses photos de chevaux, mangas et poèmes niaiseux (chut, j’ai honte), j’ai progressivement découvert le monde des forums de discussions et plus spécifiquement d’écriture. Sans exagérer, je peux sincèrement dire que cette découverte a fait de moi la personne que je suis aujourd’hui.
Lorsque tu redécouvres ton ancien blog.
Des rencontres virtuelles salvatrices
Car oui, Internet m’a permis de m’exprimer, de faire partie d’une communauté de personnes partageant une même passion. Écrire de manière régulière et coopérer avec d’autres gens m’a permis de m’améliorer, d’apprendre d’avantage mais aussi de découvrir tout un pan d’une culture que je ne faisais autrefois que toucher du doigt. Mangas, animes, jeux vidéo, musique, cinémas et autres geekeries… les échanges étaient aussi divers que variés, allant même jusqu’à se prolonger dans la sphère privée pour certains (mes meilleurs amis et même mes partenaires ont été rencontrés via ce média par exemple).
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Prendre l’habitude de communiquer à distance m’a aussi permis de rencontrer ou de rester en contact avec des gens à qui il m’aurait été impossible de parler autrement — distance géographique oblige. Et quant à ceux qui disent qu’une conversation écrite ne vaut pas une conversation de vive voix, ils ne savent pas ce qu’ils ratent : j’ai passé bien des soirées à me défouler sur mon clavier, à faire des blagues que seul le média écrit permettait, à échanger en direct du contenu passionnant en naviguant de lien en lien ou même à vider mon sac en rédigeant des choses sur lesquelles j’aurais été incapable de mettre des mots autrement !
Autant dire que MSN – repose en paix mon vieil ami – fut ma bouée de sauvetage durant ma période d’isolement et de dépression.
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Des espaces d’ouverture et de tolérance
C’est cet Internet à la fois hétéroclite et atypique qui m’a montré que la gamine mal dans sa peau et effacée que j’étais pouvait devenir quelqu’un. Que je pouvais développer un humour, une culture, des références que seul•e•s certain•e•s comprendraient mais qui n’en seraient pas moins valables que la culture de masse ! Qu’être différent•e n’était pas une tare mais pouvait au contraire devenir une force.
Internet a aussi apporté sa pierre à l’édifice de ma sexualité, en m’aidant à comprendre que le modèle hétéronormé n’était pas le seul disponible. C’est en lisant les témoignages postés par d’autres demoiselles de mon âge que j’ai pu découvrir qu’il était possible pour une fille d’être attirée par une autre, et de finalement faire mon coming out en tant que pansexuelle. C’est en lisant des témoignages que j’ai commencé à comprendre que les relations libres existaient, et que si j’étais malheureuse dans une relation exclusive cela ne venait pas forcément de moi, mais peut-être simplement du fait que je n’avais pas choisi le bon système. Comme quoi, le monde est bien fichu.
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Et puis, il y a mes valeurs et mon estime de moi. Internet m’a également aidée à gérer l’anxiété et la dépression, à la fois en me permettant de rencontrer les personnes les plus importantes de mon existence (qui ont été un véritable soutien dans les moments difficiles), et en me faisant découvrir des valeurs, des modes de pensées et des stratégies qui me permettent à présent d’appréhender l’existence plus sereinement.
Évidemment, tout cela a été le fruit d’un long cheminement et d’un énorme travail sur moi-même, mais la manière dont j’ai avancé me pousse à continuer et à ne pas me laisser abattre. Ça va peut-être vous paraître niais, mais à force de lectures et de discussions constructives avec des personnes de confiance, à force d’en voir d’autres s’exprimer pour nous dire qu’on n’est pas seul•e, on ne résout certes pas tout… mais on avance ! Et ça, je vous jure que c’est sacrément gratifiant.
Une pièce à deux facettes
Bien sûr, Internet c’est aussi des moments d’anthologie qu’on aimerait voir disparaître (que celui ou celle qui n’a jamais tenté de supprimer son ancien Skyblog me jette la première pierre), des abus, des mesquineries, des pouvoirs que certains trolls, haters et autres parasites s’arrachent sans autre désir que celui de montrer qu’ils le peuvent. C’est une pièce à deux facettes, qui peut offrir autant qu’elle peut détruire sur son passage. Car malheureusement, lorsque le meilleur de l’humanité s’exprime, le pire n’est jamais loin…
Prenez n’importe quelle vidéo YouTube sur le féminisme, l’homosexualité ou le genre. Sortez le pop-corn et le Xanax puis lisez les commentaires. Résultats garantis.
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On aura beau le diaboliser, moi Internet, je l’aime, à lui en faire l’amour tous les jours, à en supporter sa belle-mère. Parce qu’il est ma fenêtre sur le monde, mon gagne-pain (big-up à tous les apprentis web-rédacteurs•trices dans le coin), parce qu’il me permet d’apprendre, d’avancer, de m’inspirer, de m’exprimer, de me distraire, de me cultiver, de rester en contact avec les personnes qui en valent vraiment la peine !
Parce que c’est grâce à lui que je peux à présent sortir fièrement avec mon style vestimentaire arbitraire à base de chapeaux en tous genres et de t-shirts licornes, que j’ai enfin osé teindre mes cheveux en violet, que je peux balancer trois vannes de cul à la seconde, passer des heures à parler de féminisme et me mettre à couiner de joie en apprenant que la nouvelle saison de Game of Thrones vient de démarrer.
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Et tant pis pour les fois où j’ai perdu un morceau d’âme devant une énième vidéo de chat, un commentaire attestant que toutes les féministes sont des hystériques qui veulent renverser la moitié masculine de l’humanité en les noyant sous le flot de leurs menstrues, ou un gif me montrant toutes les choses insoupçonnées qu’un être humain peut s’enfiler dans l’arrière-train.
Il y a certaines zones du Net où il est déconseillé de naviguer après avoir atteint un certain niveau de fatigue.
Le pire comme le meilleur, je vous dis.
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Les Commentaires
En plus, la moindre publication un tant soit peu compromettante peut foutre ta vie en l'air vu que justement, "rien ne disparaît vraiment", on se retrouve forcé de traîner la moindre casserole pour le restant de ses jours.